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méridionale , y ont multiplié plus qu’en aucun
lieu du monde. A Buenos-ayres, & à quelques
degrés encore au-delà , ces animaux remplirent
tellement le pays , que perfonne ne daigne fe
lès approprier ; les chaffeurs les tuent par milliers,
& feulement pour avoir les cuirs & la graiffe. On
les çhaffe à cheval ; on leur coupe les jarrets
avec une efpèce de hache , ou on les prend dans
des lacets faits avec une forte courroie de cuir.
Dans l’ille de Sainte-Catherine ,. fur la côte du
Bréfil, on trouve quelques petits boeufs, dont la
chair eft mollaffe & défagréable au goût ; ce qui
vient, ainfi que leur petite taille -, du défaut & de
la mauvaife qualité de la nourriture ; car , faute
de fourrage , on les nourrit de calebaffes fauvages..
En Afrique, il y a de certaines contrées où
les boeufs font en très-grand nombre. Entre le Cap
blanc & Sierraliona , on voit, dans les bois & fur
les montagnes, des vaches fauvages ordinairement
de couleur brune , & dont lès. cornes^ font noires
& pointues : elles multiplient prodigieufement, &
le nombre en feroit infini fi les Européens & les
nègres ne. leur faifoient pas continuellement la
fuerre.. Dans les provinces de Duguela & de
'remecen , & dans d’autres endroits de Barbarie,
ainfique dans les, déferts dë Numidie, on voit des
vaches fauvages couleur de marron ofcfcur affez
petites & fort légères, à la courfe : elles vont par
troupes quelquefois de cent ou de deux cents^
A Mâdagafcar, les taureaux & lès vaches de
la meilleure efpèce y ont été amenés des, autres,
provinces de l’Afrique t ils ont une boffe. fur le
dos ; les vaches donnent fi peu de lait, qu’on
pourroit affurer qu’une vache d’Hollande en Fournit
fix fois plus. 11 y a , dans' cette ifle, de ces boeufs
à boffe ou. bifons fauvages qui errent dans les forêts;,
la chair de ces bifons, n’efi pas fi bonne que celle
de nos boeufs. Dans les parties méridionales de
l’Afie , on trouve aufli des boeufs fauvages. ; les
chaffeurs d’Agra vont les prendre dans la montagne
de Nerwes, qui eft environnée de bois ;
cette montagne eft fur le chemin de Surate à
Golconde. Ces vaches fauvages font ordinairement
belles & fe vendent fort cher.
En Irlande , en Angleterre , en Hollande, en
Suiffe & dans le Nord, on fale &. on fume la chair
du boeuf èn grande quantité, foit pour, l’ufage de la
marine , foit pour l’avantage du commerce. IL fort
aufli de ces-paya une grande quantité de cuirs.;
la graiffe eft une matière utile ; on la mêle, avec
le füif de mouton ; le. fumier du boeuf eft le meilleur
engrais pour les terres sèches & légères ; la
corne de cet animal fert à différéns ufages.
Notre boeuf domeftique. tire, fon origine d’une
race de boeufs fauvages qu’on trouve encore dans
la Mofcovie , & qu’on appelle Aurochsi ( Voyeç ce
mot). Ce boeuf lauvage ne différé de notre taureau
commun qu’en ce qu’il eft plus grand &
plus fort ; mais on ne peut douter qu’il, ne foit
B OEi l
de. la m êm e e fp è ce , püifque de jeunes au ro ch s, ’
• en lev é s à leu r m è re &. é le v é s ., o n t p rod u it avec
les tau re au x & les v a ch e s domeftiques..
L a ra ce de l’a u ro ch s , ou de n o tre boeuf d’E u rop e
o c cu p e les zones froides. & tem p é r é e s , & n e s’eft
p as étendue au -d e là de l’A rm én ie & de la P e rfe en
A fie , & au -d e là de l’E g y p te & d e la B a rb a rie en
Afrique ; mais dans les co n tré e s du M id i, au x In d e s,
auffi-bien que dans le refte d e l’A f r iq u e , & même,
en A m é r iq u e , on tro u v e une r a c e de boeufs qui ont
une boffe fur le d o s , le poil b e au cou p plus long ,
plus d o u x , plus luftré que nos. boeufs. Ces- boeufs à
boffe fe n om m en t bifons_ Ils fo n t aufli plus légers à
la c o u r f e , plus p ro p re s à lu p p lé e r au fe rv ice du
ch e v a l ; ils o n t le n atu rel m o in s b rut & moins lou rd ,
plus d’intelligence & de d o cilité q u e nos boeufs ;
mais, c e s différences qui fe rem a rq u en t entr’eux ,
n e font que des v a rié té s a cc id en telles , occafion-
nées p ar l’influence du c l im a t , la qualité de la
nourriture & l’éd u cation , & c e s différences
n’em p ê ch en t p o in t qu’o n ne d o iv e re g a rd e r ces.
boeufs com m e de la m êm e e fp è ce que les n ô t r e s ,
puilqu’ils fe m êlen t ê t 'produifent en fem b le ; &.
c e qui p ro u v e que c e s bifons tire n t leu r origine
de- l’auro chs , e’e ft que c e tte b o f fe , qui. fo rm e
en eu x le caraéièr.e le plus, diftinéfif , difpâroît:
dès la fécon d é ou tro ilièm e g én ération , p ar le
mélang e d e c e t te r a c e a v e c celle du. boeuf com-t
naun.
