
arcade ; elle avoit fept pieds 8c demi de longueur
, trois pieds huit pouces de largeur,
deux pieds dix pouces de hauteur de la bafe
au fommet, 8c un pied d’épaiffeur, Le fom-
inet formoit une platebande large de huit
pouces, les côtés étoient inclinés comme
les pans d’un toit pour l’écoulement des
eaux. Le corps du fépulere étoit creufé en
forme d’auge longue de fept pieds , large
de deux pieds huit pouces, 8c haute de deux
pieds cinq pouces ; de forte que le fépulere
entier avoit cinq pieds trois pouces de hauteur
(a). Le corps de ce fépulere étoit grof-
fièrement travaillé ; la couverture etoit
polie, mais il n’y avoit point d’infeription
ni aucune figure.
Ce fépulere de pierre renfermoit un
cercueil de plomb placé dans l’auge ; le
cercueil a quatre pieds fept pouces de longueur
, un pied deux pouces & demi de
largeur, 8c quinze pouces de hauteur ; il
n’a pas la forme d’une bière, il eft carré &
compofé de deux pièces, dont l’une-forme
un coffre de largeur égale dans toute fon
étendue. L’autre pièce eft un couvercle ;
elles s’emboîtent comme une tabatière fans
charnière. Le couvercle eft percé de deux
fentes longues chacune d’environ deux
pouces 8c fort étroites ; l’une fe trouvoit
au-deflus de la bouche de la momie, 8c
l’autre à-peu-près au-deflus de l’eftomac ;
elles étoient remplies d’une forte de bourre
ou de feutre : on n’a pas fçu à quoi elles
fervoient.
Le cercueil renfermoit une momie ; il
étoit enduit fur fes parois intérieures d’une
fubftance aromatique mêlée d’argile. Il y
avoit fur la momie une couverture de gros
fil tiffue en forme de natte ; fous cette couverture
deux chemifes ou fuaires de la plus
grande fineffe ; fous les chemifes", un bandage
qui enveloppoit toutes les parties du corps,
comme celui d’un enfant au maillot : fous
ce bandage univerfel, un bandage particulier
fur les extrémités, c’eft-à-dire les bras
& les jambes. La tête étoit recouverte de
deux coiffes ou bonnets ; les mains & les
pieds étoient renfermés dans des fachcts fans
autres bandages particuliers. La peau de
toutes les parties du corps étoit enduite
d’une couche de fubftance aromatique ,
épaiffe d’un pouce, 8c recouverte d’étoupes
imbues de la même matière, dont les enveloppes
intérieures étoient aufli pénétrées ;
les enveloppes extérieures fembloient avoir
été trempees dans du gaudron.
Le corps de cette momie eft d’un jeune
homme ; on n’a pas été d’accord fur fon
âge ; les uns l’ont eftimé à dix ou douze
ans ; les autres, à treize ou quatorze ; on
n’en peut guère juger que par la hauteur,
qui étoit d’environ quatre pieds. Il avoit
la tête du côté de l’orient , 8c les pieds
vers l’occident ; il a paru bien proportionné
, excepté la tête qui étoit greffe,
8c les pieds qui étoient petits. La peau
avoit la foupleffe 8c le coloris qu’elle a
fur un corps mort depuis peu de temps ;
cependant elle étoit brune 8c roide au-vifage
8c fous les cheveux. Le bas-ventre cédoit
fous la main lorfqu’on le touchoit ; toutes
les articulations etoient flexibles , excepté
celles des jambes avec les pieds ; les doigts
s’étendoient d’eux - mêmes lorfqu’on les
avoit pliés. Tous les ongles fubfiftoient ;
on vo yo it diftinâement les lignes qui font
fur les jointures des doigts , fur la paume
des mains 8c la plante des pieds ; les os
des bras 8c des jambes étoient mous 8c
plians ; au contraire, ceux du crâne avoient
confervé leur dureté. Il n’y avoit de
cheveux que fur le derrière de la tê te ,
ils font d’un brun châtain, ils n’ont que
deux pouces- de longueur. La peau du
fommet de la tête avoit été féparée du
crâne par une incifion, pour placer des
aromates , que l’on y a trouvés mêlés
d’argile. Cette momie avoit toutes fes
dents ; la langue 8c les oreilles s’étoient
confervées en bon état ; le ferotum étoit
applati ; mais la verge étoit faillante , 8c
lè prépuce entier. Le nez étoit fort écrafé :
(a) Autant que j’en ai pu juger par les dimenfions rapportées dans le Mercure de Février, du mois
d’Avril 1756 , Fol. I l , & dans le Journal de Médecine, Avril 1756, qui ne font pas exactement d accord
dans les détails de la Defcription de cette Momie.
cette difformité fit foupçonner que l’on
auroit pu tirer le cerveau par le ,n e z.,
d’autant que l’on n’appercevoit à l’extérieur
de la tête aucune ouverture qui eût .
