
féparée, fuffit, comme une bouture ,pour
reproduire un nouveau polype. Cet expofé
prouve-t-il que les zoophytes végètent ?
La forme branchue n’eft pas un caractère
diftinQif des plantes •: le Ipath calcaire
que l’on a appellé fios f in i , quoique bran-
ch u , n’a rien de commun avec les végétaux.
La main de l’homme Sc celle des linges,
Sc les pieds de beaucoup d’animaux,forment
suffi des branches , fans participer de la
nature des plantes.
- Les liîophÿtes Sc les coraux ont une
écorce tendre, qui recouvre une fubftance
plus dure ; mais cette écorce n’ a aucun des
caraâères de l’écorce des arbres, & le corps
dur qui fe trouve deffous, n’eft pas ligneux:
on n’y voit pas les caraâères duboi$,quoi-
qu’ilfoit compofé de couches concentriques.
■ Cette ftruâure fe trouve auffi dans plufieurs
fortes de minéraux Sc dans les os des animaux.
Les véficules que produifent plufieurs
efpèces de corallines , ne peuvent être ■
comparées aux bourgeons , ni aux fruits ,
que par leur fituation aux extrémités, ou
le long des branches des corallines. Mais,
que contiennent ces véficules ? Sont-çe des
feuilles ou des graines ? Au .contraire, elles
; renferment un polype qui étend fes bras au
dehors , pour chercher la proie , Sc qui
les retire au dedans. M. Ellis compare ces
véficules à des ovaires ou à des matrices.
Celles qui tombent le développent avec
le temps, Sc produifent de nouvelles çoral-
lines. Par tous ces faits , les zoophytes
n’ont aucun rapport eflgnfipl avec les
plantes,
La propriété de fe reproduire, par une
petite partie détachée du corps , eft fort
extraordinaire dans les animaux ; on a cru
jufqu’à préfent que les végétaux étoient
les feuls qui pulfent fe multiplier par boutures,
Mais les connoilfanees que M. Ellis
a données fur les corallines , peuvent faire
-comprendre comment un animal fe reproduit
par une partie détachée de fon corps,
Les vélicules des corallines font des ovaires
féconds, qui deviennent des matrices occupées
par un foetus. Quoique les polypes
ÿ’eau-douce ne fçient pas çompofée.s de
toutes les parties d’une coralline, la fubftance
de leur corps peut contenir un très-
grand nombre de véficules, Sc en effet, on
y apperçoit, a l’aide du microfcope, une
très-grande quantité de petits grains.Ces véficules
pourroient devenir fucceffivement,
comme dans les corallines, des ovaires féconds
Sc des matrices occupées par des
foetus de polypes. Ces foetus peuvent fortir
de toutes les parties du corps des polypes ,
Sc même des parties détachées, Sc nous
montrer tous les phénomènes de la génération
de ces animaux.
Cette idée n’elt qu’une très-foible pré-
fomption. Je la propofe feulement pour
faire voir que la reproduction des polypes ,
par des parties détachées de leurs corps ,
ne prouve pas qu’ils tiennent de la nature
des plantes plus que de celle des animaux.
Je ne fulvrai pas cette difcuffion dans un
plus grand détail ; mais j’en ai peut - être
dit affez pour en conclure que les litc-
phytes, ni les zoophytes ne font pas des
êtres intermédiaires entre les végétaux
& les animaux , Sc que l’on n’y a démontré
jufqu’à préfent aucune liaifon, ni
aucun paffage du Règne végétal au Règne
animal.
S’il y avoit des êtres intermédiaires entre
ces deux Règnes, on en trouveroit, à plus
forte raifion., entre les différentes claffes des
végétaux Sc entre celles des animaux. Cette
recherche eft beaucoup plus sûre Sc plus
facile fur des claffes d’animaux, tels que
des quadrupèdes & des oifeaux, qui font
bien mieux connus que les zoophytes. Cependant
, y a-t-il un animal intermédiaire
entre les quadrupèdes Sc les oifeaux , qui
ait des caractères effentiels aux uns Sc aux
autres ?
On a cru trouver çet animal intermédiaire
dans la chauve-fouris, parce qu’elle
vole ■: mais ce caraCtère n’eft pas mieux
fondé relativement au vo l des oifeaux, que
. ceux que l’on a propofés pour prouver
que les zoophytes; participoient de la nature
des végétaux.'"
On fçait combien il y a de différences de
conforrostipn entre les quadrupèdes & les
oifeaux : or, la chauve-fouris ne diffère des
quadrupèdes fiffipèdes , qu’en ce que les
phalanges.des doigts fo n t , à proportion ,
beaucoup plus longues-, Sc qu’elles- foû-
tiennent une membrane qu i fie prolonge le
long des côtés du corps , jufqu’à la queue,
La chauve-fouris vole à l’aide, de cette
membrane , lorfqu’elle eft étendue; mais,,
après l’avoir repliée avec les longues phalanges
de fes doigts, elle marche comme
les quadrupèdes , le poignet des jambes de
devant lui fervant de pied.. Au refte ,. la
chauve-fouris eft conformée comme les
autres quadrupèdes, tant à l’intérieur qu’à
l ’e-xtérieur. Sa conformation n’a donc.rien
de commun avec les caraâères effentiels
à' celle- des oifeaux. Donc la chauve-fouris
eft un animal quadrupède, & non pas un
être intermédiaire entre les quadrupèdes Sc
les oifeaux. S’il fuffifoit d’avoir une membrane
propre au v o l , pour participer à la
nature des ©ifeatix, le lézard vo lan t, le,
poiffon vo lant, & un- '-grand nombre d’ef-
pèces d’infeâes, y auraient autant de part
que. la.çhauve-fouris.
Voilà donc l’ordre direâ des productions
de la Nature, interrompu entre des
claffes d’animaux , comme entre les trois
Règnes. En vain efpéreroit-on de trouver
à l’avenir de nouveaux animaux qui rem-
pliroient ces lacunes : il eft plus fouvent
arrivé qu’un animal nouvellement connu,
au lieu de lier deux claffes l’une à l’autre,
en a formé une troifième entr’elles.
Malgré ces interruptions, la Nature paffe
le plus fouvent d’une efpèce à l’autre , par
des différences fi légères, qu’elles ne forment,
que des nuances prefqu’infenfibles , qui
rendent les diftributions méthodiques fort
difficiles Sc très-fautives. Mais s’il n’y avoit
point d’interruption dans la fuite des pro- -
duâions- de la Nature, on n’auroit jamais-
eu l’idée de les diftribuer par.Règnes ,.par
claffes Sc par genres,
Confiderons la Nature fans prévention
pour aucun fyftême de continuité ou d’in--
terruption dans l’ordre de fes produûions:
nous la verrons telle qu’ëlle. eft nous-
en jugerons d’autant mieux, que nous aurons
acquis' plus de connoiffances.