
les chiens plus que les hommes , 6c lorfqu’il fent
ou qu’il entend-un chien, il part de plus loin :
quoiqu’il courre plus vite que les chiens, comme
il ne fait pas une route droite, qu’il tourne ôc
retourne autour de l’endroit où il a été lancé ,
les lévriers, qui le chalTent à la vue plutôt qu’à
l’odorat , lui coupent le chemin, le faififfent &
Je tuent.
Il fe tient volontiers en été dans les champs,
en automne dans les vignes , en hiver dans les
Bluffons Ôc dans les bois ; & l’on peut, en tout
temps , fans le tirer , le forcer à la courfe avec
ries chiens courans ; on peut auffi le faire prendre
par des oifeaux de proie. Les ducs, les bufes ,
les aigles , les renards, les loups, les hommes
•lui font également la guerre ; il a tant d’ennemis,
qu’il ne leur échappe que par hafard, & il eft
bien rare qu’ils le laiffent jouir du petit nombre
de jours que la nature lui a comptés.
Tous les temps ne font pas également propres
pour la chaffe du lièvre. Les vents de nord, de
fud ôc de fud-eft, & les trop grands vents , quels
qu’ils foient, les temps furcKargés de gros nuages
froids, les grandes pluies , les dégels,. les jours
trop chauds, & ceux où il tombe de la grêle,
empêchent les chiens de bien chaffer.; les vents-
ri’eft ôc de fud-oueft , les temps frais ôc doux,
les terroirs plus humides que fecs , les lieux fourres
où le lièvre touche de fon corps , font au contraire
avantageux aux chiens , ôc la chaffe eft tout-
a-fait belle, quand la terre eft fraîche , l’air doux,
fk qu’il ne fait ni vent, ni pouffière ni foleiL
Il eft d’un très-grand avantage à un chaffeur
rie connoître fi le lièvre qu’il quête eft mâle ou
femelle , s’il eft du pays ou étranger ; de bois ou
rie plaine ;Ie chaffeur doit auffi apprendre à recon-
noître fon lièvre dans le cours delà chaffe. Toutes
ces connoiffances font effentielles pour empêcher
•le defaut ou redreffer la voie , pour faire garder
le change ( Voyeç le mot Change ) aux chiens ,
pour fe précautionner contre les, rufes de l’ani-
■ mal'; en un mot pour chaffer avec fuccès.
On diftingue le lièvre mâle de la femelle par
fon repaire- ou fes crottes , qui font petites , feches
& pointues en forme d’aiguillon; au lieu que celle
de la hafe ou femelle font rondes , beaucoup plus
groffes, moins feches Ôc bien moulées. Le bouquin
( mâle adulte ou vieux ) a auffi plus de
jambe & de talon que la hafe ; il a le pied
beaucoup plus court, plus ferré & plus pointu. En
marchant d’affurance, il appuie plus de la pince
que du talon. Ses ongles font gros, courts ÔC ufés-, ;
mais toujours extrêmement ferrés ôc enfoncés.
La hafe , au contraire, a le talon étroit,le pied
-ong » garni de poil , & appuie plus du talon !
que de la pince-, fes ongles menus ôc pointus
■ s ecartent les uns des autres & entrent peu dans
la terre.
On connoit encore le mâle par fes rufes dans
les chemins 6c aux croifières des fentiers ; il
cherche prefque toujours les grands pays 6c les
lieux découverts. A la fortie du gîte, Ôc mieux
encore au gîte , on remarque qu’il aies épaules
rouges avec quelques poils longs , la tête courte,
la barbe longue, les oreilles courtes, larges ôc
parfemées de blanc , la queue longue 6c fort
blanche ; il attend les chiens de près , parce qu’il
fe fent alerte 6c vigoureux ; quand il part du
gîte , s’il lève une oreille 6c couche l’autre , fans
fuir de vîteffe , retrouffant la queue fur l’échine,
c’eft figne d’un fort ÔC rufé lièvre.
