
attaquent les hommes & déterrent les cadavres j
Ôc lorfque la proie leur manque fur terre, ils fe
jettent à l’eau pour attraper des phoques , de
jeunes morfes ou des petits baleineaux ; ils fe gîtent
fur des glaçons ou ils les attendent, Ôc d’oii ils
peuvent les voir venir , & tant qu’ils trouvent que
ce pofte leur produit une fubfiftance abondante,
ils ne l’abandonnent pas ;* enforte que , quand les
glaces commencent à fe détacher au printemps,
ils fe laiffent emmener ôc voyagent avec elles ; 6c comme ils ne peuvent plus regagner la terre,
ï>on plus qu’abandonner pour long-temps le glaçon
fur lequel ils, fe trouvent embarqués ils périffent.
en pleine mer ; & ceux qui arrivent avec ces
glaces fur les côtes d’Irlande & de Norvège ,
iont affamés, au point de fe jetter fur tout ce qu’ils
rencontrent pour le dévorer.
Leur proie, la plus ordinaire font les phoques
qui ne font: pas allez forts pour leur, réfifter,
mais les morfes auxquels ils. enlèvent quelquefois
leurs petits, les percent de leurs défenfes. ôc les
mettent en fuite. 11 en eft de même des baleines ;
elles les affomment par leur maffe ôc les chaffent
des lieux qu’elles habitent ,. où néanmoins, "ils
raviffent ôc dévorent fouvent leurs petits baleineaux.
Ces ours ne font point-amphibies , comme
l ’ont prétendu quelques Auteurs ; ils ne peuvent
nager que pendant.un petit temps, ni parcourir
de fuite un efpace de plus dfune. lieue ; on les
fuit avec une chaloupe ôc on les force de lafli-
tude ; s’ils pouvoient. fe paffer de rel'pirer , ils fe
plongeroient pour repofer au fond de l’eau ;
mais s’ils plongent, ce n’eft que pour quelques
milans, ôc dans la crainte de fe noyer , ils. fe
lailfent tuer à fleur d’eau.
Comme ils .vivent d’animaux chargés d’huile ,
ils ont aufll plus de. graille que Y durs de terre ,
ôc elle eft à-peu-près femblable à celle de la
baleine. On dit que leur chair, n’eft pas mauvaife
à manger-, ôc leur peau fait une fourrure très-
chaude & très-durable.
U ours , en latin ,. urfus, n’a guère d’autre dénomination
parmi les Zoologiftes ; nous pouvons
néanmoins remarquer commet un échantillon de.
ces petits caractères fautifs faifis par lès méthodes ,
que ce même animal caraélérifé dans Briflon par.
la couleur de fa queue, urfus niger, caudâ unicolore,
femble l’être dans Linnée par la privation de cet
organe,. urfus caudâ abruptâ.
OURS-MARIN ( 1’ ) ; de tous les animaux du
genre des phoques, Y ours-marin paroît être celui
qui fait les' plus grands voyages ; fon tempérament
n’eft pas fournis ou s’accommode à l’influence
de tous les climats : on le trouve dans-
toutes les mers & autour des. ifles peu fréquentées
; on le rencontre en troupes nombreufes.
dans la mer de Kamtfchatka & fur les ifles inhabitées
qui font entre l’Afie ôc l’Amérique..
Ces animaux quittent ,. au mois de juin, les
cotes de Kamtfchatka^ ôc y reviennent à la. fin
d’août ou au commencement de féptemBrô, pour
y paffer l’automne ôc l’hiver. Dans, les temps du
départ ies femelles font prêtes, à mettre bas, Ôc
il paroît que lfobjet. du voyage de ces animaux
eft de. s’éloigner le plus qu’ils peuvent de. toute
terre habitée , pour faire tranquillement leurs-
petits., ôc felivrer enfuite, fans trouble , aux plai-
lirs de l’amour ; car les femelles entrent en chaleur
un mois après qu’elles, ont mis bas.
Tous.reviennent fort, maigres au mois d’août,
ÔC iL eft à préfumer qu’ils ne mangent que peu
ou point du tout, tant que durent leurs, amours ;
cette faifon desplailirs eft, en même temps, celle
des combats. Les. mâles, fe battent avec fureur
pour maintenir leur famille ôc en conferver la
propriété ; car , lorfqu’un ours-marin mâle vient,
pour enlever, à un autre fes. filles adultes ou fes
femmes, ou qu’il veut le. chaffer.de fa place, le
combat eft fanglant, & ne. fe. termine ordinairement
que par la mort de. l’un des deux.
