
des races & les variétés de leurs individus
, leurs métamorphofes, la durée de
leur vie , leur mort 8c ce qui fubfifte de
leur corps quelque temps après fa deftruc-
tion. Ces objets, immenfes dans les détails,
prouvent la nécefiité de dilHnguer l’Hiftoire
Naturelle des autres fciences qui ont le plus
de rapports avec elle.
L ’objet de la première étude des Naturalises
eft d’apprendre à connoître les productions
de la Nature , & S les diflinguer les
unes des autres. C ’eft déjà un grand travail:
ce n’eft cependant que le prélude d’une étude
plus profonde , qui puiffe contribuer au
progrès’ de la fcience , par de nouvelles
découvertes 8c par de bons raifonnetnens.
Si l’on confidère le nombre immenfe des
différentes fortes de minéraux, 8c des di-
verfes efpèces de plantes 8c d’animaux, 8c
toutes les variétés qui s’y trouvent, on
croiroit qu’il feroit prefqu’impoflible de
diflinguer tous ces êtres Si de les connoître
chacun en particulier. En effet, un feul
homme n’y parviendrait pas, fi l’on n’avoit
inventé un moyen d’abréger 8c de faciliter
cette étude : ce moyen eft un art aufîi ingénieux
que néceffaire. C’eft une méthode par
laquelle on .diftribue les productions de la
Nature en plufieurs divifions, qui portent
chacune des caractères diftinûifs, evidens
ou faciles à reconnoître.
Les premières branches de la diftribution
méthodique , la plus généralement reçue
-en Hiftoire Naturelle, forment trois grandes
claffes, auxquelles on a donné le nom de
Règne , 8c qui font le Règne minéral, le
Règne végétal & l e Règne animal. ,Le premier
comprend tous les minéraux, le fécond
toutes les plantes , 8c le troifième tous les
animaux.
Les minéraux diffèrent des plantes & des
animaux , en ce qu’ils n’ont point d’orga-
nifation , ni de vie. Quoique les plantes
foient organifées, elles n’ont point de mou-
' vement fpontané , ni de fentiment comme
lesanimaux. Par ces caraûères, on diftingue
les êtres de chaque Règne , 8c l ’étude eft
réduite pour tin temps au tiers de fon
étendue , puifqu’en s’occupant de l’un des
Règnes de la Nature , on peut fufpendre
toutes recherches fur les deux autres.
Mais chacun des troisRègnes comprend
encore un trop grand nombre d’objets ,
pour qu’il foit pofîible de les diflinguer fans
méthode : i f faut les divifer. Par exemple :
je diftribue les animaux en huit ordres, Ô£
je rapporte les quadrupèdes vivipares au
premier ordre. Les animaux qu’il contient
ont quatre pieds & du poil : ces deux caractères
fuflifent pour les diflinguer des animaux
que comprennent les fept autres
ordres.
Quoique l ’ordre auquel fe rapportent les
quadrupèdes , foit peu nombreux , il renferme
encore un trop grand nombre d’animaux
d’efpèces différentes , pour que l’on
puiffe les diflinguer facilement , fans le
fecours de la méthode ; c’eft pourquoi je
divife cet ordre en quinze claffes. Les animaux
de la première diffèrent de tout autre
animal, en ce qu’ils ont le pouce des pieds
de derrière placé comme celui d’une main.
, On ne pourrait fe fouvenir des caractères
diftinftifs de toutes les efpèces des
animaux de la première claffe, fans fç fati-
güer la mémoire. Pour éviter cette peine,
j’ai divifé cette claffe en fix genres. Le
premier comprend les Singes d’Afie 8c
d’Afrique. Ces animaux ont la cloifon des
narines étroite , & leurs ouvertures placées
au-deffous du nez. Par ces caractères ,
ils diffèrent non-feulement des Singes d’Amérique
, mais de tous les autres animaux
de la première claffe des quadrupèdes. -
Les efpèces du premier genre de cette
claffe ont chacune leurs çaraâères diftinc-
tifs. L’Orang-outang , qui eft la première
efpèce de ce genre , n’a point de queue ni
de éallolités aux teflcs. Ces caractères font
reconnoître l’Orang-outang parmi tous les
autres Singes de l’Afie & de l’Afrique.
Pour faire voir tous les avantages d’une
diftribution méthodique des productions
' de la Nature , il fuflira de mettre en pratique
cè que je viens de dire des animaux
quadrupèdes.
