
ce qui fait qu’il eft long-temps à boire, & qu’il
perd beaucoup d’eau ; il préfère la chair des animaux
vivans, de ceux fur - tout qu’il vient d’égorger
; il ne fe jette pas volontiers fur des cadavres
infeéîs , & il aime mieux chaffer une nouvelle
proie que de retourner chercher les reftes de la
première ; mais quoiqu’il fe nourriffe ordinairement
de chair fraîche, fon haleine eft très-forte ,
ôc fon urine a une odeur infupportable.
La démarche ordinaire du lion eft fière, grave
ôc lente, quoique toujours oblique ; fa courfe ne
fe fait pas par des mouvemens égaux, mais par
fauts ôc par bonds , ôc fes mouvemens font ft
brüfques qu’il ne peut s’arrêter à l’inftànt, ôc
qu’il paffe prefque toujours fon but : lorfqu’il
faute fur fa proie , il fait un bond de douze ou
quinze pieds ; tombe deffus , la faiftt avec les
pattes de devant, la déchire avec les ongles ,
ôc enfuite la dévore avec les dents.
Tant qu’il eft jeune & qu’il a de la légèreté,
il vit du produit de fa chaire , ôc quitte rarement
fes déferts ôc fes forêts, où il trouve affez d’animaux
fauvages pour fubfifter aifément; mais lorfqu’il
devient vieux, pefant ôc moins propre à
l’exercice de la chaffe, il s’approche de lieux
fréquentés, ôc devient plus dangereux pour
l’homme ôc les animaux domeftiques; lorfqu’il
voit des hommes ôc des animaux enfemble,
c’eft toujours fur les animaux qu’il fe jette,
& jamais fur les hommes , à moins qu’ils ne
le frappent : car alors il reconnoît celui qui
vient de l’offenfer, ôc il quitte fa proie pour fe
venger-
On prétend qu’il préfère la chair du chameau à
toute autre ; il aime auffi beaucoup celles des
jeunes éléphans ; ils ne peuvent lui réfifter lorfque
leurs défenfes n’ont pas encore pouffé, & il en
vient aifément à bout, à moins que la mère
n’ arrive à leur fecours. L’éléphant , le rhinocéros,
le tigre ôc l’hippopotame, font les feuk animaux
qui puiffent réfifter au lion.
Les lions font très-ardens en amour ; lorfque la
femelle eft en chaleur, elle eft quelquefois fuf-
vie de huit ou dix mâles, qui ne çeffent de rugir
autour d’elle, & de fe livrer des combats furieux,
jufqu’à ce que l’un d’entre eux , vainqueur de
tous les autres, en demeure paifible poffeffeur,
& s’éloigne avec elle ; ils s’accouplent à la
jnanière ordinaire des autres quadrupèdes, ôc
non pas à rebours, comme l’a dit Ariftote. Nous
aie favons rien de pofitif fur le temps de la geftion,
ni fur le nombre des petits que la lionne met
fias ; mais il eft à préfumer que dans l’efpece du
lion la durée de la geftation eft proportionnée â
la grandeur de l’animal, comme elle l’eft en
’général dans les "gros animaux dont la geftation
eft de plus longue durée qu’elle ne l’çft dans les
petits,
La lionne met bas au printemps, & ne produit
qu’une fois par an. Son amour pour fes
petits eft extrême. Elle eft alors plus hardie,
plus terrible que le lion. Elle ne connoît point
le danger ; elle fe jette indiftin&ement fur les
hommes ôc fur les animaux qu’elle rencontre ;
elle les met à mort, fe charge de fa proie , la
porte ôc la partage à fes lionceaux, auxquels elle
apprend de bonne heure à fuccer le fang ôc à
dévorer la chair. D’ordinaire elle met bas dans des
lieux très-écartés ÔC de difficile accès, ôc lorfqu’elle
craint d’être découverte , elle cache fes {traces
en retournant plufieurs fois fur fes pas , ou bien
elle les efface avec fa queue ; quelquefois même
elle tranfporte ailleurs fes. petits , ôc quand on
veut les lui enlever , elle devient furieufe, 6c
les défend jufqu’à la dernière extrémité. Les lionceaux,
à leur naiffance, font très-petits ôc n’ont
guères que fix ou fept pouces de longueur, ils ne
font en état de marcher que deux mois après
être nés. Il eft affez vraifemhlable que le lion,
• attendu la grandeur de fa taille , eft au moins
trois ou quatre ans à croître, ôc que la durée de
fa vie eft par conféquent d’environ vingt-cinq ans.-
Ce. fier animal peut néanmoins s’apprivoifer
jufqu’à un certain point, ôc recevoir une efpèce
d’éducation. Pris jeune 6c élevé parmi les animaux
domeftiques , il s’accoutume aifément à
vivre, ôc même à jouer innocemment avec eux.