C e s boeufs à boffè ou -bifons v a rien t p eu t-ê tre
en co re puis que nos boeufs p o u r les co u leu rs du-
p o i l , la figure des co rn e s & la g roffeur de la boffe ;
les plus b e au x fo n t to u t b lan c s. Il- y en a qui
font dépourvus de co rn e s ; il y en' a qui les ont:
fo r t re le v é e s & d’àùtres fi rahaiflees. qu’elles font
p refq u e pendantes. 11 p a r o î t ' m êm e qu’o n doit
div ifer c e t te r.ace p rem iè re d e bifons ou boeufs à
bqffes en d eu x ra ce s fe co n d a ire s , l’une très-grand e
& l’au tre trè s r-p e tite , &. c e tte d ern ière eft celle
du febre. ( Voyeç ce m o t ) .. T o u t e s d e u x fe tro u v en t
à peu près dans le s mêm e s climats , & to u te s deux
fo n t ég alement dou ces & faciles à c o n d u i re , o n t
le p o il fin & la boffe fur le, dos. ; c e t te Boffe n’eft.
qu’une e x c ro if f a n c e , un m o rc e a u de chair te n d r e ,
aufli bonne à m an g e r que la langue du boeuf. II
•y a. de ces boffes qui p è fen t jufqu’à quarante &
cinquante liv re s , &. d’autres bien plus, pe tite s-
Qu e lq u e s-u n s de. ce s boeufs o n t aufli des Cornes,
prodigieufes p our la g ra n d e u r ,. & l’o n affure qu’il:
y a de ces co rn e s qui p e u v e n t co n ten ir quinze &
m êm e v in g t pintes de. liqueur..
D an s to u te l’A f r iq u e , on ne co n n o ît p o in t Fufage
d e la eaftration du g ro s, b é ta i l,. & on le pratique
p eu dans les In d e s. Lorfq u ’on foumet les taureaux
à c e tte o p é ra tio n ,. on. leur com p rim e feulement les
tefticules. Q u o iq u e les Indiens a ie n t un affez grand
n om b re de ce s a n im a u x , ils' n’èn é lè v en t p a s , à
b e au cou p p r è s , autant que n o u s , & généralement
dans les climats ch a u d s , o n multiplie moins les
b êtes, à. c o rn e s , p a rce que leur p rod u it e ft n\oin&
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coniidérable que dans nos climats. D ’ailleurs, dans
toutes ces régions de l’Afrique &. de l’Afie méridionale
, on trouve une grande quantité de boeufs
fauvages , dont on prend les petits. Ils s'appri-
voifent d’eux-mêmes & fé foumettent, fans aucune
réfiftance , à tous les travaux domeftiques :
ils font dociles & obéiffent à la voix ; on les
foigne, on les careffe , on les panfe * on les ferre ,
on leur donne une nourriture abondante & choifie ;
ces animaux élevés ainfi, paroiffent d’une autre
nature que nos boeufs , ÔC deviennent capables de
chofes prefque humaines ; aufli le boeuf eft-il
l’objet de la vénération &. du culte fuperftitieux
des Indiens. Les Hottentots élèvent pour la guerre
des boeufs qu’ils appellent backeleys, ôc s’en fervent
à peu près' comme les Indiens' des éléphans : ils
inftruifent ces boeufs à garderies troupeaux, à les
conduire , les tourner ,• les ramener, les défendre
des étrangers & des bêtes féroces : ils leur apprennent
a connoître l’ami &. l’ennemi, à entendre
les fignes , à obéir f la voix, &c.
Le voyageur Kolbe nous donne un détail cir-
conftancié & affez curieux du naturel de ces boeufs
bergers. & guerriers. « Les Hottentots, dit-il, appellent
ces boeufs du nom à&Jbackeleys, qui, en leur
langue , fignifie la guerre ; chaque armée eft toujours
fournie d’un bontroupeau de cesbackeleys, qui
fe laiffent gouverner fans peine, & que le chef a
foin de lâcher à propos. Dès qu’ils font abandonnés
, ils fe jettent avec impétuofité fur l’armée
ennemie : ils frappent des cornes , ils ruent, ils
renverfent, éventrent & foulent aux pieds , avec
une férocité affreufe, tout ce qui fe préfente ; de
forte que fi on. n’eft pa^rompt à les détourner,,
ils fe précipitent avec furie dans les rangs , y
mettent le défor dre , la confufion, & préparent
ainfi à leurs maîtres un$ victoire facile. La manière
dont ces animaux font dreffés & difciplinés
fait, fans contredit, beaucoup d’honneur à l’habileté
& au génie de ces peuples ».
