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midi au-delà de l’Efpagne & du Japon. Ils font
originaires des pays froids , puifqu’on y. trouve
toutes les variétés de l’efpèce & qu’on, ne les
trouve que là ; d’ailleurs ils fupportent' aifément
le' froid le plus extrême & l’on en trouve à des
latitudes très-élevées vers le Pôle.
La fourrure des renards blancs n’eft pas fort
eftimée, parce que le poil tombe aifément, les
gris-argentés font meilleurs ; les bleus & les
croifés font recherchés à caufe de leur rareté ,
mais les noirs font les plus précieux de tous ,
c’eft, après 1a zibeline , la fourrure la plus belle
& la plus chère ; on en trouve au Spitzberg,
au Groenland , en Lapponie , en Canada ou il y
on a auffi de croifés &. ou la race commune eft
moins rouffe qu’en France , &. a le poil plus long
& plus fourni.
Le renard, en latin vulves , eft le canis cauda
reSta, de Linneus ; le canis fulvus , pileis clnereïs
intermixtis, de Briffon.
R e n a r d - a m é r i c a i n , de Defmarchais, eft
le tamanoir. Voyeç T a m a n o i r .
R e n a r d - c r o i s é , à Noms fous lefquels o n
R e n a r d - b l e u ^ > a indiquél’ifatis. Voye{
R e n a r d - b l a n c , j I s a t i s .
RENNE, ( le ) Dans le climat glacé du .Nord,
où la neige couvre la terre dès le commencement
<le l’automne jul'qu’à la fin du printemps, ou la
xonce, le genièvre & la moufle font la feule y endure
de l’été , & où , par conféquent, le cheval,
le boeuf, la brebis, &. tous nos autres animaux
utiles ne peuvent trouver leur fubfiftance , ni
réfifter à la rigueur du froid ; dans ce climat,
■ dis-je , l’homme en prpie à mille befoins &. dénué
de tout, ne ferpit que traîner une exiftence pénible
& douloureufe, s’il n’avoit fçu s’approprier
le peu de biens que la main de la Nature, fi libérale
ailleurs * femble ne verfer ici qu’à regret ;
s’il n’avoit pas eu l’art de s’affùjettir les hôtes des
- forêts, s’il n’avoit fçu enfin apprivoiser le renne.
Cet animal eft pour le Lapon a-peu-pjrès ce que
le chameau eft pour l’Arabe ,. if fait tout Ion
Lien, toute fa richefle ; on l’ëmploye- comme le
cheval, à tirer des traîneaux, des voitures ; il
marche avec bien plus de diligence & de lege-
reté, fait aifément trente lieues par jour, ôt court
avec autant d’aflùrance fur la neige gelee que fur
une peloufe. ; •.
Le lait, la peau, les nerfs, les os, les cornes
des pieds, les bois, le poil, la chair du. renne, tout
en eft bon & utile; cet animal donne feul tout ce
que nous -tirons du cheval ,.du boeuf & de la
brebis : les plus riches Lapons ont des troupeaux
de quatre ou cinq cents rennes ; les pauvres en
ont dix ou douzê ; on les mène au pâturage, on
les ramène à l’étable, ou bien on les enferme
dans des parcs, pendant la nuit, pour les mettre
a l’abri de l’infulte des loups.
Le renne eft plus bas , plus trapu, a les jambes
plus courtes, plus groffes, & les pieds bien plus
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larges que le cerf; il a le poil plus fourni, le
bois beaucoup plus long, & diyilé en un grand
nombre de rameaux, terminés par dés empau-
murés.: 11 a , comme l’élan, de long, poils tous
le cou, la queue courte & les oreilles beaucoup
plus longues que le cert ; il trotte comme
l’élan &. s’apprivoife encore plus que lui ; en
hiver il fe nourrit d’une moufle blanche qu il
trouve fous les neiges en les fouillant avec fon
bois, & les détournant avec les pieds ; mais lorsque
la neige eft aüfli dure que la glace , il mange
ces grandes moulTes filamenteufes qui' pendent
aux pins. En été il vit de boutons & de teuilles
d’arbres plutôt que d’herbes, que les rameaux de
fon bois portés en avant ne lui permettent pas
de brouter aifément.
