
remontent ordinairement de fon jabot où
ils ont déjà fubi un premier mouvement de
diffeftion ; quelquefois, lorfqu’ils en font
fuîceptibles, comme un ver, un infeûe, une
portion d’un fru it, le mâle les porte les
tenant à fon bec ; la femelle les reçoit avec
des battemens d’ailes 8C un gafouillement
qui paroiffent être l’expreflion de fa fatif-
faâion & de fa reconnoiffance. Le mâle
couche dans un endroit près du nid, 8c
fes jours fe paffent aux environs du même
lieu yj dans les mêmes exercices, comme la
femelle paffe les liens dans le nid, occupée
du foin de couver, de remuer de
temps en temps les oeufs, de les changer
de place 8c de pofition. Ces occupations
des deux époux, continuent pendant tout
le temps de l’incubation; fa durée, plus
courte pour les petites efpèces , 8c plus
longue pour les grandes, s’étend à-peu-
près de treize à quatorze jours, jüfqu’à de
vingt-neuf à trente , félon les efpèces.
Lorfque les petits font nés, les foins
du père 8c de la mère redoublent, 8c l’on
ne fçauroit douter que leur jouiflance
n’augmente en proportion des affections
plus vives dont tous leurs mouvemens
donnent des lignes extérieurs. Tant que
les petits ont befoin d’autant de chaleur
qu’il en falloit pour les oeufs , la mere les
couve aulïi régulièrement ; elle les quitte
même pour moins de temps ; doucement
pofée au-deffus, & lés preffant légèrement,
elle ne fe foulève que pour les alimenter
& les nettoyer; elle fe dégoûte fi peu de
leurs excrémens les premiers jours, qu’elle
les ramaffe avec fon bec, & qu’elle les prend
comme un aliment, tant que les^ petits ne
font pas aflez forts pour les dépofer au
moins fur lés bords du nid. La mère feule
alimente fes petits d’abord; mais peu de
jours après leur naiflance le père partage
ce foin avec elle. Il m’a paru que dans les
premiers jours ils ne leur donnoient point
à manger immédiatement après avoir pris
eux-mêmes de la nourriture, mais quelques
temps après ; 8c j’ai penfe que les
alimens qu’ils leur fourniffoient alors, plus
liquides, dontladigeftion eft plus avancée,
remontent, non du jabot, mais de cette
expanfion que l’oefophage forme près du
gélier avant de s’y inférer. A mefure que
les petits fe fortifient, le père & la mere
m’ont paru les alimenter plus promptement,
après s’être eux-mêmes repus, 8c
leur donner une nourriture plus folide ;
ils fçavent en tout temps quelle eft la
quantité qui' leur convient, ainfi que la
qualité ; 8c jamais ils n’accordent au-delà
de ce qui eft néceffaire , malgré l’importunité
, les careffes 8c les demandes de
leurs petits, à l’appétit trop grand def-
quels ils fçavent oppofer une utile févérite.
Ainli le defir des alimens au-delà du befoin
, eft commun à toutes les efpeces
dans le premier âge, 8c c’eft le premier
vice à reprimer.
Au duvet léger qui couvre les petits ,
même en naiffant, 8c qui tombe par la
fuite, fuccèdent les plumes plus tôt ou plus
tard, félon les efpèces ; elles pouflent dans
l ’ordre fuivant : les plumes de la tê te ,
les pennes de la queue 8c des ailes, les
grandes , les petites couvertures des ailes,
celles de la queue , tant en deflus qu’en
deffous, les plumes qui couvrent le jabot ,
8c celles qui revêtiffent les autres parties
du corps. Quand elles ont toutes acquis
aflez de grandeur pour conferver aux petits
pendant long-temps leur chaleur propre,
la mère ne lés couve plus conftamment
que la n u it, 8c par intervalles dans lë
jour. Lorfque les pennes ont aflez d’étendue
pour que les petits puiflent commencer
à fe fier à leurs ailes, alors le père 8c la
mère les invitent à quitter le nid ; ils les
y forcent même, en fe tenant à quelque
diftance, en ne portant plus la nourriture,
mais en obligeant à la venir chercher. Cet
exercice, le jour où il a lieu pour la première
fo is , commence avec l’aurore : une
journée ne fera pas trop longue pour les
foins auxquels il va donner lieu, 8c ce fera
pour toute la famille un jour plein d’agitation
8c d’inquiétude. On entend les cris
répétés des petits qui expriment leurs be-
foins preflans, 8c peut-être leur méfiance
en leurs forces, pour un effai qu’ils n’ont
pas encore fait: le père 8c la mère , partagés
entre la tendrelfe qui les pouffe vers
