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formation des tefticules ou ovaires de la truie ,
il femble même faire l’extrémité des efpèces vivipares
, 6c s’approcher des efpèces ovipares.
A toutes ces fingularités, nous devons en ajouter
une autre ; c’eft que la graille du cochon eft
différente de celle de prefque tous les autres animaux
quadrupèdes, non leulement par l'a confii-
tapce 6c la qualité , mais aufli par fa pofition
dans le corps de ranimai. Le lard du cochon n’eft
ni mêlé àvec la chair comme dans le ehièn &
les autres animaux qui n’ont point de fuif, ni
ramafle aux extrémités de la chair, comme dans
le bélier > le bouc , &c. il la recouvre par-tout ,
& forme une couche épailfe , diftin&e &. continue
entre la chair 6c la peau.
Encore une fingularité même plus grande que
les autres, c’eft que le cochon ne perd aucune
de fes premières dents ; elles ne tombent jamais,
6c croilfent même pendant toute l'a vie. Il
a lix dents au-devant dç la mâchoire inférieure ,
qui font incilives & tranchantes ; il a aufli lix
dents correfpondantes à la mâchoire fupérieure ;
mais celles-ci , au lieu d’être inçifives & tranchantes
, font longues , cylindriques, & émouf-
fées à la pointe, en forte qu’elles ne s’appliquent
que très-obliquement les unes contre les autres
par leurs extrémités.
Il n’y a que le cochon 6c deux ou trois autres-
efpèces d’animaux qui aient des défenfes ou des
dents canines très-alongées ; elles diffèrent des
autres dents en ce qu’elles fortent en dehors, 6c
qu’elles croiflent pendant toute la vie. Dans le
cochon, ces dents font plattes 6c tranchantes 6c
ont quelquefois neuf à dix pouces de longueur.
Elles font enfoncées très-profondément dans l’alvéole
, 6c elles ont aufli, comme cëlles de l’éléphant
, une cavité à leur extrémité fupérieure ;
mais l’éléphant 6c la vache marine n’ont de dé-
fenfes qu’à la mâchoire fupérieure : ils manquent
même de dents canines à la mâchoire inférieure ;
au lieu que le cochon mâle & le fanglier en ont
aux deux mâchoires , & celles de là mâchoire
inférieure font plus utiles à l’animal; elles font
aufli les plus dangereufes , car c’eft avec les défenfes
d’en bas que le fanglier bleffe. La truie, la laie 3
6c le cochon coupe ont aufli ces quatre ' dents
canines à la.- mâchoire inférieure ; mais elles
croiflent beaucoup moins que celles du mâle , &
ne fortent prefque point au dehors. Outre cès
feize dents, favoir , douze incilives & quatre
canines , il y a encore vingt-huit dents mâche-
lières , ce qui fait en tout quarante-quatre dents.
Les cochons aiment beaucoup les vers de terre
& certaines racines, comme celles de la carotte
fauvage. C’eft pour trouver ces vers 6c pour
couper, ces racines', qu’ils fouillent la terre avec
leur boutoir. Ils ne fouillent pas en ligne droite
ni aufli profondément que le fanglier, mais çà
6c là , & plus légèrement. Comme ils font beaucoup
de dégât, il faut les éloigner des terreins
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cultivés, Si ne les mener que dans les bois 6c
fur les terres qu’on laifle repofer. Ils fe défendent
eux-mêmes de la même manière que les fangliers; 6c l’on n’a pas befoin de chiens pour les garder ;
mais comme ils font'indociles 6c durs , un homme
agile 6c robufte n’en peut guère conduire que
cinquante. En automne 6c en hiver , on les mène
dans les forêts où les fruits fauvages font abon-
dans ; l’été on les conduit dans les lieux humides 6c marécageux, où ils trouvent des vers 6c des
racines en quantité , 6c au printemps , on les laifle
aller dans les champs 6c fur les terres en friche :
on les fait fortir deux fois par jour depuis le mois
de mars jufqu’au mois d’oétobre. On les laifle
paître depuis le matin , après que la rofée eft
diflïpée , jufqu’à dix heures , 6c depuis deux heures
après midi, jufqu’au foir. En hiver on ne les
mène qu’une fois par jour , dans les beaux temps;
la rofée , la neige 6c la pluie leur font contraires.
