
les en avertiffe quand ils en font menaces ; les
foins qui leur font neceffaires , tiennent
moins au feul phyfique , 8c ils reffemblent
davantage à une forte d’éducation. On diroit
que la nature, qui n’avoit pas befoin d’employer
ces efpèces à une nouvelle reproduction
la même année , a voulu les
lailfer jouir plus long-temps de l’attachement
réciproque entre les pères 8c les
enfans ; car elle nous avertit, dans tous
les êtres, que l’amour eft le fentiment
qui la met en activité, qui la foutient,
qu’elle infpire à tous fes enfans , en dédommagement
de l’exiftençe. Plus long'
temps en poffeffion du premier de fes dons,
les efpèces, dont je parle, paffentl’hiver
fans que les familles fe féparent ; cependant
quand les petits ont, au milieu ou à
la fin de l ’automne, acquis toute leur grandeur
, qu’ils jouiffent de toute leur force,
que l’habitude les a formés entièrement,
il feroit bien difficile d’affigner quel fentiment
les retient près du père 8c de la
mère , autre que celui de demeurer en-
femble. Cette douce foeiété dure jufqu’au
printemps; à fan retour, un fentiment
plus v i f 8c plus impérieux la diffout, 8c
les membres qui la compofoient, fe féparent
pour s’unir, félon les fexes, 8c
former cette union intime , qui n’admet
pas d’autre foeiété dans les animaux dont
le fentiment n’eft jamais partage.
Les habitudes 8c les moeurs que je viens
de décrire, appartiennent à tous les .oifeaux
en général, 8c forment, le fond de leur
çaraftère; mais commandé par-le méca-
nifme 8c les befoins qui en font la fuite ,
il admet des modifications dans plusieurs
efpèces, fuivant leur conftitution. Ainfile
Jiéron, le martin-pêcheur, qui ont un appétit
plus fort pour le poiffon que pour
tout autre aliment, pc qui en digèrent
mieux la chair , quoique leur vue* foit
perçante, quoiqu’ils travêrfent l’efp.açe
avec autant de facilité que les autres oir
féaux, obligés d’attendre 8ç d’épier une
proie qu’ils furprennent, demeurent quelquefois
à la guéter, au même endroit,
des heures entières , où le héron , en fe
promenant lentement au bord des eaux,
attend qu’elle paroiffe à leur furface. L’oi-
feau carnaffier au contraire s’élève dans les
airs, 8c parcourt l’efpace d’un vol rapide,
pour découvrir la proie qui lui convient,
8c fur laquelle il fe jetera. Le moineau,
la p ie , qui font voraces, qui marchent
auffi librement qu’ils volent, fe jouent
dans les airs, ou pofés fur la terre, en
parcourent la furface, attirés par la vue
des objets dont elle eft couverte. Le perroquet
au contraire , qui marche mal,
dont le goût eft décidé pour certaines baies,
certaines femençes, cherche , en volant,
les arbres qui les produifent, 8c quand
il les a rencontrés , il fe pofe fur leurs,
branches, auxquelles il atteint les unes
après les autres ; fatisfait du lieu oit il fe
trouv e, fans defir pour les objets qu’il
découvre aux environs , il paffe beaucoup
de temps fans changer de lie u , fans s’écarter
; il defeend rarement à terre, parce
qu’il marche mal, 8c en général il prend
beaucoup moins d’exercice, parce que le
mouvement lui coûte davantage , 8c que
les objets, épars fur la terre, n’excitent pas
également ton appétit. Peut-être doit - il
à cette conftitution un caraâère plus pofé,
plus réfléchi, des impreffions plus profondes
, une fenfibilité plus grande, une
mémoire plus fidelle , 8c en général des
affeâions moins fuperficielles.
Je ne m’étendrai pas davantage à l’égard
des influences de la conftitution fur de
çaraûère , Sc des modifications qu’elle
produit dans les habitudes 8c les moeurs.
Ces objets feront traités féparément en
parlant de chaque genre en particulier. Il
fuffit que j’aye , dans ce premier difeours ,
repréfente les oifeaux tels qu’ils ■ font en
général. Agréables par leur forme, par la
beauté , l’élégance , la propreté de leur
vêtement, par leur chant, par un extérieur
qui annonce la gaieté 8c le bonheur; inte-
reffims par leur fidélité 8c leur confiance
en amour quand ils fe font unis, par leur
attachement, leur affedion, leur tendrelfe
8c leurs foins pour leurs petits , portés au
plus haut degré , enfin par leur penchant
pour les moeurs fociales, commun à beaucoup
d’efpèçes ? lorfqu’ils qe font pa$
occupés des plaifirs 8c des foins de l’amour;
8c pour peindre mieux leur bonheur, pour
les faire plus furement aimer, je finirai par
ce trait que j’emprunte de M. de Buffon.
