
xfleft pas féparé , & le plus gro-s doîgt eft en
dehors de cette efpèce de main , au lieu que dans
celle de l’homme il eft en dedans ; fes doigts
font gros , courts 6c ferrés l’un contre l’autre,
aux mains comme aux pieds ; les ongles font
noirs ÔC d’une iubftance homogène fort dure ;
il frappe avec fes poings comme l’homme avec
les fiens. Sa voix eft un grondement , un gros
murmure fouvent mêlé d’un frémiffement de
dents , qu’il fait fur-tout entendre lorfqu’on
l’irrite ; il eft très - fufceptible de colère , ôc fa
c.olère tient .toujours de la fureur , ÔC fouvent
du caprice.
Les ours fe recherchent au mois de juin ; la
femelle eft, dit-on , plus ardente que le mâle :
on prétend qu’elle fe couche fur le dos pour le
recevoir, qu’elle l’embraffe étroitement, qu’elle
Je retient long-temps ôcc. , maisx ces faits font
démentis par l’expérience, & il eft certain qu’ils
s’accouplent à la manière des quadrupèdes.
Uourfe met bas en hiver ; elle produit un,
deux, trois, quatre ôc jamais plus de cinq petits ;
elle leur prépare un lit de moufle ôc d’herbes
dans le fond de fa caverne , ôc les allaite jufqu’à
ce qu’ils puiffent fortir avec elle. Ils ne naiflent
point informes, comme l’ont -dit les anciens. Ils
font, au contraire , d’une affez jolie figure. Ils
ont les yeux fermés pendant quatre lèmaines.
Çes animaux vivent plus de trente ans , ôc ils
peuvent engendrer jufqu’à cet âge. Les ourfons
retrouvent en état de fijivreleur mère au printemps.
Cette mère porte fon amour pour eux jufqu’à la
fureur ; elle eft, lorfqu’elle a mis bas, plus féroce ,
plus dangereufe que le mâle ; elle combat Ô£
e’expofe .à- tout pour les fauyer.
Le mâle ôc la femelle n’habitent point ensemble
; ils ont chacun leur retraite féparée ( 8c
même fort éloignée : lorfqu’ils ne peuvent trouver
une grotte pour fe gîter , ils caftent 8c ramaffent
du bois pour fe faire une loge qu’ils recouvrent
d’herbes ôc de feuilles , au point de la rendre
impraticable à l’eau. C’eft là que Y ours fe retire
feul, qu’il paffe une partie de l’hiver fans pro-
yifiops, fans en fortir pendant plufieurs femaine.s.
Cependant il n’eft point engourdi .ni privé de
Sentiment comme le loir ou la marmotte ; mais
comme il eft naturellement gras, & qu’il l’eft
exceffivement fur la fin dp l’automne , temps'
auquel il fe recèle , cette abondance de graiffe
lui fait fuppprter l’abftinence , & il ne fort de
fa bauge que lprfqu’il fe fent affamé.
On prétend que c’eft au bout d’environ quarante
jours que leç mâles fortent de leurs retraites,
mais que les femelles y reftent quatre mois. Quoiqu’elles
foient exceffivement graffes, lorfqu’elles
font pleines , .qu’elles Soient yêtues d’un poil
très-épais , qu’elles dorment la plus grande partie
du temps, & ne fe donnent aucun mouvement
ôc que par' conféquent elles perdent très-peu par la
firanljpiratipn : il n eft cependant pas vraifenffilafilç
qu’elles foient pendant un auffi long efpace de
temps fans prendre aucune nourriture , 8c s’il
eft vrai que le befoin force “les mâles à fortir
au bout de quarante jours , il n’eft pas naturel
d’imaginer que les femelles ne foient point encore
plus preffées du même befoin après' qu’elles ont
mis bas, ôc , lorfqu’allaitant leurs petits , elles
fe trouvent doublement épuifées.
La quantité de graiffe dont Y ours eft chargé
le rend très-léger à la nage , auffi traverfe-t-il
fans fatigue des fleuves 8c des lacs. En automne,
lorfqu’ils font bien engraiffés , ils n’ont prefque
pas la force de marcher ou du moins ils ne
peuvent courir auffi vite qu’un homme. Ils ont
quelquefois dix doigts d’épaiffeur de graiffe aux côtes
ôc aux cuiffes ; le deffous de leurs pieds eft gros &
enflé ; lorfqu’on le coupe , il en fort un fuc blanc
& laiteux : cette partie paroît compofée de petites
glandes qui font, comme des mamelons , & c’eft
ce qui fait que pendant l’hiver , dans leurs retraites
, ils fucent continuellement leurs pattes.
