
fromage, des fruits, 6c fur-tout des raifins ; lorfque
les levrauts ôc les perdrix lui manquent , il fe
rabat fur les rats , les mulots , les ferpens , les
crapauds , ôcc. il en détruit un grand nombre ôc
c’eft le feul bien qu’il procure ; il eft très-avide
de miel, attaque les abeilles fauvages , les guêpes ».
les frelons ; lorfqu’il en eft piqué , il fe roule
pour les écrafer » & il revient fifouvent à là charge,
qu’il les oblige à abandonner le guêpier ; alors il
le déterre ôc en mange le miel ôc la cire ; il
prend aufli les hériffons, les roule avec fes pieds ,
ôc les force à s’étendre. Enfin, il mange du poiffon,
des écreviffes , des hannetons -, des fauterelles, &c.
Il ne produit qu’une fois par an : les portées
font ordinairemenr.de quatre ou cinq , jamais
plus de fix ni moins de trois. Lorfque la femelle
eft pleine, elle fe recèle, fort rarement de fon
terrier, dans lequel elle prépare un lit à fes petits.
Elle devient en chaleur en hiver , ôc l’on trouve
déjà de petits renards au mois d’avril. Ils naiffent
les yeux fermés ; ils Tont , comme les chiens,
dix-huit mois ou deux ans à croître , Ôc vivent
de mêmf- treize ou quatorze ans. Le père ôc la
mère les nourrirent en commun , & vont pour
cela fouvent en quête , fur-tout lorfque les petits
commencent à devenir voraces , ils leur apportent
des volailles, des lapins , des perdrix , ôte. ôc
les bords du terrier qu’habite une portée de
renards , font bientôt couverts de car caftes de toute
efpèce. Tout cela eft aifé à reconnoître ; mais
il faut prendre garde d’inquiéter inutilement le père
ou la mère. Dans la même nuit , ils tranfpor-
teroient leurs petits, & fouvent à une demi-lieue
de là. Il -faut donc affaillir tout d’un coup le
terrier, tendre ’des pièges aux différentes gueules ;
& comme oh n’eft pas toujours fûr que lés vieux
renards foient enfermés dans le terrier , il faut
afîiéger aufli les chemins battus appelles coulées,
par lefquels ils :vont ôc viennent" pour chercher à
vivre. Alors la néceffité de nourrir leurs petits
les excité à braver le danger , & leur défiance
eft anéantie pair cè befoin impérieux. Sans cela,
un renard affiégé de pièges dans un terrier , n’en
fort qu’à la dernière extrémité. On en a vu un y
refter quinze jours , & n’avoir plus que le fouffle
lorfqu’il fe détermina à fortir. Ces animaux, quand
ils font pris parle pied » font affez fujets à fe le
couper, & cela arrive prefque certainement lorfque
le jour paroît avant qu’on arrive.
Le renard a les fens aufli bons que le loup ,
lé fentiment plus fin ôc l’organe de la voix plus
fouple ôc plus parfait. Il glapit, aboie 8c pouffe
un fon trifte femblable au cri du paon; il a des
tons différens félon les fentimens différens dont
il eft affeélé ; il a la voix de la chaffe , l’accent
du defir, le fon du murmure , le ton plaintif de
la trifteffe, le cri de la^douleur qu’il ne fait jamais
entendre que lorfqu’il reçoit un coup de feu qui
lai cafte quelque membre , car il ne crie pas pour
toute autre bleffure , ôc il fe laiffe tuer à coups
de bâton ,' comme le loup , fans fe plaindre, mais
toujours en fe 'défendant avec courage. 11 mord dangereufement, opiniâtrement, 8c l’on
eft obligé de fe fervir d’un ferrement ou d’un
bâton pour le faire démordre. Son glapiffement
eft une efpèce d’aboiement qui fe tait par des
fons femblables & très-précipités. C’eft ordinairement
à la fin du glapiffement, qu’il donne un
coup de voix plus fort, plus élevé & femblable
au cri du paon. En hiver fur-tout , pendant la
neige & la gelée , il ne ceffe de donner de la
voix, & il eft, au contraire , prefque muet en
été. C’èft dans cette faiion que fon poil tombe 8c fe renouvelle : on fait peu de cas de la peau
des jeunes renards ou des renards pris en été.
