
font plus difficiles à rompre , 6c il fera de
même moins difficile de les faire au changement
de nourriture. Le choix des oifeaux
étant déterminé, on doit les enfermer dans
des cages dont les dimenfions foient réglées
fur le nombre , la grandeur des oifeaux,
la place qu’on pourra occuper, foit dans
le vaifTeau , foit dans les voitures par terre.
On ne peut donc rien ftatuer de général à
cet égard ; mais on peut avertir qu’on préviendra
les accidens qui réfulteroient des
coups que fe donneroient les oifeaux effrayés
ou impatiens de leur détention, en couvrant
le haut des cages d’une toile ou d’une peau
qui ne foient pas tendues trop ferme , en
revêtiffant de même trois des côtés de la
cage , & n’en laiffant qu’un de découvert,
fur lequel encore on pourra baiffer à volonté
ou la peau ou la toile qui feront
attachées convenablement pour cet ufage.
Par le moyen de ces précautions , les coups
que les oifeaux pourront fe donner feront
fans effet ; & en les réduifant dans l’obf-
curité quand ils feront trop agités , ou
effrayés , on préviendra les mouvemens
trop violens qu’ils pourroient fe donner.
J’ai oui-dire à plufieurs marins qui avoient
effayé de tranfporter des oifeaux, tels que
des fénégalis , des bengalis, &c. que les
premiers coups de canon qu’on tiroit en
mer faifoient périr une partie des oifeaux
qu’ils avoient embarqués, 6c qu’ils en per-
doient à chaque coup qu’on tiroit. Cet effet
' ne fçauroit etre attribué à la commotion
de l’air ; je crois qu’il 'n’eft produit que
par la frayeur des oifeaux qui fe frappent
la tête contre les parois d’une cage mal
préparée, C ’eft ainfi que j’ai vu des moi-
n'eaux furpris dans une chambre où ils étoient
entrés , 6c dont on avoit fubitement fermé
les croifées , fe précipiter vers les vitres ,
1 & fe heurter fi rudement à la tête , qu’ils
tomboient mourants dq coup qu’ils ve-
poient' de fe donner.
On fera bien de couvrir de fable le fond
de la cage. Il entretiendra la propreté, qui
eft très-néceffaire ; il occupera les oifeaux,
qui s’amuferpnt à le becqueter, & auxquels
l’ennui 6ç la captivité feront d’autant moins
fefifibles ; ils en avaleront quelques grains ,
comme ils. ont-l’habitude de le faire dans
l’état de liberté. Si l’on manque de fable, il
faudra nétoyer fouvent la cage , prévenir
l’humidité 6c la mauvaife odeur.
Il eft important de ne donner aux oifeaux
que de l’eau propre ; fans mauvais goût, de
la leur renouveller avant qu’elle, fe corrompe
, fur-tout de ne les en pas laiffer
manquer. Ceux q u i, comme la poule, ne
fe baignent pas, en confomment fort peu ;
mais le nombre de ces oifeaux eft très-
borné , 6c prefque tous les autres en général
aiment à fe baigner fouvent ; c’eft
pour eux une habitude falutaire , 6c qu’on
fera bien de leur procurer les moyens d’entretenir
autant qu’il fera poffible, car elle
n’eft pas de première nécelîité. Après avoir
parlé du choix des oifeaux, des alimens,
de la manière de préparer la cage , examinons
comment on doit la placer. Si l’on
voyage par mer, il fa u t , autant que les
circonftances le permettent, çhoifir un lieu
calme &aëré. Si l’on eft contraint de tenir
ordinairement des oifeaux dans une chambre
, il faut de temps en temps les porter
à l’a ir, les y laiffer le plus de temps qu’il
eft poffible. En général, ils feront d’autant
mieux qu’ils amont plus de tranquillité,
d’air 6c de jour , fans être expofés à la
pluie , au froid 6c au v en t , ou à un foleit
trop ardent. Si les oifeaux qu’on tranfporte
font fort grands , 6c que par cette raifon
on foit forcé de les laiffer dehors, on doit,
dans le choix de la place qu’on leur deftine,
avoir égard, autant qu’on le peut,aux précautions
dont je viens de parler. On doit
faire enforte fur-tout qu’ils foient garantis
des pluies longues 6c froides , ainfi que du
tourment & des agaceries des matelots 6ç
des paffagers. Pour les en mettre à l’abri,
on aura foin que le devant de la cage, qui
n’eft couvert que d’une toile qu’on baiffe
& lève à volonté , foit formé d’un double
rang de barreaux. On laiffera entre chaque
rang un efpace de trois à quatre pouces&1 ou
fermera le rang extérieur avec un çadenat.