On apprend à Y ours à fe tenir debout, à gesticuler
, à danfer ; il femble même écouter le fon
des inftrumens, 8c fuivre groffiérement la mefure ;
mais pour lui donner cette efpèce d’éducation,
il faut le prendre jeune Sc le contraindre pendant
toute fa vie; quoiqu’il paroiffe doux pour fon
maître , 8c même obéiffant , lorfqu’il eft appri-
voifé, il faut toujours s’en défier ÔC le traiter
avec circonfpeétiôn, fur-tout ne le pas frapper
au bout du nez, ni le toucher aux parties de la
génération.
JJours qui a de l’âge ne s’apprivoife ni ne fe
contraint plus ; il eft naturellement intrépide ou
tout au moins indifférent au danger. L’ours fau-
vage ne fe détourne pas de fom chemin , ne fuit
pas à l’afpecl: de l’homme ; cependant on prétend
que par un coup de fiffiet on le furprend , on
l’étonne au point qu’il s’arrête 8c fe lève fur les
pieds de derrière. C’eft le temps qu’il faut prendre
pour le tirer & tâcher de le tuer , car s’il n’eft
que bleffé, il vient de furie fe jetter fur le
tireur , -8c l’embraffant des pattes de devant», il
l’étoufferoit fi l’on ne venoit au fecours. '
L’efpèc.e de Y ours renferme plufieurs variétés ï
il y en a de tout blancs , des noirs, des bruns
& d’autres à poils mêlé de brun & de blanc :
fous la dénomination d’ours bruns , on comprend
ceux qui font bruns, fauves-roux, rougeâtres; 8c par celle d’ours noirs, ceux qui font noii âtres ,
auffi-bien que tout-à-fait noirs. On appelle ours
dorés 9 ceux qui ont des teintes de fauve claires 8c vives : ils diffèrent auffi entr’eux pour la
grandeur ; il femble. même qu?on doit confidérer
Y ours noir ÔC Y ours brun comme faifant deux
efpèces féparées , car ils n’o n tn i les mêmes inclinations
, ni les mêmes appétits naturels.
L’ours noir eft plus grand que les autres ; il
n’eft que farouche 8c refufe conftamment de
manger ffç la çhair, Il fe nourrit dç fourmis, de
frvfitSt
fruits Sc déracinés , mais fes mets les plus friands
font le miel & le lait.; lorfqu’il en rencontre ,
il fe laifferoit plutôt tuer que de lâcher prife.
-Ceux qui fe trouvent à la Louifiâne, font auffi
très-friands du fruit des plaqueminiers ; ils montent
fur ces arbres, fe mettent à califourchon fur une
branche , s’y tiennent avec une de leurs pattes,
ôc fe fervent de l’autre pour plier les branches
ôc approcher d’eux les plaquemmes ; ils fortent
auffi fouvent des bois pour venir dans les habitations
, manger les patates ôc le maïs.
L'&urs brun eft féroce & carnaffiçr; il dévore
les animaux vivans, mange les voieries les plus
infeéfes ; & le mâle n’épargne pas même fes
petits, lorfqu’il les trouve dans leur nid.
Les ours blancs terreftres , qu’il ne faut pas
confondre avec Y ours de mer , appellé communément
, Ours blanc. 3 ours de la mer glaciale ,
fe trouvent dans la grande Tartarie, en Mofcovie ,
en Lithuanie ôrdans les autres prôv-inces du Nord.
Ce n’eft pas la rigueur du climat qui les faitblanchir
pendant l’hiver , mais ils naiflent blancs ôc demeurent
blancs en tout temps.
L’ours noir ne fe trouve en grand nombre que
dans les forêts des pays feptentrionaux de l’Eu-
ropè 6c de l’Amérique. ; il eft très-rare ailleurs ;
mais on trouve des ours bruns ou roux dans les
climats froids 6c tempérés y 6c même dans les
régions du Midi. Il y en a dans les Alpes, à la
Chine, au-Japon , en Arabie , en Egypte 6c
jufques dans'l’ifle de Java.
Comme ces animaux ne fe plaifent que dans
les pays déferts , efearpés ou couverts , on n’en
tr'ouve point dans les royaumes bien peuplés, ni
dans les terres découvertes 6c cultivées ; ainfi ,
il n’y en a plus en France, non plus qu’en Angleterre,
fi ce n’eft peut-être quelques-uns dans
les montagnes les moins fréquentées.