Il eft doux poûr fes maîtres, ôc même careffant ;
fur-tout dans le premier âge , ôc fi fa férocité
naturelle reparoît quelquefois, il la tourne rarement
contre ceux qui lui ont fait du bien. Il y
auroit cependant du danger à lui laiffer fouffrir
trop long-temps la faim ou à le contrarier en
le tourmentant hors de propos ; car non - feulement
il s’irrite des mauvais traitemens, mais il
en garde le fouvenir, Ôc paroît eh méditer la
vengeance, comme il conferve auffi la mémoire
ôc la reconnoiffance clés bienfaits. Sa colère eft
noble, fon courage magnanime, ôc fon naturel
fenfible. On l’a. vu fouvent dédaigner de petits
ennemis , méprifer leurs infultes ôc leur pardonner
des libertés offenfantes ; on l’a vu, réduit en
captivité , s’ennuyer fans s’aigrir, prendre au contraire
des habitudes douces , obéir à fon maître ,
flatter la main qui le nourrit, donner quelquefois
la vie à ceux qu’on avoit dévoués à la mort, en
les lui jettant ' en proie , ôc comme s’il fe fût
attaché par cet aâe généreux , leur continuer
enfuite la même protection , vivre tranquilement
avec eux, leur faire part de fa fubfiftance , fe
la laiffer même enlever toute entière ôc fouffrir
plutôt la faim que de perdre le fruit de r fort
premier bienfait.
On pourroit dire auffi que le lion n’eft pas
cruel, pijifqu’il ne l’eft que par néceffité. Bien
différent du tigre , du loup , du renard ôc de tant
d’autres animaux d’efpèce inférieure qui donnent
la mort pour le plaifir dç la donner ; le lion ne
détruit qu’autant qu’il confomme., ÔC dès qu’il e$
repu, il eft çn paix avec, toute la terre.
Quelque terrible que foit cet animal ÿ on ne
Jaiffe pas de lui donner la chaffe avec des chiens
de grande taille ôc bien appuyés par des hommes
à cheval ; on le déloge, on le fait retirer , mais
il faut que les chiens, Ôcmême les chevaux , foient
aguerris auparavant, car prefque tous les. animaux
frémiffent ôc s’enfuient à la feule odeur du lion.
Sa peau , quoique d’un tiffu ferme ôc ferré, ne
réfifte point à la balle , ni même au javelot ;
néanmoins on ne le tue prefque jamais d’un feul
coup : on le prend fouvent par adreffe , en lefaifant
tomber dans une foffe profonde qu’on recouvre
avec des matières légères au-deffus desquelles on
attache un animal vivant. Le lion devient doux dès
qu’il eft pris, ÔC fi l’on profite des premiers momens
de fa furprife ou de fa honte, on peut l’attacher, le
mufeler ôc le conduire où l’on veut.
Il y a très-peu ou point de variété dans cette
efpèce pour les couleurs de la robe ; elle eft généralement
fauve fur le dos ôc blanchâtre fur les
côtés ôc fous le ventre , ôc toutes les différences
qui fe trouvent dans ces animaux confiftent dans
celles de la grandeur de la taille. Les lions de
la plus grande taille ont environ huit ou neuf
pieds de longueur depuis le mufle jufqu’à l’origine
de la queue qui eft elle-même longue d’environ
quatre pieds ; ces grands lions ont quatre
ou cinq pieds de hauteur. Les lions de petite
taille ont environ cinq pieds ôc demi de longueur
fur trois pieds Ôc demi de hauteur, ôc la queue
longue d’environ trois pieds. La lionne eft, dans
toutes les dimenfions, d’environ un quart plus
petite que le lion, ôc elle n’a jamais de crinière
ou de longs poils fur le devant du corps , quelque
vieille qu’elle foit.