» Ces backeleys leur font encore d’un grand ufage
pour garder leurs troupeaux ; lorfqu’ils font au pâturage
, au moindre figne cLe leur conduéleur , ils
Vont ramener les beftiaux qui s’écartent, & les
tiennent raffemblés : ils courent aufli fur les étrangers
avec furie , ce qui fait qu’ils font d’un grand
fecours contre les bufchies , ou voleurs qui en
veulent aux troupeaux : chaque kraal (village Hottentot
) a au moins une demi-douzaine de ces backeleys,'
qui font choifis entre les boeufs les, plus
fiers ; lôrfqu’il y en a un qui meurt, ou qui ne peut
plus fervir à caufe de fon grand âge, le propriétaire
le tue, & on choifit parmi le troupeau un
boeuf pour lui fuccéder ; on s’en rapporte au choix
d’un des vieillards du kraal qu’on croit plus capable
de difcerner celui qui pourra plus facilement être
mltruit ; on affocie ce boeuf novice avec un vieux
routier, &on lui apprend à fuivre ce compagnon,
foit par les coups , foit par d’autres moyens. Pendant
la nuit, on les lie enfemble par les cornes,
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,& on les tient même ainfi pendant une partie du
jour, jufqu’à ce que le jeune boeufîoit parfaitement
inftruit ; c’eft-à-dire , jufqu’à ce qu’il foit devenu
un garde-troupeau vigilant. Ces gardès-troupeaux
connoiffenttous les habitans du kraal, hommes,
femmes & enfans, & té m'oignent pour toutes ces
perfonnes le même refpeél qu’un chien a pour
ceux qui demeurent dans la maifon de fon maître,
& il n’y a point d’habitant qui ne puiffe en toute
fûreté.approcher des troupeaux ; jamais les backeleys
ne leur font le moindre mal : mais fi un étranger,
& en particulier un Européen, s’avifoit de
prendre la même liberté, fans être accompagné de
quelque Hottentot , il rifqueroit beaucoup ; ces
gardes-troupeaux, qui paiffent pour l’ordinaire à l’entour
, viendroient bientôt fur lui au galop : alors fi
l’étranger, n’eft pas à portée d’être entendu des bergers
, ou qu’il n’ait pas d’armes à feu ou de bonnes
jambes , ou un arbre fur lequel il puiffe grimper ,
il eft mort fans reffource : envain il auroit recours
aux bâtons ou aux pierres ; un backeley ne s'épouvante
pas pour de fi foibles armes, u
Toutes les parties méridionales de l’Afrique &
de l’Afie font, comme nous l’avons dit, peuplées
de bifons , ou boeufs à boffe , parmi lefquels il fe
trouve de grandes variétés pour la grandeur, la
couleur, la figure des cornes, & de la même manière
que l’aurochs, qui eft notre boeuf dans fon état
fauvage , eft plus grand & plus fort que nos boeufs
domeftiques ; le bifon, ou boeuf à boffe fauvage ,
eft aufli beaucoup plus fort & plus grand que le
boeuf domeftique des Indes. Quelquefois aufli il eft
plus petit; cela dépend uniquement de l’abondance
de la nourriture. Aux Indes, en Abyflinie, à Ma-
dagafçar, ou les prairies naturelles font fpacieufes
& abondantes, on ne trouve que des bifons d’une
grandeur prodigieufe ; en Afrique &. dans l’Arabie
pétrée , on trouve des \èbus ou bifons de la plus
petite taille. Voyeç Z é b u .
Les Européens ont tranfporté en Amérique les.
boeufs fans boffe., qui y ont multiplié, & font feulement
devenus,plus petits. L’efpèce en étoit abfo-
lument inconnue dans l’Amérique méridionale ;
mais dans la partie feptentrionale, les bifons ou
boeufs aboffe fefont trouvés en grande quantité , &
avoient probablement paflè dans ce continent par
les terres du Nord. Ils y font également devenus plus
petits, &. ont confervé des fourrures plus ou moins
chaudes, fuivant la température des climats où ils
fe font habitués.
M. Dumont, qui les a trouvés à la Lopifiane ,
en parle en ees termes. » Les boeufs fauvages de la
Louifiane , au lieu de poil , comme en ont nos
boeufs en France, font couverts d’une laine aufli
fine que de la foie , toute frifée , & plus foui-
nie en hiver qu’en été : les habitans en font
un très-grand ufage. Ces mêmes boeufs portent
vers les épaules une boffe affez élévée , & ont des
cornes très belles , qui fervent aux chaffeurs à faire
des fournimens pour mettre leur poudre à tirer.