La chair du renard eft moins mauvaife que celle
du loup ; les chiens 8c même les hommes en
mangent en automne , fur-tout lorfqu’il s'eft nourri
.& engraiffé de ràifins , 6c 1a peau d’hiver fait de
bonnes fourrures.
Il ale fommeil profond & on l’approche aifément
fins qu’il s’éveille ; • lorfqu’il dort , il fe met en
rond comme les chiens, mais lorfqu’il ne fait que
fe repofer, il étend les jambes de derrière 6c
demeure étendu fur le ventre : c’eft dans cette
pofture qu’il épie les oifeaux le long des haiesv
Ils ont pour lui une fi grande antipathie , que
dès qu’ils l’apperçoivent ils font un petit cri d’a-
vertiffement : les geais , les merles fur-tout le
conduifent du haut des arbres , repètent fouvent
le petit cri d’avis 6c le fuivent quelquefois à plus
de deux ou trois cens pas-.
Le renard s’apprivoife moins que le loup ÔC
ne fe défait jamais de fon naturel. Il faut l’enchaîner
fi l’on veut prévenir les ravages qu’il
cauferoit dans une baffe-cour. Mais cé-qui doit
-paroître étonnant, c’eft que ce même animal qui »
lorfqu’il eft en liberté, fe jette fur toutes les vor
lailles, ne touche point , lorfqu’il eft enchaîné ,
à celles qu’on attache auprès-de lui ,"maigre la
faim qui le preffe 6c la commodité qui l’invite à
faifir la proie.
La chaffe du renard demande moins d’appareil
que celle du loup ; elle eft. plus facile 6c plus
amufante. Les chiens qui ont tous de la.répugnance
pour le loup , chaffent , au contraire Vle renard
avec plaifir , 6c quoiqu’il ait l’odeur très -forte,,,
ils le préfèrent fouvent au cerf , au chevreuil 6c au lièvre. On peut le chaffer avec des baffets
des chiens cour-ans 6c des briquets ; des quil fe
fent pourfuivi ; il court à fon terrier ; les baffets
à jambes torfes font ceux qui s’y gliffent le plus
aifément. Cette manière eft bonne pour prendre
une portée entière de renards » la mere avec les-
petits; pendant qu’elle fe défend 6c combat avec
les baffets , on tâche de découvrir le terrier par-
deffus 6c on la tue ou on la faifit vivante avec des
pinces. Mais comme les terriers font fouvent dans
des rochers, fous des troncs d’arbres, 6c quelquefois,
trop enfoncés fous terre a on ne réuflit pas toujours».
Ï1 y a deux attentions à faire avant de lâcher
les baffets dans les terriers. La première , d’examiner
la fituation du terrier , s’il eft fur un penchant
ou coteau , fur une motte en plat pays, ou dans
un terrein uni. La fécondé, de frapper à grands
-coups fur les terriers où font réfugiés les renards.
Il faut examiner la fituation du terrier, parce
que , s’il eft fur, ,un penchant ou coteau, on doit
faire entrer les baffets par les trous qui font les
plus bas , afin d’obliger le renard d’aller s’acculer
au fommet du terrier où les i acculs font peu
profonds , car en mettant les baffets par le haut,
l'animal fe retrancheroit dans le bas où fes cafe-
mates font d’une grande profondeur , par confé-
quent fort difficiles’à mettre au jour.
Si le terrier eft fur une motte en plat pays,
alors il faut faire entrer les baffets par le haut,
parce qu’ils forceront le renard à fe retirer dans
les acculs du pied de cette motte où l’on aura |
moins de terre à fouir que dans lé haut.
Mais fi le terrier eft- en pays uni, il eft ab-
folument indifférent que les baffets entrent par
un endroit ou par un autre » parce que les boyaux
font par-tout d’une égale profondeur.
Il faut frapper à grands coups furies terriers,
parce que les renards effrayés du bruit 6c du
tremblement de la terre , abandonnent les carrefours
où ils fe tiennent volontiers aux aguets;
pour fe retirer dans leur boyau principal.
Lorfqu’on reconnoît que les baffets ont découvert
un renard dans fon terrier , il faut en boucher
auffi-tôt tous les trous ou goulets , à l’exception
de celui par où feront entrés les baffets , dans
lequel on met feulement du bois afin que l’air
paffartt à travers , procure aux chiens la faculté
de refpirer. Sans cette précaution de boucher les
trous ,',-on auroit fouvent le défagrément dé voir
échapper la bête au moment d’être prife. C’eft
ainfi encore que fe fait la chaffe du blaireau
fous terre.
