
dans l’ exécution, il ne tranfporte d’un
climat à un autre que des efpèces utiles.
Le premier, q u i, dans les plaines de l’Arabie
, accoutuma le cheval à fupporter le
frein, qui le conduifit dans nos campagnes,
oîi il enfeigna à leurs habitans la manière
de le foigner, de s’en fervir, de le con-
fe rv e r , & de propager fon efpèce , leur
fit le plus beau don qu’ils pulTent recevoir.
Le voyageur, qui,de nos jours, ameneroit
du Pérou la vigogne, de l’Afrique ou de
l ’Afie le chameau, qui ne les enfermeroit
pas dans une ménagerie, pour n’y être
qu’un objet de curiofité ; mais qui les con-
duiroit, la vigogne fur les Pyrénées, le
chameau dans les plaines au pied des monts
qui y répercutent les rayons du fbleil &
y concentrent la chaleur, enrichîroit les
provinces oit il fe fixèroit & feroit don
a toutes les autres d’un animal robufle quand
i l eft é le vé , patient, infatigable , qui dé-
penfe très-peu, qui porte les plus lourds
fardeaux , pour lequel il n’eft point de
chemin impratiquable, propre enfin à fou-
lager le cheval excédé & affoibli par trop
de travaux ; il nous procureroit la plus
belle des toifons, celle avec laquelle on
fabrique le drap le plus fin,' le plus chaud
& le plus léger ; mais que le prix & la
rareté de la laine dont il efl tiflù, tranf-
portée du Pérou , rendent trop cher.
Il n’y auroit pas de fi grands avantages
à efpérer du tranfport des oifeaux ; mais
on en pourroit attendre cependant qui
mériteraient de n’être pas négligés.
Ceux qui nous ont apporté, les uns de
l ’Afie & de la Chine , les autres de l’A mérique
feptentrionale,le paon, le tricolor,
le faifan d’argent, le dindon, nous ont
fait, les premiers un préfent agréable & magnifique
, les féconds, un don utile & économique.
Il feroit facile de les imiter en apportant
de l’Afie la poule du Thibet, le canard
de Nanquin ,, de. l’Amérique , le màrail &
Vagami. Le premier de ces deux derniers
oifeaux v it aifément en baffe-cour, multiplie
beaucoup,. & par la qualité de fa
chair mérite d’être mis au rang des meil-
leiyes volailles ; le fécond eft aux oifeaux
ce que le..chien eft-aux quadrupèdesS &
l’homme faifant tourner à fon profit fa
fagacité de l’agami, comme il emploie à
fon ufage celle du chien, il fe repofe en
partie fur lui du foin de conduire , de
défendre, de raffembler les autres oifeaux
qu’il met fous fa garde. Il eft bien probable
qu’outre le petit nombre d’oifeaux que
je Viens de citer, & que j’aurois pu augmenter
, il y en a dans chaque pays dont
le tranfport feroit avantageux, fi les vftya-
geurs s’attachoient à remarquer ceux qui
peuvent être utiles , & s’ils" n’étoient pas
retenus par les difficultés du tranfport. Il
feroit à fouhaiter qu’on les leur applanît
dans les occafions importantes. Je defire
que les réflexions que je vais leur offrir
puiffent les encourager à des entreprifes
utiles, & leur rendre les moyens de les
exécuter plus certains & moins pénibles.
La manière la moins embarraffante de
propager les différentes efpèces d’oifeaux
feroit de n’apporter que les oeufs enduits»
étant bien frais, d’un vernis à l’efprit de
v in , qu’on enleveroit en les lavant avec
le même diffolvant quand on feroit au
terme de fon voyage, ils pourroient, après
plufieurs mois , être couvés avec fùecès.
Mais cette méthode fort facile, ne fçau-
roit convenir que pour un petit nombre
d’efpècés, & elle exige une précaution dont
le défaut a fait échouer bien des tentatives
de ce genre. On ne peut réuflîr de cette
façon que pour les oifeaux dont les petits,
comme le poufîîn de la poule, font en état,
au fortir de l’oeuf, de marcher & de prendre
de la nourriture eux-mêmes. Il feroit pref-
qu’impoflîble d’alimenter les autres dans
les premîers’'temps, onde trouver des efpèces
analogues qui fe chargeaffent de ce.