leurs petits , 8c la néceflité qui les en tient
éloignés, expriment l ’affeâion de ce double
fentiment par leurs mouvemens ; ils s’approchent
, ils s’éloignent, ils invitent, ils
encouragent les petits en leur répondant ;
le befoin qui les preffe 8ÿ qui commande,
les détermine enfin ; ils prennent leur ef-
for 8c s’élancent vers le père 8cTa mère
qui quelquefois s’éloignent à l’inftant, pour
les conduire plus lo in , 8c pour les enhardir
: il eft aifé de s’imaginer quelle eft la
douceur de ce moment pour la famille
réunie ; mais fi cet inftant eft plein de
charmes , il eft aufli rempli de danger;
les cris des petits, leur éparpillement, la
foibleffe de ceux qui font moins bien
conftitués, la chûte qu’ils peuvent faire
jufqu’à terre , les expofe plus que jamais
aux regards 8c à la pourfuite de leurs
ennemis de toute efpèce : à celle de
l ’homme, infenfible même à ce fpeûacle
de la tendrelfe paternelle, fans pitié pour
la douleur du père 8c de la mère, qui oubliant
comme lui les loix de la nature, 8c
concevant une hardieffe qu’ils n’ont jamais
qu’en ce moment, le bravent, le menacent
& s’expofent à fa tyrannie , pour en délivrer
leurs petits s’ils le pouvoient. Homme
infenfible 8c cruel; comment peux-tu voir
fans intérêt, fans p itié , des plaifirs 8c des
douleurs dont ton coeur connoît la douceur
8c l’amertume } Pourquoi braves-tu
ces fentimens ? Comment infultes-tu aux
loix de la mère commune, 8c aux dons
qu’elle fait à tous fes enfans , dans des
êtres, dont les geftes, les cris, les mouvemens
, toute leur exiftence te prouvent
leur fenfibilité ? fi la loi de la néceflité ;
fi celle du befoin, qui te font impofées,
te rendoient feules dur 8c barbare ; mais
tu l’es par légèreté 8c faute de réflexion ;
car tu ne fçaurois être aflez méchant,
pour te faire un amufement de la douleur
d’un être fenfible !
: La fortie du nid exécutée, 8c les premiers
effais tentés, les petits fuivent le
père 8c la mère dans leurs courfes qu’ils
fçavent proportionner aux forces de leur
famille : elles s’accroilfent de jour en jo u r ,
8c bientôt le temps arrive où la faim 8c
le refus des pères 8c mères obligent les
petits de fe pourvoir eux-mêmes d’ali—
mens. L’inftant où ils y font habitués,
rompt les liens du befoin qui les attachoit,
8c ceux de la tendrelfe du père 8c de la
mère ; ils ceflent de chérir des petits auxquels
ils ne font plus néceffaires ; comme
la facilité d’être nourris retient les petits
plus long-temps, le père 8c la mère les
abandonnent les premiers , pour fe livrer
aux foins d’une nouvelle couvée ; les petits
fe mêlent à ceux de leur efpèce ; ils s’afi
focient, 8c tous libres la première année
de leur naiflance, ils volent par troupes,
8c ne s’occupent que de leurs propres be-
foins, jufqu’au printemps fuivant, où ils
fe féparent pour former, comme leurs
pères 8c mères, une union plus intime
6c plus douce. Car la crue des oifeaux eft
prompte ; la plupart des efpèces ont acquis
leur grandeur au bout de trois ou quatre
mois de; naiflance, 8c font fécondes au
printemps de l’année fuivante. La vie des
oifeauxn’eftpoint, comme celledel’homme
8c des quadrupèdes , partagée en des âges
aufli marqués , 8c il n’y a pas même de
rapport entre.le temps de leur accroiffement,
8c la durée de letir vie : le ferin, le
chardonneret, dont la crue eft achevée
au bout de quatre mois, vivent de quinze
à dix-huit ans.
Les foins dont j’ai rendu compte jufqu’à
préfent, font communs aux oifeaux
qui font plufieurs pontes la même année ,
8c à ceux qui n’en, font qu’une ; mais au
moment où ils ceflent pour les premiers,
à l’égard de la première couvée , un grand
nombre des derniers continue de s’occuper
de fa famille dont les befoins ne ceflent
pas fi-tôt. Dans beaucoup de ces efpèces ,
comme celle du co q , du faifan, de la
perdrix, les petits , en fortant de l’oeuf,
font en état de marcher , de prendre de
la nourriture eux-mêmes ; ils n’ont befoin
que d’être réchauffés par l’incubation
, d’être conduits, qu’on les mène aux
lieux abondans en alimens , qu’on les raf~
femble, en les appelant, quand ils font
difperfés , qu’on leur faffe éviter le danger
, 8c qu’un fignal, donné par la voix,