
à d ix mois , ôc font rem p la c é e s par d'autrês moins
b lanches & plus larges ; à feize mo is les dents
v oifin es de celles du milieu tom b e n t , 6c font auffi
rem p la c é e s p a r d’autres , 6c à tro is ans to u te s les
d en ts incifives fo n t ren o u v e lle e s ; elles font alors
ég a le s , longues 6c allez blanches ; à mefure que le
boeuf av an ce e n âge , elles s’ufent 6c d ev ien n en t
inégales & no ires : c’eft la m êm e chofe p ou r le
tau re au & p o u r la v a ch e ; ainfrla caftration ni le
fe x e ne ch an g en t rien à la crue n i à la chu te des
d en ts . A l’âge de tro is ans , une lame trè s -m in c e
fe le v e fur la co rn e ; c e tte l am e , qui n’a pas plus
d ’épaiffeur qu’une feuille de p ap ie r c om m u n , fe
g e rc e dans to u te fa lon gu eu r & tom b e au moindre
f r o t tem e n t , mais la co rn e fubfifte , n e tom b e pas
en e n t i e r , Ôc n’e ft pas rem p la cé e p a r une autre ;
c ’e ft ü n e limple exfo liation d’où fe fo rm e une e£*
p è c e de b o u rre le t qui fe tro u v e depuis l’âge de
tro is ans au bas des co rn e s des boeufs, des v a ch e s
6 c des tau re au x . L ’année fuivante , ce b o u rre le t
s’éloigne d e la tê te p a r un cy lin d re d e c o rn e qui
fe fo rm e ôc qui fe te rm in e auffi p ar un au tre b ou rr
e l e t , ô c ainfi de fuite : c a r tan t que l’animal v i t ,
le s co rn e s c ro if fe n t; ce s b o u rre le ts d ev ien n en t des
jioeu d s annulaires , qu’il e ft aifé de diftinguer
dans la co rn e 3 ôc p a r lefquels l’âg e fe p eu t
com p te r , en p ren an t p o u r tro is ans la p o in te de
J a . co rn e jufqu’au p rem ie r n oe u d , ôc p o u r un an
d e plus ch a cu n des intervalles e n tre les autres
noe u d s. L e s co rn e s des boeufs de Sicile n o n t qn’une
lé g è re cou rb u re ; 6c leu r lo n g u eu r o rd in a ire , m e -
fu ré e en ligne d ro ite , eft de tro is p ieds o u tro is
p ieds 6c d em i : elles fo n t to u te s trè s -régu liè rem en t
co n to u rn é e s .
L e s boeufs v a rien t p ou r la co u leu r ; .cependant
l e p o il ro u g e p a ro ît ê tre le plus c om m u n , 6c plus
il e ft ro u g e , plus il eft eftimé : o n fait ca s auffi du
p o il n o ir , & o n p ré ten d que les boeufs fous po il
b a y d u ren t lo n g -tem p s , que les bruns durent
m o in s 6c fe reb u ten t de b on n e h eu re ; que les g r i s ,
le s p om m e lé s 6c les blancs ne v a len t rien pour le
tra v a il , Sc n e font p ro p re s qu’à ê tre engraiffés.
O n p ré ten d auffi que les boeufs qui m an g en t le n tem
e n t réfiftent plus lo n g tem p s au trav a il que
c e u x qui m an g en t v îte ; que le s boeufs des p ay s
é le v é s 6c fecs fo n t plus vifs , plus v ig o u reu x 6c
p lu s fains que c e u x des p a y s bas ÔC humides : que
to u s d ev ien n en t plus fo rts , lorfqu’pn les nourrit
d e foin f e c , que quand pn n e leu r donne que de
l’h erbe v e r te ; qu’ils s’a c cou tum en t plus diffiçile-
m en t que les ch e v au x au ch an gem en t de c lim a t,
6c que p ar c e tte raifon l’o n ne d o it jamais a ch e te r
que dans fon v oifin age des boeufs pourrie travail.
L a g ran deur de çe s animaux .eft p lu tôt re la tiv e
à l’ab on d an ce 6c à la qualité d es p âtu rag es qu’à
la n atu re du climat : c a r dans to u s les climats on
tro u v e é g a lem e n t, 6c à d e .trè s -p e tite s d iftan çe s ,
d es boeufs plus o u moins g ros , félon la quantité
du p â tu rag e 6c l’ufage plus o u mo in s libre de la
p âtu rS . L e s boeufs4uD a n n em a r c k ? de la P o d p l ie ,
de l’Ukraine 6c de la Calmouquie font les plug
grands de tous ; ceux d’Irlande , d’Angleterre,
de Hollande , de Hongrie 6c de Suiffe font auffi
plus, grands que ceux ae Perfe , de Turquie , de
Grèce j d’Italie , de France 6c d’Efpagne ; 6c ceux
de Barbarie font les plus petits de tous.
