
nielle, & tous deux font ordinairement accompagnés
ou fuivis d’un petit de la dernière portée,
«8c d’un autre plus grand de la portée précédente.
Le temps de la geftation eft d’environ un an ,
& la femelle ne produit qu’un petit. Ces animaux
s’accouplent au printemps , 8c plus fouvent vers-
le déclin du jour , qu’à toute autre heure. Ils
profitent cependant des momens où la. mer eft
la plus tranquille , & préludent à leur union par
des fignes 8c des mouvemens qui annoncent leurs
defirs. Ils font, non-feulement fufceptibles d’un
amour fidèle 8c mutuel, mais aufli d’un fort attachement
pour leur famille 8c meme pour leur
efpèce entière ; jls. fe donnent des ' fecours réciproques
lorfqu’ils font bleffés ; ils accompagnent
ceux qui font morts 8c que les pêcheurs traînent
au bord de la mer.
On harponne ces lamantins d’autant plus ai-
fément, qu’ils ne s’enfoncent prefque jamais en
entier fous l’eau ; mais il eft plus aifé d’avoir les
adultes, que les petits ou les jeunes, parce que
«es derniers nagent beaucoup plus vite, 8c que
fouvent ils s’échappent en laiffant le harpon teint
de leur fang ou chargé -de leur chair.
Le lamantin rend beaucoup de fang par fes
bleffures ; ce fang jaillit comme une fontaine &
paroît s’arrêter dès que l’animal a la tête plongée
dans l’eau; mais le jet fe renouvelle toutes les fois
qu’il l’élève au deflùs pour refpirer.
Lés fucus & quelques autresherbes qui croiffent
dans la mer , font la feule nourriture de ces.
animaux. C’èft avec leurs lèvres , dont la fubftance
eft très-dure , qu’ils coupent la tige des herbes ;
ils enfoncent la tête dans l’eau , & ne la relèvent
«que pour rendre l’air 8c en prendre de nouveau ;
enforte que pendant qu’ils mangent, ils ont toujours
la partie antérieure du corps dans l’eau ,
la moitié"des flancs & toute la partie poftérieure
au-deffus de l’eau.
Lorfqu’ils font raffafiés , ils fe couchent fur le
dos fans fortir de l’eau, 8c dorment dans cette
fituation fort profondément. Leur peau , qui eft
continuellement lavée , n’en eft pas plus, nette ;
elle produit & nourrit une grande quantité de
Termine que les- mouettes & quelques- autres
©ifeaux viennent manger fur leur dos. Au refte
ces. lamantins , qui font très-gras au printemps &T
en été , font fi maigres en‘hiver qu’on voit aifé-
ment fous la peau le deflin de leurs vertèbres 8c
de leurs cotes ; c’eft dans cette faifon qu’on en
rencontre quelques-uns qui ont péri entre, les glaces
flottantes.
Une graille épaiffe de plufieurs pouces enveloppe
tout le corps ; lorfqu’on l’expofe au fo-
le il, elle y prend la couleur jaune du beurre;
elle eft de très-bon goût 8c même de bonne odeur;
on la préfère à celle de tous les quadrupèdes ;
elle peut fe conferver long-temps, même pendant
les chaleurs de l’été , & on peut l’employer
aux mêmes ufages que le beurre 8c la manger de
même ; celle de la queue fur-tout eft très-délicate
; elle brûle aufli très-bien fans odeur forte
ni fumée défagréable. La chair a le goût de celle
du boeuf ; mais elle eft moins tendre , 8c exige
une plus longue cuiflon , fur-tout celle des vieux,
qu’il faut faire bouillir long-temps pour la rendre
mangeable.
2 ° . L e g r a n d L a m a n t i n d e s A n t il l e s •
Nous indiquons ainfi cette efpèce , parce qu’elle
paroît fe trouver encore aujourd’hui aux environs
de ces files , .quoiqu’elle y foit néanmoins devenue
rare , depuis qu’elles font bien peuplées. Ce lamantin
diffère de celui de Kamtfchatka par les
caraâères fuivans. Sa peau rude 8c. épaiffe n’eft
pas .ahfolument nue , mais parfemée de quelques
poils qui font de couleur d’ardoife, ainfi que la
peau ; il a dans les mains tinq ongles apparens ,
allez femblables à ceux de l’homme ; ces ongles
font fort courts ; il'a-de plus, non feulement une
callofité offeufe au-devant de -chaque mâchoire,
mais encore trente-deux dents molaires au fond
de la gueule. La forme de la queue eft plutôt
carrée qu’applatie. Il en diffère encore par les
proportions 8c par la grandeur du corps ; il eft
moins grand , & a aufli le corps moins épais. Sa
longueur n’eft que de douze ? quatorze , quinze ,
dix-huit , 8c rarement vingt pieds. , à moins
qu’il ne foit très-âgé.