Chaque mâle a communément, huit ou dix
femelles , ôc quelquefois quinze , ou. vingt ; il en
eft fort jaloux & les. garde avec grand foin ; il fe
tient ordinairement, à la tête de toute fa famille,
qui eft compofée de fes. femelles. ôc de leurs
petits, des. deux fexes ; chaque, famille fe tient
iéparée , & , quoique ces animaux foient par milliers
, dans, de certains endroits, les familles ne
fe mêlent jamais , & chacune forme une petite,
troupe, à la tête de laquelle.eft le.chef mâle qui
la régit en maître.; cependant il. arrive, quelquefois,
que le chef d’une, autre famille, arrive, au.
combat, pour protéger un de ceux qui font : aux
prifes , alors la guerre devient plus, générale, ôc
le. vainqueur s’empare de toute la famille, des
vaincus, qu’il réunit à la fienne.
Ces ours-marins ne craignent aucun des. autres
animaux de la mer ; cependant, ils paroiffent fléchir
devant le lion-marin; ils. l’évitent avec foin
& ne s’en approchent jamais, quoique fouvent.
établis fur le même terrein ; mais ils. font , une
guerre cruelle à la faricovienne : ces.animaux,,qui
paroiffent trèsrféroces par les combats. qu’ils fe
livrent, ne font cependant, ni dangereux ni redoutables
; ils ne cherchent pas même à. fe. défendre
contre l’homme ,~Ôc ils.ne. font. à craindre,
que lorfqu’on les réduit au défefpoir, ôc qu’on
les ferre de. fi près: qu’ils ne peuvent: fuir ; ils
fe. mettent a-uffi. de mauvaife.’humeur lorfqu’on
les provoque dans-le temps qu’ils jouiffent de.
leurs, femelles. ; ils fe. laiffent affommer plutôt que
de. défemparer-
Ils paroiffent aimer paflionnément leur. famille :
fi un étranger vient à bout d’en enlever un individu,
ils en témoignent leurs regrets en ver-
fant des larmes;, ils en verfent’ encore lorfque
quelqu’un de leur famille qu’ils ont maltraité,
le rapproche & vient demander grâce ; ainfi,
dans, ces animaux,. il paroît que la tendrefle fuc-
cède, à la fevérité, ôc que ce n’eft qu’à regret
Qu’ils puniffent leurs femelles ou leurs petits.
Les jeunes mâles vivent pendant quelque temps
dans le fein de lajamille, ôc la quittent lorsqu’ils
font adultes ôc affez forts pour fe mettre à
la tête de quelques femelles dont ils fe font
fuivre , ôc cette petite troupe devient bientôt
une famille plus nombreufe ; tant que la vigueur
de l’âge dure ôc qu’ils font en état de jouir de
•leurs femelles, ils les régiffent en maîtres ôc ne
les quittent pas : mais lorfque lavieilleffe a diminué
leuiÿ forces ôc amolli leurs defirs, ils les^
abandonnent 6c fe retirent pour vivre folitaires.
L’ennui ou le regret femble les rendre plus
féroces ; car ces vieux mâles retirés ne témoignent
aucune crainte , 6c ne fuient pas, comme
les autres , à l’afpeél de l ’homme ; ils grondent
en montrant les dents, ôc fe jettent même avec
audace contre celui qui les attaque , fans jamais
reculer ni fuir ,; enforte qu’ils fe laiffent tuer plutôt
que de prendre le parti de la retraite.. Les fe- j
melles, plus timides que les mâles , ont un fi !
grand attachement pour leurs petits que, meme
dans les plus preffans dangers, elles ne les abandonnent
qu’après avoir employé tout ce qu’elles
ront de force ôc de courage pour les en garantir
ôc les conferyer , ôc fouvent, quoique bieffees ,
elles les emportent dans leur .gueule pour les
fauver.
Les ours- marins ont plufieurs cris differens,
tous relatifs aux circonftances ou aux pallions
qui les agitent ; lorfqu’ils font tranquilles fur la
terre, on diftingue aifément les femelles ôc les
jeunes d’avec les vieux mâles, par le fon de
leur voix , dont le mélange reffemble de loin
aux bêlemens d’un troupeau compofé de moutons
ôc de veaux ; quand -ils fouffrent ou qu ils font
ennuiés, ils beuglent ou mugiffent, ôc, lorfquils
ont été battus ou vaincus , ils gémiffent de douleur
; dans les combats ils rugiflent ôc fremiffent
comme le lion , ôc après la viéloire ils font un
petit cri aigu qu’ils réitèrent plufieurs fois de
fuite.