Suppofons que l’on ait un Orang-outang,
& que l’on ne connoiffe ni fon nom ni fon
efpèce parmi les animaux : on fçaura d’abord
qu’il eft quadrupède vivipare, 8c par
conféquent du premier ordre des animaux,
parce qu’il a quatre pieds & du poil. Il
appartient à la première claffe des quadrupèdes,
parce que le pouce de fes pieds de
derrière eft placé comme le pouce d’une
main. L’Orang-outang eft du premier genre
de cette claffe,, parce que la cloifon de fes
narines eft: étroite , 8c que leurs ouvertures
font placées au-deffous de fon nez.
Enfin, il eft de la première efpèce'du premier
genre, 8c c’eft le Singe nommé Orang-
outang , puifqu’il ri’a point de queue ni de
callofités aux feffes.
Ce moyen de reconnoître un animal que
l’on n’a jamais v u , & de trouver fon nom
parmi ceux de tous les animaux connus, eft
unique : il ne peut être fuppléé par aucun
autre moyen. Il eft commode lorfque la
méthode eft bien faite. Il eft néceffaire ,
parce qu’il épargne beaucoup de recherches
dans les premières études. Il eft utile pour
l ’avancement de la fciènce, parce que l’on
ne peut compofer une méthode, fans faire
beaucoup d’obfervations furies productions
de la Nature que l’on veut claffer.
Avec tous ces avantages, les méthodes
ont un défaut effentiel, qu’il n’eft pas pof-
fible d’éviter : c’eft que l ’art a plus de part
à leur compofition que la Nature.
Toutes ces divifions méthodiques en
ordres , en claffes, en genres , dépendent
de la volonté du Naturalifte qui les imagine
: elles ne font pas indiquées par la
nature des chofes : les mêmes objets font
claffes différemment par différens Auteurs ,
8c quelquefois par le même.
Il n’y a réellement 8c diftinClement que
des individus parmi les végétaux 8c les animaux.
Les collections d’individus femblables
les vins aux autres, compofent les efpèces ;
celles-ci exiftent dans leurs individus. Les
caractères fpécifiques , c’eft-à-dire , ceux
qui diftinguent les efpèces, font effentiels
aux individus ; ils ne dépendent pas de la
volonté du Naturalifte : ils font invariables
dans la fucceflion des générations, 8c par
conféquent dans la Nature. Jamais ils ne
font fautifs : à cet égard feulement, les méthodes
font infaillibles, parce qu’elles re-
préfentent la Nature,
Les genres contiennent des efpèces qui
ont des rapports entr’elles ; mais ces rapports
font arbitraires : les Auteurs des diftri-
butions méthodiques choififfent à leur gré
les caractères génériques , pour rendre la
méthode plus sure ou plus facile. Aufli ,
v o it -o n ces caractères varier dans différentes
méthodes , 8c éloigner ou rapprocher
les mêmes efpèces.
Il en eft de même pour les claffes &
pour les ordres , 8cc. Les caractères qui
les diftinguent font arbitraires comme ceux
des genres.
Parmi les minéraux, il n’y a point d’individus
, & par conféquent point d’efpèces.
Nous ne voyons pas que les minéraux fe
reproduifent comme les plantes 8c les animaux,
par des individus femblables , de
génération en génération. Un minéral s’altère
& fe détruit par divers accidens ; fes
parties intégrantes fe difperfent, fe mêlent
8c fe combinent avec des minéraux d’autres
fortes, fouvent très-différens de celui qui a
été décompofé. Il n’y a point là d’inclividus,
puifqu’il n’y a point de reffemblance effen-
tielle. ij
Un minéral étant diffous par l’eau, ou
fondu par le feu,fi fes parties fe rapprochent
ou reprennent de l’adhérence ou de la confit-
tance, par le réfroidiffement, c’eft le même
corps qui eft divifé ou liquéfié , 8c qui reprend
enfuite fon premier état. Il n’y a
point là de génération, 8c par conféquent,
il n’y a point d’individus ni d’efpèces, mais
feulement des variétés, dont la collection
peut compofer différentes fortes de minéraux.
Cette théorie eft aifée à prouver par
des faits. J’infifte fur cet article , parce que
les Naturaliftes ont admis, jufqu’àpréfent,
des efpèces pour les minéraux, comme pour
les plantes 8c les animaux.
La galene eft un minerai oh le plomb eft
minéralifé par le foufre, 8c qui contient
de l’argent. On fçait que dans les mines
d’Helgoet, en Bretagne , il s’eft détruit de
la galene attachée à des gangues de quartz ;
le foufre a difparu ; l’argent eft relié dans
la gangue , 8c la partie terreufe du plomb
a formé de la mine de plomb blanc, cryftal-
lifée, qui a du gaz pour minéralifateur. O r ,