« Les oifeaux nous repréfentent tout ce
qui fe paffe dans un ménage honnête, de
l ’amour, fuivi d’un attachement fans partage
, 8c qui ne fe répand enluite que fur
la famille ».
§ . X V .
De Vutilité dont les oifeaux font pour nous,
& des torts qu’ils nous font ; ou de la place
qu’ils occupent dans la nature.
Si les oifeaux n’étoient qu’agréables par
leur extérieur, 8c aimables par leurs moeurs,
ils ne mériteroient- de notre part qu’une'
légère attention ; mais ils nous font utiles,
8c nous avons à leur reprocher quelques
torts qu’ils nous caufent. C ’eft fous ce
double point de vire que j,e les confidère
dans ce paragraphe,
La chair des oifeaux eft en général un
aliment agréable 8c fain. Celle même qu’on
n’a pas coutume de mettre au rang des com- J
meftïbles , telle que la chair des oifeaux de
proie, n’a rien de mal fain ; les hommes
moins délicats s’en nourriffent, fans en
éprouver aucune incommodité ; on porte
ces oifeaux au marché en Italie, 8c le peuple
s’en nourrit dans ce pays, où il eft cependant
généralement fobre, 8c où l’appétit
pour la chair eft moins .vif que dans nos
climats feptentrionaux ; mais de tous les
oifeaux , ce font ceux qui ont la chair
blanche qui nous fourniffent une nourriture
plus facile à digérer, plus délicate 8c plus
faine ; la chair de ceux qui Font noire a
plus de faveur, n’eft pas moins nourrif-:
fante ; mais la digeftion en eft plus difficile,
8c fes fucs, font moins (doux , ont quelque
chofe d’âcre 8c. de ftimulant.
Les oeufs de prefque tous les oifeaux
feroient une bonne nourriture 8c un mets
agreahle,fi nous étions maîtres de les avoir
à tems en notre poflèffion, fi en les ravif-
fant nous ne diminuions le nombre . des^
individus qui doivent naître dans chaque:
efpèce , 8c fi nous ne nous privions nousmêmes
d’une reffource plus grande de la part
des petits. La poule eft le feul oifeau, dont
la fécondité eft fi grande, qu’elle nous donne
affez pour fatisfaire 8c à la propagation de
fon efpèce 8c à nos befoins. Tout le monde
fçait que fes oeufs font le premier aliment
que la médecine permet aux convalefcens ,
un de ceux qu’elle confeille aux perfonnes
dont l’eftomae trop foiblé digère mal la
viande 8c les mets ordinaires, 8c qu’ils conviennent
également aux hommes fains 8c
dans l’état de fanté. C’eft cependant un préjugé
affez général que les oeufs échauffent,
qu’on ne peut s’en nourrir long-temps fans
en être incommodé ; mais l’expérience qu’un,
grand nombre de perfonnes en a fouvent faite-
prouve le contraire. La fubftance des oeufs
confidérés comme alimens, eft un extrait
de fucs nourriciers , mis à part 8c amaffes
pour le développement 8c les befoins de
l’embrion ; c’eft par cette raifon la fubftance
la plus nutritive, la plus douce „
préparée par les mains de la nature pour
l’âge le plus tendre 8c le plus foible. Que
peut avoir de mal fain une pareille nourriture
, fi l’on n’en abufe,. fi la trop grande
quantité ne la rend trop nourriffante ? Mais
il'n’eft riet; dont on n’abufe,. 8c le préjugé
juge de tout,
La molleffe 8c le luxe doivent aux
oifeaux, la première des commodités , Sc
le fécond des ornemens. Le duvet de
certains oifeaux , comme Yeider, le cigne
nous fournit une fourrure qui réunit la
chaleur 8c la légèreté ; les. plumes qui revérifient
le corps de l’o ie , nous procurent,
par leur élafticité, des fièges commodes,
des lits où nous trouvons la, chaleur, la
■ foupleffe à nos mouvemens, l’obéiffance Sc
la réfiftance à l ’imprefilori de nos membres
que nous y defirons. Le peuple, pour qut
les plumes de l’oiefonttrop chères ,les remplace
par celles du canard, de la poule , 8c
même d’autres oifeaux , 8c en retire des
avantages proportionnés à fes befoins, ou
plutôt à fes forces moins énervées.
L’art Tjui s’occupe à parer nos femmes,
enlève aux oifeaux différentes- plumes?
tantôt il les attache aux vêtemens; tantôt
il les pofe fur la tête qu’il en couronne „