Du refte, ces deux efpèces de lamantins fe
reffemblent par les habitudes naturelles ; même
goût pour la fociété de leur efpèce , même naturel
doux , tranquille & confiant. On voit les lamantins
des Antilles toujours en troupes dans le voi-
finage des côtes , 8c quelquefois, aux embouchures
des rivières ; mais ils ne les remontent point, &
fe tiennent, comme ceux de Kamtschatka , toujours
dans les eaux falées ou faumâtres. Ils fe
nourriffent aufli des mêmes herbes , & leur chair
& leur graille font également bonnes à manger ;
la femelle ne produit egalement qu’un petit qu’elle
embraffe , 8c porte fouvent entre fes mains. Elle
l’allaite-pendant un an , après quoi il eft en état
de fe pourvoir lui-même 8c de manger de l’herbe*
On trouve dans le voyage aux ijles de l'Amérique
de Labat , une affez bonne defcription
du lamantin, 8c de la manière dont on le harponne.
L’auteur obferve fort bien que cet animal
eft devenu affez rare aux Antilles , depuis que
lès bords de la mer font habités ; celui qu’il vit 8c qu’il mefura avoit quatorze pieds neuf pouces
depuis le bout du muffle jufqu’à la naiffance de
la queue; il étoit tout rond jufqu’à cet endroit ;
fa tête étoit groffe > fa gueule large >avec de grandes
lèvres , 8c quelques poils longs 8c rudes au-
deffus ; fes yeux étoient très-petits par rapport à
fa tête, 8c les oreilles ne paroiffoient que comme
deux petits trous ; le cou eft fort gros 8c fort
court y 8c fans les mouvemens qui y marquent
un p li, il ne féroit pas poflible de diftinguer la
tête du refte du corps.
a Quelques auteurs prétendent ( ajoute-t-il ) ,
que cet animal fe fert de fes deux mains, ou nageoires
pour fe traîner- fur terre ; je me fuis
foigneufement informé de ce fait, perfonne n’a
yu cet animal à terre ., 8c il ne lui eft pas poflible
d’y marcher ni d’y ramper ; fes pieds, de devant
ou fes mains ne lui fervent que pour tenir fes
petits pendant qu’il leur donne à têter ; la femelle
a deux mamelles rondes ; je les mefurai ; elles
avoient chacune fept pouces de diamètre , fur en- .
viron quatre élévation ; le mamelon étoit gros
comme le pouce,. & fortoit d’un bon doigt au
dehors; le corps avoit huit pieds deux- pouces
de circonférence ; la'queue étoit comme une large
palette de dix-neuf pouces de long ,. & de quinze
pouces dans fa plus, grande largeur , 8c l’épaifleur
à l’extrémité étoit d’environ trois pouces : la
peau étoit épaiffe fur le dos prefque comme un
double cuir de boeuf, mais, elle étoit beaucoup
plus mince fous le ventre ; elle eft d’une couleur
d’ardoife brun , d’un grain gros 8c rude , avec .
des poils de même couleur, clair femés, gros,
& affez longs. Ce lamantin pefoit environ huit
cents livres ; on avoit pris le petit avec la mère ;
iî avoit à-peu-près trois pieds de long ; . . . . . . ;
L’herbe dont ces animaux 1e nourriffent eft longue
de huit à dix pouces , étroite, pointue , tendre,
êc d’un affez beau vert ; on voit des endroits fur
les bords & fur les bas fonds de la mer, où cette
herbe eft fi abondante , "que le fond paroît être
une prairie ».
3 ° . Le grand Lamantin de la mer des Indes,
Ce lamantin paroît avoir plufieurs rapports de
reffemblance avec le grand lamantin des Antilles ; ,
cependant nous ne croyons pas qu’ils foient ab-
folument de la même efpèce ; car il ne paroît
guère poflible que ces animaux , qui ont befoin de
paître l’herbe qui croît fur les bas-fonds , & qui .
fe perdroient dans les hautes mers, ayjent fait la
traverfée de l’Amérique aux grandes Indes.