Les voyageurs nous parlent de plusieurs fortes
de boeufs, ainfi que des ufages diftérens auxquels
on les emploie en différentes contrées.
» Les vaches de Guinée 3 dit Boftnan , font fèches
6c maigres.. . . Le lait qu’on en tire eft fi peu
abondant 6c fi peu gras , qu’à peine vingt 6c trente
vaches en pouvoient fournir une bonne table ; ces
vaches font extrêmement petites , 6c il faut que
ce foit une des meilleures , quand dans fa parfaite
croiffance elle pèfe deux cents cinquante livres,
quoiqn’à proportion de fa grandeur elle dûtpefer
la moitié plus te.
■» Les richeffes des Abyffins , fuivant le père
Lobo , confiftent principalement en vaches. . . .
Les cornes de leurs boeufs font fi grandes, qu’-elles
tiennent plus de vingt pintes ; auffi les Abiffins e»
font-ils leurs cruches 6c leurs bouteilles ».
. « Les boeufs , dit Pietro délia Y aile , qui- tirent
les carroffes dans Surate , font blancs , d’une belle
taille, avec deux boffes, de même que de certains
chameaux : ils courent 6c galoppent comme des
chevaux ; on les couvre de belles houffes , 6c on
leur met quantité de fonnettes au cou ; de forte que,
quand ils courent ou qu’ils galoppent par les rues ,
ils fe font entendre de loin. On ne fe fert pas feulement
de ce$ attelages de boeufs pour fe promener
dans les villes de l’Inae, mais encore à la campagne
6c pour quelque voyage qu’on veuille entreprendre
».
« Les voitures du Mogol, dit Ovington , qui
font des efpèces de carroffes à deux roues, font
auffi tirées par des boeufs , qui, quoique naturellement
pefans 6c lents dans leur marche , acquièrent
cependant 9 par l’habitude 6c par un long exercice
, une grande facilité à traîner • ces voitures ;
de manière qu’il n’y a guère d’animaux qui puffent
avancer autant qu’eux. La plupart de ces boeufs
font forts grands, 6c ont une groffe pièce de chair
qui s’élèvent de la hauteur de fix pouces entre leurs
épaules ».
tt Les boeufs de Perfe , félon Chardin , font
comme les nôtres, excepté vers les frontières de
l’Inde , où ils ont la boue ou la loupe fur le dos ;
on mange peu de boeuf en tout le pays : on n’en
élève que popr les tranlports ou pour le labourage.
Qn ferre ceux dont on fe fert en voyage, à caufe
des montagnes pierreufes où ils paffent ».
<i Comme les boeufs ( dit Thevenot ) ne font
aucunement farouches aux Indes, il y a beaucoup
de gen$ qui s’en fervent pour faire des voyages 3 6c
qui les montent comme on fait les. chevaux :
l’allure , pour l’ordinaire , en eft douce ; on ne
leur donne, au lieu de mords, qu’une cordelette^
paffée dans le tendpn des narines , 6c op renverfe
paç-dçffis
paf-deffus la tête du boeuf un gros cordon attaché
à ces cordelettes, comme une bride qui eft arrêtée
par la boffe qu’il a fur le devant du dos ; on lui met
une felle comme à un cheval y 6c pour peu qu’on
l’excite à marcher, il va fort vite. Il fe trouve
de ces boeufs qui courent auffi fort què de bons
chevaux. On en ufe généralement par toutes les
Indes , Ôc on n’attele point d’autres bêtes aux
charrettes, aux carroffes 6c aux charriots. On attele
ces animaux avec un long joug qui eft au bout du
timon, 6c qu’on pofe fur leur cou; le cocher tient
à la main le cordon où font attachées les cordelettes
qui traverfent les narines ».
« Les deux boeufs qui étoient attelés à mon car-
toffe , raconte Tavernier, me coûtèrent bien près
de fix cens roupiés : il ne faut pas que le leéteur
s’étonne de ce prix-là, car il y a de ces boeufs qui
font très-forts 6c qui font des voyages de foixante-
journées à douze ou quinze lieues par jour , 6c
toujours au trot ; quand ils ont fait la moitié de
la journée , on leur donne à chacun deux ou
trois pelotes de la groffeur de nos pains d’un fou ,
faites de farine de froment, pétrie avec du beurre
ôi du fucre noir , 6c le foir ils ont leur ordinaire
de pois - chiches concaffés 6c trempés une demi-
heure dans l’eau ».
« Il y a , ajoûte Groffe , tel de ces boeufs qui
füivroit des chevaux au grand trot ; les plus petits
font les plus légers ; ce font les Gentils , 6c fur-
tout les Banianes 6c marchands de Surâte qui fe
fervent de ces boeufs pour tirer des voitures ; il
eft fingulier que, malgré leur vénération pour ces
animaux, ils ne faffent point de fçrupule de les
employer à ce fervice ».