été pratiquée pour pénétrer dans le crâne ;
mais on reconnut , en introduifant une
fonde dans les narines, que l’os ethmoïde
n’avoit pas été détruit, 8c que par confé-
quent on n’avoit pu faire palier le cerveau
par cette voie & y fubftituer des aromates.
L’anus n’avoit aucune marque de dilatation
qui pût faire croire que l’on eut tiré les
entrailles , par cette ouverture naturelle ,
pour les embaumer. M. Stroppe (a) étant
curieux de voir en quel état étoient les
vifeères , fit une incifion fur la région épi-
gaftrique ; il enfonça fon doigt dans la
capacité de l’abdomen, 8c il en fit fortir
de l’air. Il retira, par cette ouverture, une
portion de l’épiploon qui avoit une bonne
confiftance 8c une couleur blanchâtre ; il
enleva aufli une partie des inteftins , les
-ayant foufflés, il n’y apperçut aucune future
, 8c il lui parut qu’ils avoient été
embaumés avec les excrémens, fans qu’ils
euffent éprouvé aucune altération ; il fe
trouva feulement, dans le jéjunum, une
matière qui reffembloit à du miel, 8c qui
fe fondit dans l’eau. M. Stroppe jugea que
c’étoit un refte des excrémens. En introduifant
le doigt par l’ouverture faite à
l’endroit de l’eftomac , on faifoit jouer la
poitrine comme un foufïlet ; on fentoit le
diaphragme 8c tous les vifeères fouples 8c
entiers comme dans un cadavre frais ; ils pa-
roiffoient enduits d’une matière moins fo-
lide que celle qui étoit à l’extérieur ducorps.
La matière de l’embaumement avoit une
odeur très-forte 8c très - pénétrante , que
le corps du fépulere exhaloit encore, après
avoir été expofé au grand air pendant plus
d’un mois : cette, odeur fe faifoit fentir
| dans tous les lieux oh la momie avoit été
( dépofée , quoiqu’elle n’y fut reliée que.
peu de temps : on a même prétendu que
les payfans des villages voifins en avoient
été incommodés. Lorfque l’on touchoit
au corps de la momie , ou à fes aromates,
l’odeur en reftoit aux mains pendant plu-
fieurs heures , quoiqu’elles euffent été
lavées avec de l’eau chaude, de l’eau-de-vie
oudu vinaigre. M. Stroppe a rapporté qu’il
n’avoit pu faire paffer cette odeur qu’à l’aide
de l’efprit-de-vin. MM. Bernard de Juflîeu
8c Rouelle , connus de toute l’Europe,
par leur grande célébrité en hiftoire naturelle
8c en chymie , ayant vu de la matière
de l’embaumement, ont cru que ce
n’étoit qu’un mélange de poix 8c de poudre
aromatique , principalement de cannelle ,
d’encens, de meum 8c de valériane.
Le procédé de cet embaumement n’eft
pas mieux connu que fon époque , mais
il différoit de ce que nous connoiffons des
procédés des embaumemens qui ont été
pratiqués par les Egyptiens , puifqu’ils
vuidoient lés capacités du corps , 8c qu’ils
en tiroient les entrailles , ou qu’ils les
confumoient au dedans du corps en y in-
jeâant une diffolution de leur natron. On
a reconnu que ce natron ou nitre des anciens
étoit un vrai fel alkali fixe , qui
agiffoit fur les chairs comme la chaux agit
fur les cuirs , pour les préparer 8c les
tanner , 8c qui les diffout s’ils relient
trop long - temps expofés à fon aftion (f).
Les Egyptiens faloient les corps ; en-
fuite ils les faifoient fécher à l’air ,' foit
qu’ils vouluffent les embaumer ou les
conferver ainfi defféchés fans aucune autre
préparation. Or ,les vifeères de la momie,
trouvée en Auvergne , n’ont été ni enlevés
, ni dilfous , puifqu’ils fubftftent dans
leur entier , 8c que l’on ne voit aucun vefi
tige des ouvertures que l’on auroit été
obligé de faire pour les tirer du corps 8c
pour les y replacer. La momie n’avoit pas
été defféchée , puifqu’au for-tir du cercueil
O2) M. Stroppe , Chirurgien & Apothicaire à Maringue , Auteur de la Defcription de cette Momie
ot de fon tombeau , rapportée dans le Journal de Médecine , Avril 1756, dont j’expofe ici les
faits principaux. ■
(l) Foyei dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences , année 1750, le premier Mémoire
lur les embaumemens des Egyptiens , par M. Rouelle , page 127.