
ils fè jettent à la mer & font perdus pour le
chafl eur mais comme l’on peut les approcher
de près , lorfqu’ils l'ont endormis ou même quand
ils l'ont éloignés de la mer , on les alTomme à
coups de bâton & de p'erche ; ils font très-durs
& très-vivaces , & ne meurent pas facilement ;
car , quoiqu’ils foient mortellement bleffés , qu’ils
perdent prefque tout leur fang & qu’ils foient
même écorchés , ils ne laiffent pas de vivre encore ,
& c’eft quelque chofe d’affreux que de les voir
fe rouler dans léur fang.
Au refte , la chaffe de ces animaux n’eft pas
difficile & ne laiffe pas d’être utile , car la chair
n’en eft pas mauvaife à manger ; la peau fait une
bonne fourrure ; les Américains s’en fervent pour
faire des ballons qu’ils remplilfent d’air & dont
ils fe fervent comme de radeaux , & l’on tire
de leur graille une huile plus claire & d’un moins
mauvais goût que celle du marfouin & des autres
çétacés. % .
Ces animaux font même la principale relïource
des Groënlandois ; non-feulement ils leur four-»
niffent le vêtement & la nourriture , mais leurs
peaux font encore employées à couvrir leurs
tentes & leurs' canots : ils fe fervent des nerfs
& des fibres tendineufes pour coudre leurs vê-
ternens ; les boyaux bien nettoyés & amincis
font employés au lieu de verre pour leurs fenêtres ,
la veffiè de ces animaux leur fert de vafe pour
contenir leur huile ; ils en font fècher la chair
pour la conferver pendant le temps qu’ils ne
peuvent ni chaffer ni pêcher : auffi , lés Groënlandois
s’exercent-ils de bonne heure à la chaffe
de ces animaux, & celui qui réuffit le mieux,
acquiert autant de gloire que s?il s’étoit diftingué
dans un combat.
Le climat naturel des phoques eft le Nord ,
quoiqu’ils puiffent vivre auffi dans les zones tempérées
,. même dans les climats chauds, car
pn en trouve quelques-uns fur les rivages de
prefque toutes les mers d’Europe , & jufques dans
la méditerranée ; on en trouve auffi dans les mers
méridionales de l’Afrique & dç l’Amérique, mais
ils font infiniment plus communs & plus nombreux
■ dans les mers feptentrionales de l’Afie , de l’Europe
& dç l’Amérique , & on les retrouve en
auffi grande quantité dans celles qui font voifmes
de Fautre pôle au détroit de Magellan , à Fille
dç Juan Fernandez , &c.
Phoque, en latin , comme en grec , fe dit
phoça. Les phoques , en général, fe trouvent désignés
fous les noms vulgaires de veaux marins,
chiens marins » loups marins 3 veaux de mer , chiens
de jner, &c.
Le genre entier des phoques fe divife en deux ;
favoir 9 les phoques qui ont des oreilles externes ;
nous en çonnoiffons deux efpèces qui font celle
çlu lion marin & de l’ours marin ; voyes^ ces articles :
£c les phoques qui nont que des petits trous auditifs
fans conquç extérieure ; ce font les phoques pro-
P H O
prement dits, dont nous allons faire F énumération*
P ho qu e s san s o r e i l l e s e x t e r n e s ;
ou P ho q u e s proprement dits.
Nous çonnoiffons huit efpèces ou variétés di'f*
tin&es dans ce genre , & nous les plaçons ici dans
l’ordre de leur grandeur.
i° . Le grand P hoque a museau ride.
C’eft la plus grande de toutes les efpèces dé
phoques fans oreilles externes. Son corps, dont la
longueur eft ordinairement de quinze à dix-huit
pieds anglois & quelquefois de vingt-quatre à
vingt-cinq , eft alfez épais auprès des épaules &
va toujours en diminuant jufqu’à la queue. Il eft
couvert d’un poil rude très-court & d’une couleur
cendrée mêlée quelquefois d’une légère teinte
d’olive , mais la queüe & les pieds font noirâtres ;
les doigts font réunis par une membrane qui ne
s’étend pas jufqu’à leur extrémité &, qui, dans
chacun, eft terminée par un ongle; la lèvre
fupérieure avance de beaucoup fur la lèvre inférieure
; la peau de cette lèvre eft mobile, ridée
& bouffie, tout le long du mufeau, & cette peau
que l’animal remplit d’air à fon gré , peut être
comparée pour la forme à la caroncule du dindon x
& c’eft pour cela qu’on Fa défigne foüs le nom
de phoque à mufeau ridé.