4 ° . Le P E T I T L a ma n t I N d'Amérique.
Cette quatrième efpèce, plus petite que lés
trois précédentes , eft en même-temps plus nom-
breufe 8c plus répandue que la fécondé dans les
climats chauds du nouveau Monde. Elle fe trouve
non-feulement fur prefque toutes les côtes , mais
encore dans les rivières 8c les lacs qui fe trouvent
dans l’intérieur des terres'de l’Amérique méridiq-
nale , tomme dans l’Orénoque , l’Oyapoc , l’Amazone,
&c. on les trouve aufli dans la baie de
Campêche 8c autour des petites files qui font au
midi de celle de Cuba, 8cc,
Il paroît que ces petits lamantins d’Amérique
fréquentent alternativement les eaux de la jnçr
& celles des fleuves, félon qu’ils y trouvent de
la pâturé ; mais ils habitent conftamment fur les
fonds élevés des côtes baflès 8c des rivières où
croiffent les herbes dont ils fe nourriffent : on ne.
les rencontre jamais dans les endroits voiflns des
côtes efcarpées où les eaux font profondes , nï
dans les hautes mers , à de grandes diftances des
terres ; car ils n’y pourroient vivre, puifqu’il ne
paroît pas qu’ils mangent du poiffon , 8c le
des grandes mers ne produifant point de végétaux
, ils périroient d’inanition en voulant les
traverfer.
Le petit lamantin fe nourrit non-feulement des
herbes qui croiffent fous les eaux, mais il broute
encore celles qui bordent les rivages , lorfqu il
peut les atteindre , en avançant fa tête fans fortir
entièrement de l’eau. Les femelles , dans cette
efpèce, produifent ordinairement deux petits. Lai
mère porte ces deux petits fous chacun de les
bras , 8c ferrés ‘contre fes mamelles , dont ils né
fe féparent point , quelque mouvement quellé
puiffe fe donner ; 8c lorfqu’ils font devenus affez
forts pour- nager , ils la fuiyent conftamment ^
& ne l’abandonnent pas lorsqu’elle eftbleflee , ni
même après fa mort,-car ils perfiftent-a l’accompagner
lorfque les pêcheurs la tirent avec des
cordes pour l’amener au rivage.
La peau de ces petits lamantins adultes eft 4
comme celle des grands , rude & fort epaiffe.
Leur chair eft aufli très-bonne à manger.
C’eft de cette efpèee de lamantin que parle M*
de la Condamine. «vLa chair 8c la graiffe du lamantin
, dit cet illuftre voyageur, ont affez de
rapport avec celle du veau. Le Pere d Acuna rend
fa reffemblance avec le boeuf encore plus com-
plette , en lui donnant des cornes dont la nature
ne, l’a point pourvu. Il n’eft pas amphibie a proprement
parler, puifqu’il ne fort jamais de 1 eau
entièrement , 8c n’en peut fortir , n ayant que
deux nageoires affez près de la tete , plates 8c-
en forme d’ailerons, de quinze a feize pouces de
long, qui lui tiennent lieu de bras & de mains ; il
ne fait qu’avancer fa tête hors de 1 eau pour atteindre
l’herbe fur le rivage ».
« Celui que je deffrnai etoit femelle ; fa longueur
étoit-de fept pieds 8c demi de roi, 8c fa plus
grande largeur de deux pieds. J’en ai vu depuis
de plus grands. Les yeux de cet animal n’ont
aucune proportion à 'la grandeur de fon corps :
ils font ronds 8c n’ont que trois lignes de d iam è tre -
L’ouverture d g fes oreilles eft encore plus petite
& ne paroît qu’un trou d’épingle. Cet animal
n’eft pas particulier à la rivière des Amazones y
il n’eft pas moins commun dans l’Orénôque : il
fe trpuve aufli, quoique moins fréquemment ,
dans l’Oyapoc , 8c dans plufieurs autres rivières
des environs de Cayenne 6c des côtes de la
Guyane , 8c v r a ifem b la b lem e n t ailleurs. C’eft^ le
même qu’on nommoit autrefois manati, 8c qu on
nommé aujourd’hui lamantin a Çayenne 8c dans