Une Angularité remarquable , & qui lui eft
encore commune avec l’élan, c’eft -que quand
ces animaux courent, ou feulement précipitent
leurs pas , il fe fait aux articulations des jambes
un bruit de craquement fi lort, qu il femble
qu’elles fe déboîtent ; les loups avertis par ce
bruit, ou par l’odeur de la bete, courent au-
devant, la l'aififîent, & en viennent à bout, s’ils
font en nombre ; car le renne fe detend d un loup
. feul, non avec fon bois, qui lui nuit plus qui!
ne lui fert, mais avec les pieds de devant qu’il
a très-forts ; il en frappe le loup avec affez de.
violence pour l’étourdir ou l’écarter; & fuit en-
fuite -avec affez de vîtefle pour n’etr.e plus atteint.
Un ennemi plus dangereux pouî lu i, quoique
moins fréquent & moins nombreux , c eft le ro/o-
mack ou glouton| qui, prefque -toujours , vient a bout du renne. Voye^ Glouton.
Il y a en Laponie des rennes fauvages & des
rennes domeftiques. Dans le temps de la chaleur
on lâche les femelles dans les bois , on les. laifle
rechercher les mâles fauvages; &. comme ces
rennes fauvages font plus robuftes & plus forts
que les domeftiques, -on préfère ceux qui font
iflùs' de ce mélange pour les. atteler au traîneau ;
ces- rennes font, moins doux que lés autres ; car,
non-feulement ils refuient quelquefois d obéir
à celui qui les guide, mais ils fe retournent bruf-
quement contre lui, .l’attaquent a .coups de pieds,
enforte qu’il n’a d’autre reflpurce que de renver-
fer fon traîneau & de s’en couvrir, jufqu a ce
que la colère ,du renne foit appàifee ; au refte,
cette voiture eft fi • légère;, qu’on la .manie &
retourne aiféinent fur loi ; elle eft garnie par-
deflous <fo peaux de jeunes rennes, le poil tourne
contre la neige , & couché en arriéré , pour que
le traîneau glifle- plus facilement en avant &.
recule moins ailément dans la montagne.
Le renne attelé, n’a pour collier qu’un morceau
de peau, où le poil eft refté, d’où defcend vers
le poitrail un trait qui lui pafle fous le ventre ,
entre les jambes, & va s attacher a un trou qui
eft fur le devant du traîneau. Le Lapon n’a pour
guides qu’une feule corde attachée à la racine
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è\x bois de l ’animal, & qu’il jette diverfement fur
le dos de la bête, tantôt d’un côté & tantôt de
l’autre, félon qu’il veut la diriger, à droite ou à,
gauche ; elle peut faire quatre ou cinq lieues par
heure ; mais plus cette manière de voyager eft
prompte , plus elle eft - incommode, il taut y
être habitué & travailler continuellement pour
maintenir fon traîneau & l’empêcher de verfer.
Les rennes ont à l’extérieur beaucoup de chofes
communes avec les cerfs , & la conformation des
parties intérieures , eft, pour-ainfi-dire , la meme ;
•de cette conformité de nature réfultent des habitudes
analogues & des effets femblables. Le renne
jette fon bois tous les ans, comme le cerf, & fe
charge, comme,lui, de venaifon ; il eft en rut
dans la même faifon, c’eft-à-dire, vers la fin de
feptembre ; les femelles, dans l’une &. dans l’autre
elpèce , portent huit mois , & ne produiient
<ju’un petit ; les mâles ont de même une très-
mauvaifp odeur dans ce temps de chaleur : &
parmi les femelles, comme parmi les biches, il
s’en trouve quelques - unes qui ne produifent
pas.
Les jeunes rennes ont aufli, comme les faons ,
dans le premier âge, le poil.d’une couleur Variée ;
il eft d'abord d’un roux mêlé de jaune, & devient
, avec l’âge , d’un brun prefque noir ; chaque
petit fuit fa mère pendant depx-ou trois ans; &
ce n’eft qu’à l’âge de quatre ans révolus que ces
animaux ont acquis leur plein accroiflement, c’eft
à cet âge qu’on commence à les drefler & les
exercer au travail ; pour les rendre plus fouples,
on leur tait fubir d'avance la caftrâtion , & c’eft
avec les dents que les Lapons font cette opération.