foin ou qui le priffent pour leur famille
dans le temps oh les oeufs étrangers feroient
apportés. Cependant comme le pigeon, la
tourterelle pondent fréquemment, & qu’il'
n’eft pas difficile d’en trouver’dans tous les;
temps qui couvent, que d’ailleurs les e fpèces
de ces oifeaux fe correfpondënt affez:
dans tous les pays relativement a la g ro f-
feur, je crois qu’on pourroit apporter avec
fuccès des oeufs de pigeons, de tourterelles „
les placer fous des oifeaux du même genre >
le leur confier le foin d’élever les petits
qui pourroient naître, comme la poule feroit
propre à couver tous les oeufs d’une
proportion convenable , par rapport atix
efpèces dont les petits ramaffent eux-mêmes
leur nourriture aufli-tôt qu’ils font nés;
mais pour que les oeufs foient propres à
•être couvés , il fau t, indépendamment
du foin d’y appliquer un vernis & de
l ’enlever âtemps, une précaution pendant
le voyage fans laquelle ils ne fçauroient
réuflîr. Soit qu’on les tranfporte par mer
ou par terre , le roulis &c les cahos,
en les agitant, en dérangent l ’organifation ;
les ligamens qui tiennent le jaune fufpendu
fe rompent, il tombe au fond de l’oeuf ,
dans lequel il ne fe fait pas même un
commencement de développement. Etant
en Hollande, j’y ai appris qu’on avoit remédié
à cet inconvénient en fufpendant
dans un filet la boëte qui contient les oeufs,
& qu’on y a exaâement enfermés dans du
coton , du fon ou ,de la fciure de bçis.
Le filet obéit aux différens mouvemens ,
n’en à qu’un d’ofcillation , dont l ’effet n’a
aucune action fur l’organifation des oeufs.
Lorfqu’on veut tranfporter des oifeaux
v iv an s , il faut d’abord faire attention à
deux objets principaux; leur fournir la
nourriture qui leur convient, ou y en
fubftituer une qui puiffe y fuppléer ; les tenir
dans un local tel qu’il doit être. Il faut
par confisquent avant de rien entreprendre
s’être mis au fait des habitudes des oifeaux
qu’on a le projet de tranfporter, & les
avoir d’avance accoutumés par degrés aux
fatigues, aux privations , aux troubles de
différens genres auxquels ils feront expofés.
Les oifeaux qui vivent de grain font les
moins difficiles à tranfporter ; prefque les
feuls à l'égard defquels on en faffe la tentative
, quoiqu’on puiffe auffi réuflîr pour
d’autres oifeaux ; mais c’eft fur-tout parmi
les premiers qu’on peut rencontrer plus
d’efpèces vraiment utiles.
Le riz eft aux Indes, &c dans beaucoup
d’endroits de l’Amérique, la nourriture des
oifeaux qui vivent de grain ; il feroit aifé
d’en faire provifion pour la route ; mais
ce genre de nourriture deviendroit trop
cher pour une efpèce qu’on auroit le projet
de multiplier par efprit d’économie. Heu-
reufement les différentes fortes de bleds
peuvent être fuppléées au riz pour la plupart
des efpèces qui s’en nourriffent, & le
millet peut l’être pour un grand nombre
qui vivent de differentes fortes de grains ;
enfin la mie de pain sèche ou humeûée
avec l’eau eft un aliment prefque général
par le moyen duquel on peut remplacer
non - feulement les différentes fortes de
grains , mais même les alimens, dont les
fruits, les baies font la bafe, & quelquefois
les infeftes même. Il faut donc avant
de le charger d’unoifeau granivore, l’avoir
d’avance, fi on a été â portée de le faire,
accoutumé au bled ou au millet en place
de riz ou autre grain analogue dont il a
coutume de fe nourir. S’il ne peut s’y faire ,
le foin d’amaffer pour le voyage une quantité
fuffifante du grain dont il ne fçauroit fe
paffer deviendroit inutile , puifque par- la
fuite ou l’oifeau même, ou fa race, en man-
queroient dans le lieu oit on les auroit
tranfportés.
Après avoir effayé d’accoutumer d’avance
les oifeaux aux grains qu’on pourra
leur donner en Europe , fi l’on a de ces
grains dans le lieu d’où on veut les tranfporter
, il faut les préparer au .voyage ;
mais fi l’on manque des grains dont on
veut fçavoir fi ils peuvent contrarier l ’habitude
, & que , fans avoir pu faire à cet
égard l’effai néceffaire , on defire cepen-'
dant les tranfporter, il ne refte qu’à faire
provifion du grain qui leur convient, fauff
à faire, après le voyage , l’effai qu’il étoit
plus avantageux de faire auparavant ; fi ,
de l’une ou de l’autre manière, la provifion
vient à manquer par quelque raifon que
ce fo it , on réuflira fouvent à y fuppléer
par le moyen de la mie de pain.
Les voyages ne pouvant pas être exempts
de trouble , d’agitation , il eft bon que
les oifeaux qu’on y deftine , foient accoutumés
à la fervitude ou à la domefticité ,
à la vue des hommes , au bruit. Il fera ,
par ces raifons , plus avantageux de choifir
des jeunes qu’on ait élevés à deffein que
de prendre des adultes , dont les habitudes