La haze a la tête longue ôc étroite, le poil de
deffus le dos d’un gris brun , la queue étroite ôc
moins blanche que le mâle; dans fon gîte, elle
s’amufe à couper tout ce qui l’environne ; elle
paffe ôc repaflV par les mêmes endroits, ôc fe
fait ordinairement prendre tout près de fon gîte,
a moins qu’elle ne foit lancée près de fes levrauts,
ce qui peut occafionner une fuite»
On connoît qu’un lièvre eft du pays, lorfqu’rl
ne fait que battre fon canton , ÔC ne s’en éloigne
pas ; au lieu qu’un lièvre étranger, dès qu’il eft
lancé, perce droit en avant, comme nous l’avons
dit, ôc s’en retourne, d’où il étoit venu t c’eft
donc en avant qu’il le faut rechercher. Il y a
néanmoins de ces lièvres étrangers qui fe gîtent
quelquefois au bois , ôc qui fe. font relancer
deux ou trois fois fans vouloir quitter le fort;
comme il y a auffi des bouquins qui, quoi qu’originaires
du canton, percent droit en avant, s’ils
font vivement pourfuivis, ôc tiennent le pays
qu’ils auront découvert en allant faire l’amour.
Les lièvres ladres font toutes leurs rufes dans
les eaux, à la queue des étangs où ils gîtent ordinairement.
Ils fe fauvent en fe relaiffant dans le
milieu des rivières ou des étangs, en paffant ôc
repaffant plufieurs fois une même eau, 'Ôc y demeurant
à la fin dans quelque touffe de -joncs
ou dans la tête de quelque vieil aulne ou faule
creux.
l^e lièvre de bois ne perce jamais en avant ,
mais il revient toujours au bois où il a été lancé ,
ôc s’y kiflè prendre , excepté dans les temps
pluvieux, car alors il ne s’y fait pas battre ; il
en longe feulement les chemins , ôc s’il feint d’y
entrer, e’eft pour en fortir fur le-champ.
Le lièvre de plaine, au contraire, tient peu
le bois , ôc. lorfqu’il y entre , il ne fait que le
triaverfer ôc en fort auffi-tôt.
On connoît qu’un lièvre commence à le rendre,
par fes allures qui font courtes ÔC déréglées ; il
n’appuie alors que du talon,; le pied lui élargit
alors extraordinairement ; les deux doigts du pied
de devant fe tournent en dehors l’un fur l’autre
en forme de croiffant ; il a les oreilles baffes ôc
fort écartées ; il eft efflanqué ,. ôc il porte ,
comme on dit, la hotte ; il raccourcit fes randonnées
; il n’a plus la force de fauter: il donne
dans les jambes des chevaux des. chaffeurs. fans
avoir peur ; il ne s’éloigne pas plus vite à l’approché
des chiens , ôc ne s’étonne plus du bruit.
A tout cela , l’on reconnoît qu’il eft aux abois,
ôc ne peut plus échapper, vu la vigueur que gardent
encore les chiens.
On peut' chaffer le lièvre trois fois la femaine ,
pour peu que le temps foit pafî’able ; fi ce n’eft dans
les mois de janvier Ôc de février , où l’on ne peut
guère faire cette chaffe que deux fois , parce que
les lièvres font alors- extrêmement vigoureux.
Le lièvre s’appelle en latin Upus, Ôc ce nom
lui a été confervé par le plus grand nombre des
Zoologiftes ; mais chez les- Auteurs de méthodes ,
où un être n’eft jamais ce qu’il eft en lui-même,
mais doit toujours fe claffer fuivant une raifon
abftraite ôc hypothétique , ce n’eft pas àffez que
le lièvre foit le lièvre , lepus ; ce fera lepus
caudâ abruptâ pupillis atris , Linnée ; Ôc cela ,
parce qu’il y aura d’autres lièvres , comme le
Lapin > qui pourtant n’eft pas un lièvre. J’aime
mieux la phrafe de Klein qui du moins offre
une idée riante : lepus vulgaris cinereus , cujus
venatio animum exhilarat. .
• L iè v r E^s a u t e u r ; c’eft ainfi qu’on appelle ,
au cap de Bonne-Efpérance, la grande gerboife.
■ Voye^ G e r b o i s e , (g ra n d e )
Limier , f. m. ; outre ce que l’on peut voir
.touchant l’efpèce dû chien limier, à l’article du chien,
nous devons dire ici que le limier eft , pour ainfi
riire , -le meilleur ami Ôc le premier confident du
veneur ; c’eft le limier qui va avec lui découvrir ,
détourner la bête en grand filence, ôcqui, lorfque
le moment eft venu, doit la lancer.
Auffi, emploie-t-on tout l’art de la vénerie
pour l’éducation du limier ; on le mène jeune avec
un autre limier plus âgé ôc déjà inftruit ; on choifit
pour cela les plus beaux jours de chaffe ôc ceux
où l’odorat maïque davantage ; on l’accoutume
: à démêler ÔC à fuivre la voie du cerf, en paffant
par-de,ffus toutes les autres , ôc en les lui laifant
quitter, lorfqu’il fe méprend ;. fur-tout, on doit
©bferver de le traiter avec douceur , parce
■ qu’il faut qu’il aime fon veneur ôc faffe tout
d’intelligence avec lui. Tels font les élémens de
cette éducation ; de plus grands details feroient
l’objet d’un traité de chaffe ? ôc paffent les bornes
d’un livre d’Hiftoire Naturelle.