Si l’on voyage par terre , le mieux fera
de fufpendre la cage, pendant la route, fous
la voiture, 6c tant qu’on fera en chemin ,
de tenir la toile baillée fur le devant de
la cage. Le matin, avant de partir, on l’aura
relevée ; on aura tourné l’ouverture en face
du jo u r , dans un lieu folitaire , 6c l’on
aura accordé aux oifeaux un temps convenable
pour qu’ils prennent de la nourriture
; en partant, on aura retiré le vafe
dans lequel on leur donne de l’eau ; en
arrivant à la dînée & à la couchée, on fe
conduira comme le matin , avant de fe
mettre en route. Trois repas par jour
peuvent fuffire. J’ai tranfporté par terre ,
l ’efpace de quatre cens lieues, en ufant des
précautions que je viens d’indiquer, 6c en
me fervant d’une cage femblable à celle
que j ’ai décrite , l’oileau que M. Briffon
nomme merle-bleu , & qu’on appelle en
Italie pajjert foliiario. Je l’ai apporté de
Lyon à Paris, quoique je voyageaffe par
la diligence, que je n’euffe par conféquent
pas les commodités dont j’aurois eu befoin.
Mais je profitois de tous les momens favorables
à l ’oifeau dont je prenois foin.
Les oifeaux qui vivent de grains, & qui
font ceux dont j’ai parlé jufqu’à préfent ,
font les plus faciles à tranfporter. La difficulté
de fournir aux autres des alimens qui
leur conviennent, rend leur tranfport plus
embarraflant ; car , d’ailleurs , les précautions
doivent être les mêmes. Mais ce n’eft
guères que parmi lés oifeaux qui fe nour-
riffent de grain qu’on peut efpérer de trouver
des efpèces qu’il feroit avantageux de
tranfporter, & qui multiplient en état de
domefticité. Il n’y a que le motif d’apporter
des animaux curieux 6c rares qui puiffe
engager à fe charger des autres.
On peut, comme je l’ai déjà dit, remplacer
par la mie de pain sèche ou humectée,
les baies, les fruits, par rapport à plufieurs
efpèces qui s’en nourriffent. Je conferve
depuis plufieurs années un troupiale. Cet
oifeau de la Jamaïque , où on le nomme
lonana, du nom d’un arbufte dont les fruits
font fa principale nourriture, v it de mie
de pain sèche ou humeûée avec de l’eau
ou du lait. Il choifit 6c varie entre ces
mets dont il eft toujours pourvu. J’ai vu
en Hollande des toucans, des courlis couleur
de fe u , qu’on nourriflbit de mie de
pain , & auxquels on donnoit des fruits
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quand la faifon le permettoit. M. Bajon ,
qui a demeuré long-temps à la Guiane ,
m’a aflùré qu’il y avoit nourri beaucoup
•d’oifeaux avec la mie de pain , & en particulier
des toucans 6c des courlis. Les oife-
leurs préparent pour les grives, les merles ,
les fanfonnets , une forte de pâte qu’ils
font avec du chenevis écrafé 6c humeété
avec de l’eau ; ces oifeaux vivroient àuffi-
bien 6c mieux de mie de pain humeâée.
Elle peut donc, pour beaucoup d’efpèces ,
être fubftituée aux fruits qui font leur principale
nourriture ; car la plupart des oifeaux
qui en v iv en t, recherchent en outre
les vers 6c les infectes. C’eft par cette raifon
qu’on peut préfenter à ces oifeaux de la
viande coupée par morceaux très-petits ,
& fi ils y prennent g o û t, leur en donner
de temps en temps ; elle remplace les vers
& les infectes dont ils font privés, comme
la mie de pain remplace les fruits qui leur
manquent ; mais ce fupplément n’eft pas
d’une nécelîité abfolue , au moins il ne l ’eft
pas toujours. Dans la première année , je
donnois de la viande au troupiale dont
j ’ai parlé ; je la lui ai fupprimée depuis deux
ans fans qu’il s’en porte moins bien ; je lui
donne de loin en loin les infeâes qui me
tombent fous la main. Il en eft très-friand ;
c’eft une attention que les voyageurs pourroient
avoir pour les oifeaux dont ils pren-
droient foin , 6c qui ne pourroit que leur
être très-utile.
On apporte du Nord des oifeaux de
proie pour la fauconnerie. On po.urroit en
apporter également des autres contrées ,
en prenant les mêmes précautions : elles
conliftent à tenir ces oifeaux chapronés ,
attachés par une longe fur une perche ; à
ne les découvrir que deux fois par jour pour
les repaître , ou même une feule fois , à
leur donner de la viande maigre , fans
graiffe, membrane, ligaments , ni tendons.
L’attention qu’on a de couvrir les yeux
de ces oifeaux, eft une preuve de l’utilité
du confeil que j’ai donné de tenir les oifeaux
dans Tobfcurité pendant.la route 6c toutes
les fois qu’il eft à- craindre qu’ils ne foient
effrayés.
On peut, pour beaucoup d’oifeaux, fubt