Cette efpèce de crête manque à la femelle ;
les pieds de devant font conformés comme ceux
du phoque commun , mais ceux de derrière font?
plus informes & faits en manière de nageoires.
Ce grand & gros animal eft d’un naturel tnès-
indolent ; c’eft même de tous les phoques celui
qui paroît être le moins redoutable , malgré fa
forte taille. Ils font fi gras , qu’après avoir percé
&. ouvert la peau qui eft épaiffe d’un pouce , on
trouvé au moins un pied de graille avant de par-*
venir à la chair ; on tire d’un feul de ces animaux
jufqu’à cinq cent pintes d-huile : ils font en même**
temps fort fanguiris. Ils dorment profondément ,
mais ils ont la précaution de placer des mâles
en fentinelle autour de l’endroit où là troupe dort,
& Fon dit que ces fentinelUs ont grand foiii
de donner l’éveil dès qu’un ennemi approche.
Leurs cris font fort bruyans & dotons différens ;
tantôt ils grognent comme des cochons, & tantôt
ils heniiiflent comme des chevaux ; ils fe battent
fouvent , fur-tout les mâles qui fe difputent les
femelles & fe font de grandes bleffiires à coups
de dents. Les mâles les plus fort« fe font Un
troupeau de plufieurs femelles dont ils empêchent
les autres mâles d’approcher.
Il eft très-facile de les tuer, car ils ne peuvent
ni fe défendre ni s’enfuir ; ils font fi lourds qu’ils
ont peine à fe remuer & encore plus à fe retourner,
il faut feulement prendre garde à leurs
dents qui font très-fortes ôc dont ils pourroienj;
bleffer, û on les approchoit de face & de trop
près.
Cette grande efpèce fe trouve également dans
les deux hémifphères &. même , à ce qu'il paroît,
fous toutes les latitudes.
« Le lion marin (dit Dampier qui, comme plufieurs
autres voyageurs , &. notamment l’amiral Anfon ,
a défigné fous ce nom notre phoque à mufeau
ridé ) 3 eft un grand animal de douze- à quatorze
pieds de long , & au plus gros du corps il eft
de la groffeur d’un taureau ; il eft de la figure
d’un veau marin , mais fix fois auffi gros ; fa tête
eft faite comme celle du lion ; fa face eft large,
ayant plufieurs longs poils aux lèvres comme
un chat ; fes yeux font gros comme ceux d’un
boeuf ; fes dents longues de trois pouces, font
groffes environ comme le gros doigt d’un homme...
Il eft extraordinairement gras. Un lion marin coupé
&. bouilli rendra un muid d’huile très-douce &
fort bonne à frire ; le maigre eft noir & à gros
grain, d’affez mauvais goût. Cet animal demeure
quelquefois des femaines entières à terre , s’il
n’en eft pas chaffé : quand ils y viennent trois ou
quatre de compagnie , ils fe couchent les uns
auprès des autres & grognent comme les cochons
en faifant un bruit horrible ; ils mangent le poilfon
qui paroît être leur nourriture ordinaire v.
2°. L e P h o q u e a v e n t r e b l a n c .
Ce phoque a plus de fept pieds de longueur ,
&c fon poids eft de fix ou fept cent livres. Sa
peau eft couverte d’un poil court très-ras, luftré
ôc de couleur brune mélangée de grifatre, principalement
fur le cou & la tête où il paroît comme
tigré ; le poil eft plus épais fur le dos & fur les
côtés du corps que fous le ventre où Fon remarque
une grande tache blanche qui fe termine en pointe
en fe prolongeant fur les flancs ; les yeux font
grands , bien ouverts, de couleur brune & allez
ièmblables à ceux du boeuf; lorfque l’animal eft
long - temps fans entrer dans l’eau, fon fang
s’échauffe & le blanc des yeux devient rouge,
fur-tout vers les angles.