Les rennes entiers font fiers & trop difficiles
à manier: on ne fe lert donc que des, hongres,
parmi lefquels on choifit les plus vifs, & les plus
légers pour courir au traîneau ,& les plus peians
pour voiturer à pas lents les provifions & les
bagages. On ne garde qu’un mâle entier pour
cinq ou fix femelles, & ç’eft ,à l’âge d’un an que:
Le J tait la caftratîo.n ; ils font encore , comme les
cerfs, fujets, aux vers dans la mauvaife faifon, il
s’en engendre, fur la fin. de l’hiver , une fi grande
quantité fur leur peau , qu’elle en eft alors toute
criblée : ces trous, de vers fe referment en été ;
auffi ce n’eft qu’en automne que l’on tue les
rennes pour en avoir la fourrure ou le cuir.
Les troupeaux de cette efpèce ne laiflent pas
de demander beaucoup de l'oins. Les rennes^font
fil jets, à s’écarter & reprennent volontiers leur
liberté naturelle ; il faut les fuivre 8c les veiller de
près ; on ne peut les mener paître que dans des
lieux découverts, & pour peu que le troupeau
foit nombreux, on a befoin de phifieurs ,per-
fonnes pour Jes garder, pour les contenir, pour
les rappeller , pour courir après ceux qui s’éloignent
; ils font tous marqués afin qu’on puifle
les reconnoitre ; car il arrive fou vent, ou qu’ils
s’égarent dans les bois , ou qu’ils paffent à un
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autre troupeau ; enfin les Lapons font continuel-,
lement occupés à ces foins : les rennes font toute
leur richefle ; ils favent en tirer toutes les néceC-
fités de la vie ; ils fe couvrent depuis les pieds
jufqu’à la tête de ces. fourrures qui font impénétrables
au froid & à l’eau : c’eft leur habit d hiver ;
l’été ils fe fervent de peaux dont le poil eft
tombé ; ils favent aufli filer ce poil ; ils en recouvrent
les nerfs qu'ils tirent du corps de l’animal,
& qui leur fervent de corde & de fil ;. ils en
mangent la chair, en boivent le lait & en font
des fromages très -gras. Ce lait epure &. battu
donne, au lieu de beurre, une e.’pèce de fuifi.
Cette particularité, auffi bien que la grande étendue
du bois dans cet animal, & l’abondante venaifon
dont il eft chargé dans le temps du rut, font
autant d’indices de la furabondance de nourriture,
& ce qui prouve encore que cette furabondance
eft exceffive,, ou du moins plus grande que dans
aucune efpèce, c’eft que le renne eft le feul dont
la femelle ait un bois comme le mâle, & le feul
encore dont le bois tombe & fe renouvelle malgré
la caftration ; ainfi, il eft de tous les animaux
, celui où le füperflu de la matière nutritive
eft le plus apparent, & cela tient peut-être
moins à la nature de fanimal qu’à la qualité de
la nourriture ; car cette moufle blanche qui fait,
fur - tout pendant l’hiver, fon unique aliment,
| eft un lichen dont la fubftance femblable à celle
de la morille ou de la barbe de chèvre , eft très-
nourriflante,&. beaucoup plus chargée de molécules
organiques que les herbes , les feuilles ou les
boutons des arbres, & c’eft par cette raifon que
le renne a plus de bois, & de venaifon que le
cerf, &. que les femelles; & les hongres n’en font
pas dépourvus ; c’eft encore de-là que vient la
grande variété qui fe trouve dans la grandeur ,
dans la figure Si. dans le nombre des andouillers
&. des .rameaux du bois des rennes ; les mâles
qui n’ont été ni chafles ni contraints , & qui . fe
noûrrifi'ent largement .de cet aliment fuhftanciel,
ont. un bois prodigieux , il -s’étend en arrière
prefque. fur leur croupe, & en avant au-delà du
mufeau ; celui des hongres, eft moindre , quoique
fouvent il foit encore plus grand que le bois
de nos cerfs; enfin celui que portent les femelles
eft encore' plus petit.
Le renne rumine comme le cerf & comme tous
-les autres animaux qui’ont plufieurs eftomacs. La
durée de la vie dans le renne dômeftique n’eft
que de quinze ou leize ans ; mais il eft à préîu-
mer que dans le renne lauvage .elle eft plus longue,
cet animal étant quatre ans à croître, d oit vivr‘e
vingt - huit ou trente ans , lorfqu il eft dans' ion
état de nature.
Les Lapons chaflent les rennes fauvages de différentes
façons , iuivant les différentes laiions ; ils
fe fervent des femelles, domeftiques pour attirer
les mâles 1 auvages dans le temps du rut; ils les
tuent à coups de moufquet , ou les tireiît avec