La façon la plus ordinaire , la plus fure 6c la
plus agréable de chaffer le renard, eft de commencer
par boucher les terriers , quand on eft fûr
que le renard eft en plaine : on place les tireurs
à portée, on quête avec les briquets, 6c dès
qu’ils font tombés fur la voie , le renard gagne
fon gîte, mais en arrivant il effuie une première
décharge ; s’il échappe à la balle , il fuit de toute
fa vîteffe , fait un grand tout 6c revient encore
à fon terrier où on le tire une fécondé fois, 6c
où trouvant l’entrée fermée , il prend le parti de
fe fauver au loin en perçant droit en avant pour
ne plus revenir. C’eft alors qu’on fe fert des
I chiens courans lorfqu’on veut le pourfuivre ; il
ne laiffe pas de les fatiguer beaucoup , parce qu’il
paffe à deffein dans les endroits les plus fourrés
où les chiens ont grand peine à le fuivre , 6c que
quand il prend la plaine , il va très - loin fans
s’arrêter.
Pçur détruire les renards, il eft encore plus
commode de tendre des pièges où l’on met pour
appât de la chair, un pigeon, une volaille, ôcc.
Lorfque les renards ne connoiffent point encore
les pièges , il fuffit' d’en tendre dans les fentiers
où ils ont l’habitude de paffer , de les bien couvrir
avec de la terre , de l’herbe hachée-, de la moufle.
On y met pour appât un animal mort auquel on
donne la forme d’un abattis , ôc on l’y laiffe
pourrir jufqu’à un certain dégré, car l’odeur de
la chair pourrie attire fouvent plus le renard
qu’un appât tout frais. On dit que des hannetons
fricaffés dans de la graille de porc, attirent beaucoup
les renards, fur-tout fi l’on y mêle un peu de
mufc. Mais félon d’autres , ce qui les allèche le
plus puiffamment, c’eftJ’odeur de la matrice d’une
renarde tuée en- pleine chaleur. On la fait lécher
au four 6c elle fert pendant toute l’année. On
place des pierres dans les carrefours des bois ; on
répand du fable autour, on frotte la pierre avec
la matrice , les renards y viennent, mâles 6c femelles
, s’y arrêtent, y grattent, 6cc. lorfqu’ils
y font bien accoutumés , on frotte le piège dè
la même manière , on l’enterre à deux pouces
dans le fable , 6c ordinairement l’attrait eft affez’
fort pour vaincre l’inquiétude naturelle à cet
animal.
Cette efpèce eft une des plus fujettes aux influences
du climat . 6c l’on y trouve prefqu’autant
de variétés que dans les efpèces d’animaux domeft
tiques. La plupart de nos renards font roux,
mais il s’en trouve aufli dont le poil eft gris-
argenté ; tous ont le bout de la queue blanc :
les derniers s’appellent en bourgogne renards charbonniers
, parce qu’ils- ont les pieds plus noirs
que les autres. Ils paroiffent. aufli avoir le corps
plus court, parce que leur poil eft plus fourni,
il y en a d’autres qui1 ont le corps réellement
plus court que lês autres 6c qui font d’un gris
fale à-peu-près de la couleur des vieux loups ;
mais cette différence de couleur eft peut-être
moins unè variété que l’effet de l’âge.
Dans les pays du Nord , il y en a de toutes
couleurs y des noirs , des bleus , des gris , des
gris-de-fer , des gris - argentés-, des blancs , des
blancs à pieds fauves, des blancs à tête noire,
des blancs avec le bout de la queue noire, des
roux avec la gorge 6c le ventre entièrement blancs
fans aucun mélange de noir, 6c enfin des croifés
qui ont une ligne noire le long de l’épine du
dos 6c une autre ligne noire fur les épaules qui
traverfe la première. Ces derniers font plus grands
que des autres 6c ont la gorge noire.
L’efpèce commune eft plus généralement répandue
qu’aucune des autres ; on la trouve par-tout,
en Europe ôc dans l’Afie feptentrionale ôc tempérée
; on la trouve de même-en Amérique,
mais elle eft fort rare en Afrique 6c dans les
pays voifins de l’équateur. Nos renards , origi-*
naires des pays froids, font devenus naturels aux
pays tempérés 6c ne fe font pas étendus vers le 1 1 rj