/On chaffe 6c on prend les ours de plufieurs
façons : la manière , dit-on, la moins dangê-
reufe de les prendre, eft de les enivrer en jettant
de l’eau de vie fur le miel qu’ils aiment beaucoup ,
& qu’ils cherchent dans les troncs d’arbres.
A la Louifiâne 6c dans le Canada, où les ours
noirs font très - Communs, 6c où ils ne nichent
pas dans les cavernes, mais dans de vieux arbres
morts fur pied 6c dont le coeur eft pourri, on
les prend en mettant le feu dans leurs maifons ;
comme ils montent très-aifément fur les arbres,
ils s’établiffent rarement à rez de terre , 6c quelquefois
ils font nichés à trente 6c quarante pieds de
hauteur. Si c’eft une;mère avec fes petits , elle
defeend la première ; on la tue avant qu’elle foit
à terre ; les petits defeendent enfuite •; on les prend
en leur paffant une corde au cou , 6c oii les
emmène pour les élever ou pour les manger,
car»la chair - de Yourfon eft délicate 6c bonne ;
celle de Yours eft mangeable ; mais comme elle
eft mêlée d’une graiffe huileufe, il n’y a guère
yjue les pieds , dont la jfubftance eft plus ferme y
ffijloire Naturelle. Tom. 1.
qu’on puiffe regarder comme une viande délicate»
La chaffe de Yours, fans être fort dangereufe ,
eft très-utile, lorfqu’on la fait avec quelque fuccès.
La peau eft, de toutes les fourrures groffières,
celle qui a le plus de prix, ôc la quantité d’huile
que l’on tire d’un feul ours , eft fort confidé-
rable.
On met d’abord la chair 6c la graiffe cuire en-
femble dans une chaudière, la graiffe fe fépare ;
enfuite on la purifie en y jettant, lorfqu’elle eft
fondue 6c très-chaude , du fel en bonne quantité 6c de l’eau par afperfion : il fé fait une détonation 6c il s’en élève une fumée épaiffe qui emporte
avec elle la mauvaife odeur de la graiffe : la
fumée étant paffée , 6c la graiffe étant encore
plus que tiède, on la. verfe dans un pot où on
la laine repofer huit ou dix jours; au bout de ce
temps, on voit nager deffus une huile claire
qu’on enlève avec un cuiller ; cette huile eft
auffi bonne que h meilleure huile d’olive, ôefert
aux mêmes ùfages. Au - deffous ', oh trouve un
faindoux auffi blanc , mais un peu plus mou que
le faindoux de porc ; il fort au befoin de la
cuifine, 6c il ne lui refte aucun goût fféfagréable
ni aucune mauvaife odeur.
Cette graiffe ne fe fige guère que par le grand
froid; elle eft alors toute en grumaux ôc d’une
blancheur à éblouir, ÔC on la mange furie pain
en guife de beurre. Nos Epiciers-Droguiftes ne
tiennent point d’huile à’ours, mais ils font venir
des Alpes ou du Canada, de la graiffe ou axongé
qui n’eft pas purifiée. On dit même que pour
que la graiffe à’ours foit bonne, il faut qu’elle
foit gril'âtre, gluante ÔC de mauvaife odeur, ÔC
que celle qui eft trop blanche eft fophiftiquée 6c
mêlée, de fiiif. On tire quelquefois d’un feul ours
plus de, cent vingt pots de cette huile où graiffe
dont on fe fort avec fuccès comme de topique
pour les hernies, les rhumatifmes 6c autres maux
de ce genre.'
O u r s b l a n c d e m e r . O n trouve dans les
terres les plus feptentrionales 6c au voifinage de
■ la mer glaciale , une efpèce d’ours blancs qui
font entièrement différens des ours "de terre ÔC
de montagne, dont^ nous venons de parler. Ils
ont la tête longue , femblable à celle d’un ch ien ,
6c le cou long auffi ; l’extrémité de leurs pieds
eft faite à-peu-près comme celle des grands chiens
ou des autres animaux carnaffiers de ce genre ;
ils aboient prefque comme des chiens enroués ;
ils ont le mufeau , ' le nez 6c les griffes noirs ;
leur poil eft long 6c auffi doux que de la laine ;
ils ont les os de la tête fi durs , que quelque
coup de maffue qu’on puiffe leur d o n n e r , ils ne
paroiffent point en être étourdis , quoique le coup
foit affez fort pour affommer un boeuf.
Ils font auffi plus agiles , plus déliés , 6c il s’en
trouve de beaucoup plus grands que nos plus grands
ours de terre. Ces ours dévorent les rennes ôc
les autres animaux qu’ils peuvent faifir ; ils’
D d