La confidération que les Indiens ont pour ces
animaux eft fi grande j qu’elle a dégénérée en fu-
perftition , dernier terme de l’aveugle refpeéf. Le
boeuf, comme l’animal le plus utile, leur a paru
le plus digne d’être révéré ; de l’objet de leur
vénération, ils ont fait une idole , une efpèce de
divinité bienfaifante 6c puiffante ; car on veut que
tout ce qu’on refpeâe foit grand 6c puiffe faire
beaucoup de mal ou de bien. On connoît les pratiques
bizarres du culte de la vache dans la religion
Indienne , 6c ce n’eft pas le fieu de les rappeller
ici.
« Les boeufs des Indes , fuivant Thevenot, font
de diverfes tailles : il y en a de grands, de petits
6c de moyens ; mais tous , pouf l’ordinaire , font
d’un grand travail, ôc il y en a qui font jufqu’à
quinze lieues par jour : il y en a. d’une race
qui ont près de fix pieds de hauteur ; mais ils font
rares , 6c l’on en a d’une efpèce oppofée , qu’on
appelle nains, parce qu’ils n’ont pas trois pieds
de haut ; ceux-ci ont, comme les autres, une boffe
fur le dos, ils courent fort vite , 6c fervent à
traîner de petites charrettes : il y a auffi dés boeufs
blancs qui font extrêmement chers , 6c j’en ai
▼ u deux à des Hollandois , qui leur coûtôiènt
'chacun deux cen? écus ; véritablement ils étoient
Hifloire Naturelle. Tom, 1,
beaux, bons 6c forts, 6c le charriot , qui en
étoit attelé , avoit grand mine. Quand les gens
de qualité ont de beaux boeufs , ils prennent grand
foin de les conferver : ils font garnir les bouts
des cornes d’étuis de cuivre ; on leur donne des .
couvertures comme à des chevaux ; on les étrille
tous les jours avec exa&itude, 6c on les nourrit
de même ».
« Dans les montagnes de Malabar 6c de Canara ÿ
fuivant la relation du Père Vincent Marie, il fe
trouve des boeufs fauvages fi grands , qu’ils approchent
de la taille de l’éléphant, tandis que les
boeufs domeftiques du même pays font petits ,
maigres , 6c ne vivent pas long-temps ».
« Enfin les boeufs de Tercère , difent les voyageurs
Hollandois , font plus grands 6c plus beaux
que tous ceux d’Europe : ils ont des cornes pro-
digieufement grandes : ils font fi doux 6c fi privés,,
que quand, entre mille qui feroient enfemble , un
maître vient à appeller le lien par fon nom *
( car ils ont chacun leur nom particulier , ainfi que
nos chiens , ) le boeuf ne manque pas d’aller à
lui ». .
Les boeufs font très-nombreux en Tartarie ôc en
Sibérie. Il y en a une fort grande quantité à
Tobolsk 3 où les vaches courent les rues, même
en hiver, 6c dans les campagnes , où on en voit un
nombre prodigieux en été. Nous avons dit qu’en
Irlande les boeufs 6C les vaches manquent fouvent
de cornes ; c’eft fur-tout dans les parties méridionales
de l’île où les pâturages ne font point
^ abondans , 6c les pays maritimes , où les fourrages
font fort rares , que fe trouvent ces boeufs
6c ces Vaches fans cornes ; nouvelle preuve que
ces parties excédentes ne font produites que par
la furabondance de la nourriture. Dans les endroits
voifins de la mer , l’on nourrit les vaches
avec du poiffon cuit dans l’eau, 6c réduit en
bouillie par le feu ; ces animaux font non-feulement
accoutumés à cette nourriture , mais ils en
font même très-friands , 6c leur lait" n’en contrarie ,
dit-on , ni mauvaife odeur, ni goût déiagréable.
Les boeufs 6c les vaches de Norwege lont en
général fort petits. Ils font un peu plus grands dans
les ifles qui bordent la côte : différence qui provient
de celle des pâturages , 6c auffi de la liberté
qu’on leur donne de vivre, dans ces ifles fans
contrainte ; car on les laiffe abfolument libres ,
en prenant feulement la précaution de les faire
accompagner de quelques béliers, accoutumés à
chercher eux-mêmes leur nourriture pendant l’hiver.
Ces béliers détournent la neige qui recouvre
l’herbe , 6c les boeufs les font retirer pour en
manger : ils deviennent 3 avec le temps , fi farouches
, qu’il fatit les prendre avec des cordes ;
au refte , ces vaches demi fauvages donnent fort,
peu de lait : elles mangent , à défaut d’autres
fourrages, de l’algue mêlée avec du poiffon bien
bouilli.
Les boeufs d’Europe 3 tranfportés dans l’Amérique