Les narines font étendues verticalement fur
l’extrémité du mufeau : elles font longues de trois
ou quatre pouces, éloignées l’une de l’autre d’environ
cinq pouces , & Torfqu’elles font ouvertes,
elles ont chacune près de deux pouces de largeur ; $1 en découle prefque continuellement une efpèce
de mucus blanchâtre d’une odeur défagréable ;
l ’animal ne les ouvre que pour rendre l’air par
une forte expiration, enfuite pour en reprendre,
après quoi il les referme comme auparavant 3 &
fouvent il fe paffe plus dé dèux minutes entre
chaque afpiration ; lorfque les narines font fermées ,
filles ne paroiffent que comme deux traits marqués
longitudinalement fur le bout du mufeau.
La gueule eft affez grande & environnnée de
groffes foiçs ou mouftaches prefque femblables à
des arêtes de poiffon; les mâchoires font garnies
de trente-deux dents , vingt mâchelières , huit
incifives & quatre canines. Les pieds ou nageoire*
de devant & de derrière font conformés dé
manière que le doigt du milieu eft le plus court
& les deux de côté les plus longs ; les nageoires
de derrière font groffes & charnues par les côtés,
minces dans le milieu & découpées en feftons fur
les bords ; elles accompagnent la queue qui n’a
que quatre pouces de long fur trois de large &
qui eft de forme prefque triangulaire, large à fa
naiffance & en pointe arrondie à fon extrémité ;
elle eft peu épaiffe & paroît applatie dans toute
fon étendue.
Le regard de cet animal eft doux, & fon naturel
n’eft point farouche * il eft même très-fuf*
ceptible d’éducation ; fes yeux font attentifs, &
femblent annoncer de l’intelligence : ils expriment
du moins les fentimens d’affeélion, d’attachement
pour fon maître, auquel il obéit avec toute corn-
plaifance. Il n’eft dangereux que lorfqu'il éprouve
les irritations de l’amour , ce qui lui arrive à-peu-
près tous les mois. Alors il ne connoît plus per-
fonne , il n’obéit plus à la voix de fon gouverneur, il
devient féroce , &. exerce fa fureur fur tous les
objets qu’il rencontre : fon ardeur, qui dure huit
ou dix jours , fe déclare par des. mugiffemens accompagnés
d’une forte éreéHon. Il mugit de même
lorfqu’on le maltraite , mais il a des accens plus
doux , très-expreffifs, & comme articulés pour,
témoigner fa joie fon plaifir.
Le fon de fa voix reffemble au beuglement enroué
d’un jeune taureau ; il paroît qu’il produit
ce fon en expirant l’air auffi bien qu’en l’afpirant ;
feulement il eft un peu plus clair dans l’afpiration
& plus rauque dans l’expiration. Cet animal dort
aftffi très - profondément ; on l’entend ronfler de
fort loin , & on ne l’éveille qu’avec peine. Il fe
nourrit de poiffons’, les anguilles fur-tout font pour
lui un mets délicieux. Il pèut vivre plufieurs jours
& même plus d’un mois fans être dans l’eau ,
pourvu néanmoins qu’on ait foin de le bien laver
tous les foirs avec de l’eau nette, & qu’on,lui
donne pour boiffon de l’eau claire & falée ; car
lorfqu’il boit de l’eau douce , & fur-tout de l’eau
trouble, il en eft incommodé.
On a trouvé 4e moyen de guérir ces animaux
de quelques maladies qui leur furviennent par leur
état de gêne & de captivité , & que probablement
ils n’éprouvent pas dans leur état de liberté. Par
exemple, lorfqu’ils ceffent de manger & qu’ils rc-
fufent le poiffon, on les tire hors de l’eau , on
leur fait prendre du kit mêlé avec de la thériaque y
on les tient chaudement y en les enveloppant d’une
couverture ; & on continue ce traitement jufqu’à
ce que l’animal ait repris de l’appétit. Il arrive
fouvent que ces animaux refufent tout aliment
pendant les cinq ou fix premiers jours après avoir
été pris ; & on les verroit périr d’inanition , fi on
ne les eon traign oit pas à ayaler une dofe de thé*