Lorfqu’il furvient un orage ou une pluie fort abondante
, il eft affez ordinaire de les voir déferter
le troupeau les uns après les autres , 6c s’enfuir
en courant, toujours criant jufqu’à la porte de
leur étable ; les plus jeunes font ceux qui crient
le plus 6c le plus haut : ce cri eft différent de
leur grognement ordinaire , c’eft un cri de douleur
lemblable aux premiers cris qu’ils jettent lorfi
qu’on les garotte pour les égorger ; le mâle crie
moins qüe la femelle.
Quoique ces animaux foient fort gourmands ,
ils n’attaquent ni ne dévorent pas , comme le loup,
les autres animaux ; cependant on ne peut nier
qu’ils ne foient avides de fang 6c de chair fan-?
guinolente 6c fraîche, puifqu’ils mangent leurs
petits 6c même des enfans au berceau. Dès qu’ils
trouvent quelque chofe de fucculent, d’humide,
de gras 6c d’onftueux, ils le lèchent, 6c finiffent
bientôt par l’avaler. Leur gourmandife eft aufli
groflière que leur naturel eft brutal ; il n’ont aucun
fentiment bien diftinéf ; les petits reconnoiffent
à peine leur mère , ou du moins font fort fujets
à fe méprendre, 6c à têter la premiète truie qui
leur laifle faifir fés mamelles.
Pour peu qu’on ait habité la campagne , on
n’ignore pas les profits qu’on tire du cochon ; fa
chair fe vend à-peu près'autant que celle du boeuf;
le lard fe vend au double 6c même au triple ; le
fângy les; boyaux , les .vifcères , les pieds , la
langue , fe préparent 6c fe mangent. Le fumier du
cochon eft plus froid que celui des autres animaux
, 6c l’on ne doit s’en fervir que pour les
terres trop chaudes 6c trop sèches. La graiffe des
inteftins 6c de l’épiploon , qui eft différente du
lard, fait le faindoux ôc le vieux-oing. La peau
a fes ufages ; on en fait des cribles, comme l’on
fait aufli des vergettes , des broffes, des pinceaux
, avec les foies. La chair de cet animal
prend mieux le fe l, le falpêtre, 6c fe conferve^
falée plus long-temps qu’aucune autre.
Cette efpèce , quoique abondante ôc fort
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répandue en Europe , en Afrique 6c en A fie, ne
s’eft point trouvée dans le' nouveau monde; elle
y a été tranfportée par les Efpagnols , qui ont
Jette des cochons noirs dans le continent 6c dans
prefque toutes les grandes ifies de l’Amérique :
ils fe font multipliés 6c font devenus fauvages
en beaucoup d’endroits ; ils reflemblent à nos
fangliers ; ils ont le corps plus court, la hure
plus groffe , 6c la peau plus épaifîe que les cochons
domeftiques, qui, dans les climats chauds, font
tous noirs comme les fangliers. Voyeç C ochon
M A R R O N .
Un préjugé fuperftitieux a privé les Mahomé-
tans de cet animal utile ; ils n’ofent ni le toucher
ni s’en nourrir. Les Chinois , au contraire ,
ont beaucoup de goût pour la chair du cochon ;
ils en élèvent de nombreux troupeaux , ôc c’eft
leur nourriture la plus ordinaire. Ces cochons de
la Chine , qui font aüfli ceux de Siam 6c de
l’Inde, font un peu différens de Ceux d’Europe ;
ils font plus petits, ils ont les jambes beaucoup
plus courtes ; leur chair eft plus blanche 6c plus
délicate ; ils reflemblent plus au fanglier que nos
cochons , 6c ont les oreilles plus ro id e sp lu s
courtes 6c plus droites , ce qui prouve qu’ils font
moins dégénérés. On les connoît en France , 6c
quelques perfonnes en élèvent : ils fe mêlent 6c
prodüifent avec les cochons de la race commune.
Les Nègres élèvent aufli une grande quantité de
cochons , 6c quoiqu’il y en,ait peu chez les Maures 6c dans tous les, pays habités par les. Mahomé-
tans , on trouve en Afrique 6c en Afie des fangliers
aufli abondamment qu’en Europe.
Il y a donc des cochons dans tous lès climats ;
feulement il paroît que dans les pays froids, -le
fanglier, en devenant animal domeftique , a plus
dégénéré que dans les pays chauds : un degré de
température de plus fuffit pour changer leur couleur.'