L’efpèce de ce noble animal paroît confinée
entre les deux tropiques de l’ancien monde; elle
eft beaucoup moins nombreufe qu’elle ne l’étoit
autrefois. Dans les vaftes fiéferts du Zaara ôc en
général dans toutes les parties méridionales de
l’Afrique ôc de l’Afie , où l’homme a dédaigné
d’habiter , les^ lions font encore en affez grand
nombre ; ils y font auffi plus intrépides , plus
féroces , plus terribles ; un feul attaque fouvent
une caravane entière , ôc lors même qu’il fe
fent affoibli, il ne fuit pas, mais il continue de
fe battre en retraite en faifant toujours face, ôc
fans jamais tourner le dos. Les lions, au contraire
, qui habitent aux environs des villes ôc
des bourgades de l’Inde ôc de la Barbarie, font
foibles , lâches ôc timides au point, que des
femmes ôc des enfans leur font , à coups de
bâton, quitter prife ôc lâcher leur proie. Ceux
qui habitent les hautes montagnes où L’air eft plus
tempéré , n’ont pas non plus la hardieffe , la
force ÔC la férocité de ceux qui habitent les
plaines couvertes de fables brûlans ; ce qui prouve
évidemment que l’excès de leur férocité vient
de l’excès de la chaleur.
Au refte, quoique le lion ne fe trouve que
dans les climats les plus chauds , il peut cependant
fubfifter ôc vivre affez long-temps dans les pays
plus tempérés ; peut-être même, avec beaucoup
de foin, pourroit-il y multiplier , ôc la chofi»
n’eft pas fans exemple. Cependant, il ne s’en
trouve point aéhiellement dans aucune des parties
méridionales de l’Europe. La chair de cet animal
eft d’un goût défagréable ôc fort ; cependant, les
Nègres ôc les Indiens ne la trouvent pas mau-
vaiië ôc en mangent fouvent : la peau leur fert
de manteau ÔC de lit , ôc la graiffe , qui eft d’une
qualité fort pénétrante , eft de quelque ufage dans
notre médecine.
Ariftote a dit que la lionne n’avoit que deux
mamelles : que les lions , les ours, les renards
naiffent informes ÔC prefque inarticulés, & que
le lion n’avoit dans le cou qu’un feul os, rigide ,
inflexible ôc fans divifion de vertèbres ; ces
affertions font autant d’erreurs , car il eft certain
que la lionne a quatre mamelles , que le lion
a fept vertèbres dans le cou comme tous les
autres quadrupèdes , ôc que les petits de cette
efpèce , comme de celles de l’ours ôc du renard ,
naiffent auffi formés qïtë les autres, ôc que tous
leurs membres font diftin&s ôc développés.
Le lion fe nomme en latin leo , ôc .ce nom
ou le grec leon , eft celui fous lequel tous les
Zoôlogiftes l’ont défigné, excepté MM. Linnée
ôc Briffon, qui pour la fymmétrie de leurs méthodes
, ont trouvé bon d’en faire un chat ;
felis caudâ elongatâ , thorace jubato ; Linnée.
Félis caudâ in floccum definente ; Briffon.
L io n m a r in ( l e ) eft le phoque à oreilles
externes de la plus grande efpèce. Le poids de
cet animal eft d’environ quinze à feize cent livres ,
ôc fa longueur de dix à douze pieds, lorfqu’il a
pris tout fon accroiffement ; les femelles qui font
beaucoup plus minces , font auffi plus petites ,
Ôc n’ont communément que fept à huit pieds de
longueur ; le corps des uns ôc des autres , dont
le diamètre eft à-peu-près égal au tiers de fa
longueur , a prefque par-tout une épaiffeur égale
& fè préfente aux yeux comme un gros cylindre ,
plutôt fait pour rouler que pour marèher fur la
terre ; auffi , ce corps trop arrondi n’y trouve
d affiete , que parce qu’étant recouvert par-tout
d une graiffe exceffive, il prête aifément aux inégalités
du terrein ÔC aux pierres fur lefquelles
l’animal fe couche pour repofer.
La tête paroît être trop petite à proportion
d’un corps auffi gros ; le mufeau eft affez fem-
blable a celui d un gros dogue, étant un peu
relevé ôc^ comme tronqué à fon extrémité ; la
lèvre fupérieure déborde fur la lèvre inférieure,
ôc toutes deux'font garnies de cinq rangs de foies
rudes en forme de mouftaches qui fontlongues,
noires, ôc s’étendent le long de l’ouverture de la
gueule; ces foies font des tuyaux dont on peut
faire des curedents ; elles deviennent blanches
dans lavieilleffe.