Ils ont tous les fens., ôc fur-tout l’odorat,
très-bons ; car ils font avertis par ce fens, même
pendant le fommeil , ôc ils s’éveillent lorfquon
s’avance vers eux, quoiqu’on en foit. encore
loin. - •
Ils ne marchent pas aufll lentement que la
conformation de leurs pieds fembleroit l’indiquer ;
il faut même être bon coureur pour les atteindre
; ils nagent avec beaucoup de célérité, ôc
au point de parcourir en une heure une etendue
de plus d’un mille d’Allemagne : lorfquils fe
déleélent ou qu’ils s’amufent près du rivage, ils
font dans l’eau différentes évolutions ; tantôt ils
nagent fur le dos ôc tantôt lur le ventre ; ils
paroiffent même affez fouvent fe tenir dans une
fituation prefque-verticale ; ils fe roulent , ils fe
plongent ôc s’élancent quelquefois hors de l’eau
à la hauteur de quelques «fûeds ; dans la pleine
met ils fe tiennent prefque toujours fur le dos,
fans néanmoins élever leurs pieds de devant,
mais feulement ceux de derrière, qu’ils portent
de temps-en-temps au-deffus de l’eau ; ils prennent
au fond de la mer les crabes ôc autres cru!—
tacés. ôc coquillages dont ils fe nourriffent lorfque
le poiffon leur manque.. . .
Les femelles mettent bas au mots de juin dans
les plages de l’hémifphère boréal ; ôc comme
elles entrent en chaleur au mois de juillet fuivant,
on peut en conclure que le temps de la geftation
eft au moins de dix mois ; leurs portées font
ordinairement d’un feul ÔC très-rarement de deux
petits : les mâles en naiffant font plus gros ÔC
plus noirs que les femelles qui deviennent bleuâtres
avec l’âge, ôc tachetées ou tigrees entre les
jambes de devant: tous, males Ôc femelles, naïf»
fent les y eu^ ouverts , ôc ont déjà trente-deux
dents; mais les dents canines ou défenfes ne
paroiffent que quatre jours après; les mères allaitent
leurs petits jufqu’à leur ^retour lur ^les
grandes terres, c’eft-à-dire , j ufqu a la nn d août ;
ces petits déjà forts, jouent fouvent enfemble,
ôc lorfqu’ils viennent à fe battre, celui qui eft
vainqueur eft careffé par le £ère , ôc le vaincu,
eft protégé Ôc fecouru par la mere.
Ils choififfent ordinairement le déclin du jour
pqur s’accoupler ; une heure auparavant le male
ôc la femelle entrent tous deux dans la mer ; ils
y nagent doucement l’un près de l’autre , ôc reviennent
enfuite à terre ; la femelle, qui, pour 1 ordinaire,
fort de l’eau la première» fe renverle lur
le dos, ôc le mâle la couvre dans cette fituation
: il paroît très-ardent ÔC très-aâif ; il preüe
fi fort fa femelle par fon poids ôc par fes mou-
vemens » qu’il l’enfonce fouvent dans le fable,
au point qu’il n’y a que la tete ôc les pieds qui
paroiffent ; pendant ce temps , qui eft allez
-long, le mâle eft fi occupé qu’on peut en approcher
fans crainte, Ôc même le toucher avec
la main. n ~ .
U ours marin n’a avec l’ours terreftre de rellem-
blance que dans le fquelette de la tête ôc dans la ^
forme de la partie antérieure du corps, qui eft
épaifl ôc charnue. La tête, dans fon état naturel, eft
revêtue d’un panicule graiffeux d’un pouce d epail-
feur, ce qui la fait paroître beaucoup plus ronde
que celle de l’ours de terre ; mais après l’avoir
dépouillée de fa graiffe , le fquelette de cette tete
■ te Y ours marin eft très-reffemblant a celui de 1 ours
de terre. . -
Du refte, la forme de ces deux animaux elt
très-différente ; le corps de Y ours marin eft fort
mince dans fa partie poftérieure, ôc devient prefque
de figure conique depuis les reins j ufqu auprès, de
la queue, qui n’a que deux pouces de longueur.
Ses oreilles ont un pouce fept lignes ; elles font
pointues , coniques , droites., liffes ôc fans poil 3
l’extérieur : elles ne font ouvertes que par une fente
longitudinale , que l’animal peut refferrer ôc ier-
D d îj