LION ( le ) eft le plus fort, le plus fier, le
plus terrible de fous les animaux. 11 a la figure
impofante , le regard affuré , la démarche altière ,
la voix terrible, la taille fi bien prife Ôc fi bien
proportionnée , que fon corps paroît être le
modèle de la force jointe à l’agilité. Auffi folide
que nerveux , n’étant chargé ni de chair ni de
: graiffe, ôc ne contenant rien de furabondant, il
eft tout nerfs ôc mufcles. Cette grande force muf-
culaire fe marque au dehors par les fauts Ôc les
bonds prodigieux que le lion fait aifément, par le
.‘mouvement brufque de fa queue qui eft affez fort
pour tërraffer un homme., par la facilité avec
laquelle il' fait mouvoir la peau de fa face , ôc
fur-tout celle de fon front , ôc enfin par la faculté
qu’il a de remuer fa crinière , laquelle , non-
feulement fe hériffe , mais fe meut ôc s’agite en
tout fens , lorfqu’il eft en colère.
Cette crinière du lion eft un long poil qui couvre
toutes les parties antérieures de ion corps, ôc qui
devient toujours plus long à mefure qu’il avance
en âge. Son rugiffement eft une efpèce de grondement
d’un ton grave , mêlé d’un frémiffement
plus aigu ; il eft fi fort, que quand il fe fait entendre,
par échos, la nuit dans les déferts , il
reffemble au bruit du tonnerre ; il rugît cinq ou
fix fois par jour, ÔC plus fouvent lorfqu’il doit
tomber de la pluie.
Quand il eft en colère , il a un autre cri qui
eft court ôc réitéré fubitement ; ce cri eft encore
plus terrible que le rugiffement ; alors il fe bat
les flancs de fa queue , il en bat la terre ; il
agi.« fa crinière ; fait mouvoir la peau de fa
face , remue fes gros fourcils, montre des dents
menaçantes, ôc tire une langue armée de pointes
fi dures , qu’elle fuffit feule pour écorcher la peau
ôc entamer la chair , fans le fecours . des dents ni
des ongles, qui font, après les dents, fes .armes
les plus cruelles. Il eft beaucoup plus fort par la
tête , les mâchoires ôc les jambes de devant, que
par les parties poftérieures du corps ; il voit la
nuit comme les chats ; il ne dort pas long-temps
ôc s’éveille aifément ; mais c’eft mal-à-propos
qu’on a prétendu qu’il dormoit les yeux ouverts.
On croit que le lion n’a pas l’odorat auffi parfait
, ni les yeux auffi bons que la plûpart des
autres animaux de proie. On a remarqué que la
grande' lumière du foleil paroît l’incommoder ;
qu’il marche rarement dans le milieu du jour ;
que c’eft pendant la nuit qu’il fait toutes fes courfes ;
que quand il voit des feux allumés autour des
troupeaux, il n’en approche guère. On a obfervé
qu’il n’évente pas de loin l’odeur des autres animaux
; qu’il ne les chaffe qu’à vue ôc non pas
en les fuivant à la pifte. Lorfqu’il a faim, il attaque
de face tous les animaux qui fe préfentent ; mais
comme tous cherchent à- éviter fa rencontre , il
eft fouvent obligé de fe cacher 6c de les attendre
au paffage ; il fe tapit fur le ventre , dans un endroit
fourré , d’où il s’élance avec tant de force ,
qu’il les faifit fouvent du premier bond.
Dans lès déferts ôc les forêts , fa nourriture la
plus ordinaire font les gazelles ôc les finges, quoiqu’il
ne prenne ceux-ci que lorfqu’ils font à terre ,
car il ne grimpe pas fur les arbres; il mange
beaucoup à-la-fois, ôc fe remplit pour deux ou
trois jours ; il a les dents fi fortes qu’il, brife aifément
les os ôc les avale avec la chair. On prétend
qu’il fupporte long-temps la faim; mais il
fupporte moins patiemment la foif, ôc boit toutes
les fois qu’il peut trouver de l’eau.. ' 11 prend l’eau en lapant comme un chien ; mais
au lieu que la langue du chien fe courbe en-deffus
pour laper, celle du lion fe çourbe en-deffous,