Ils font communément blancs dans’ nos provinces
feptentrionales- de France , 6c même en
Vivarais , tandis que dans le Dauphiné , qui en
eft très - voifin , ils font tous noirs , aufli bien
qu’en Languedoc , en Provence , en Efpagne ,
en Italie , aux Indes , à la Chine 6c en Amérique.
C o c h o n d ’A m é r iq u e , nom fous lequel on
a défigné le pécari. Voyeç Pé c a r i .
C o c h o n d ’e a u de Defmarchais eft le cabiai.
Voye^ ce mot.
C o c h o n d e G u in é e , ( le ) eft à-peu-près
de la même figure que notre cochon, mais il eft
plus petit ; il a le poil court , roux 6c luifant ;
il n’a point de foies , pas même fur le-dos ; le
cou feulement 6c la croupe près de l’origine de
la queue , font couverts de poils un peu plus
longs que ceux du refte du corps. Il n’a pas la
®||| ^ groffe que le cochon d’Europe , 6c il en
diffère encore par la forme des oreilles qu’il a
très-longues , très-pointues 6c couchées en arrière
le long du cou ; fa queue eft aufli beaucoup plus
longue ; elle touche prefqu a terre, 6c elle eft fans
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poil jufqu’à fon extrémité. Cette race de cochon
eft originaire de Guinée, d’où elle a été tranfportée
au Brefil où elle, s’eft multipliée comme
dans ion pays natal ; elle y eft domeftique &
tout-a-fait privée. Elle fe trouve aufti en Afte ,
particulièrement dans l’ifle de Java, d’où il paroît
qu’elle a été tranfportée au cap de Bonne-Efpé-
rance par les Hollandois.
C o c h o n d e t e r r e , ( le ) animal du cap de
Bonne - Efpérance , qui fe nourrit de fourmis,
comme le tamandua & autres fourmillers d’Amé-
rique , ce qui lui a fait donner .aufli le nom de
mangeur de fourmis ; mais au fond il forme une
efpèce particulière ce très - différente des four-
milliers , comme du cochon auquel-il reffemble
uniquement par fa tête alongée , par le boutoir
qui la termine, & par la longueur de fes oreilles. 11 eft a-peu-près aufli gros de aufli grand que
le tamanoir. Les poils qui couvrent fa tête, le
deffus de fon corps & la queue , font très-courts
& tellement couchés & appliqués fur la peau,
qu’ils lemblent y être collés; leur couleur eft
d un gris fale un peu approchant de celui du
lapin, mais plus obfcur ; fur les flancs & fous le
.ventre ils font plus longs 4 c d’une couleur rouf-
-latre ; ceux qui crouvrent les jambes font aufli
beaucoup plus longs, tout-à-fait noirs & droits.
Sa tete a la forme d’un cône tronqué, un peu
comprimé vers fon 'extrémité ; elle eft terminée
par; un boutoir dans lequel font les trous des
narines,. & qui avance de près d’un pouce au-
delà de la mâchoire inférieure ; celle-ci eft très-
petite; la langue eft longue, fort-mince & plate ,
mais plus large que dans les autres mangeurs de
fourmis. Ses yeux font affez grands & beaucoup
plus près,dés> oreilles que du mufeau ; fes oreilles
font longues de flx pouces ; elles fe terminent en
pointe Ôc font formées par une membrane pref-
qu’aufli mince que du parchemin, & couvertes
de poils''extrêmement courts. La queue eft d’un
tiers plus longue que tout le corps; elle eft fort
groffe à fon origine , & va en diminuant jufqu’à
fon extrémité ; les pieds de devant ont quatre
doigts ; ceux de derrière en; ont cinq , tous armés
de torts ongles, dont les plus longs font aux pieds
de derrière & égalent en longueur les doigts mêmes ;
ils ne font pas pointus , mais arrondis à leur extrémité
, .un- peu recourbés & propres à creufer
la tefre ; ils ne font pas faits pour grimper, ôc
il ne paroît pas qu’il puiffe s’en fervir pour faifir
fortement ou pour fe défendre. Cet animal fourre
fa langue dans les fourmillières , avale les fourmis
qui s’y attachent & fe cache dans des trous en
terre.
C o c h o n d ’In d e , ( le ) petit animal originaire
des climats chauds du Bréfil ôc de la Guinée
mais qui ne laifle pas de fubfifter 6c de produire
dans lès climats tempérés, 6c même dans les pays
froids , pourvu qu’on ait foin de le mettre à l’abri
du froid 6c de l'humidité. Le cochon d’Inde eft