
l ’arc & décochent leurs flèches avec tant de roi-
deur , que , malgré la prodigieufe épaiffeur du poil
&. la fermeté du cuir, il n’en faut louvent qu’une
pour tuer la bête : au printemps , lorfque les
neiges commencent à fe ramollir, les Lapons,
chauffés de leurs raquettes, les pourfuivent &
les atteignent; on les pouffe en d’autres rencontres
avec des chiens qui les font donner dans
les filets; ou bien l’on forme , avec des perches entrelacées
les unes dans les autres , deux rangs de
haies, qui font une allée fort longue, dans laquelle
les rennes étant une fois engagés, tombent,
en fuyant, dans une grande foffe faite exprès au
bout de l’ouvrage.
Il paroît, par d’anciens témoignages, que lè
renne & l’élan exiftoient autrefois dans les forêts
des Gaules & de la Germanie, & qu’il s’en trou-
voit même encore il y a quelques fiècles dans les
hautes montagnes des Pyrénées : le climat de la
France étant autrefois beaucoup plus humide &
plus froid par la quantité des bois & des marais,
qu’il ne l’eft aujourd’hui , il n’eft pas invrai-
femblable que ces animaux aient pu y fubfifter ;
mais il eft certain qu’ils ne fe trouvent actuellement
que dans les pays feptentrionaux : l’élan en-
deçà & le renne au-delà du cercle polaire en
Europe & en Afie ; on les retrouve en Amérique
4 de moindres latitudes, parce que kr froid
y eff plus grand qu’en Europe ; le renne n’en
craint pas la rigueur, même la plus exceffive ;
on en voit à Spitzberg , il eft commun en Groenland
& dans la Laponie la plus boréale, ainft que
dans les parties les plus feptentrionales de l’Afie;le
renne fe nomme caribou au Canada, & dans ces terres
du nouveau monde il eft , comme tous les autres
animaux j plus petit que dans l’ancien continent.
Lorfqu’on lui fait changer de climat, il meurt en
peu de temps : ainfi la Nature femble avoir confiné
cette efpèce dans la région des glaces & des
neiges.
Le renne , en vieux françois fe difoit rangier 3
comme on lit dans Gafton - Phcebus & Dufouil-
loux : fon nom latin eft tarandus ; c’eft le cervus
palmatus d’Aldrovande ; cervus mirabilis de Jonf-
ton ; cervus rangifer de Ray ; daim de Groenland
d’Edwards.
RHAPHIUS ou RHAPRUS, ffom fous lequel
on trouve le lynx ou loup cervier défigné
chez quelques anciens écrivains. On fait venir lè
mot rhaphius de l’hébreu rhaam, affamé.
RHINOCÉROS ( le ) eft, après l’éléphant,
le plus puiffant des animaux quadrupèdes ; il a
au moins douze pieds de longueur depuis l’extrémité
du mufeau jufqu’à l’origine de la queue , fix
à fept pieds de hauteur , & la circonférence du
corps à peu près égale à fa longueur. Il approche
donc de l’éléphant pour le volume & pour^ la
maffe , & s’il paroît beaucoup plus petit , c’éft
que fes jambes font bien plus courtes, à proportion
, que celles de l’éléphant ; mais il en diffère
infiniment par les facultés naturelles & par Hn*
telligence, & il n’eft guère fupérieur aux autres
animaux que par la force, la grandeur & l’arme
offenfive qu’il porte fur le nez & qui n’appartient
qu’à lui.
Cette arme eft une corne très-dure, folide dans
toute fa longueur & placée plus avantageufement
que les cornes des animaux ruminans ; elle défend
dans cet animal toutes les parties antérieures
du mufeau & préferve d’infulte le muffle , la
bouche & la face ; enforte que le tigre attaque
plus volontiers l’éléphant, dont il faifit la trompe ,
que le rhinocéros qu’il ne peut coëffer fans rifquer
d’être éventré ; car le corps & les membres font
recouverts d’une enveloppe impénétrable , & cet
animal ne craint ni la griffe du tigre , ni l’ongle du
lion, ni le fer ni le feu du chaffeur.
Il a la tête plus longue à proportion que l’éléphant
; mais il a les yeux encore plus petits, &
il ne les ouvre jamais qu’à demi : ils reffemblent
à ceux du cochon pour la forme , & font fitués
très-bas , .c’eft-à-dire , plus près de l’ouverture
des narines que dans aucun autre animal aufli
ne voit-il, pour ainfi-dire , que devant lui. Ses
oreilles font larges , minces à leur extrémité &
refferrées à leur origine par une efpèce d’anneau
ridé ï ce font le S feules parties fur lefquelles il y
ait du poil ou plutôt'des foies.
Le rhinocéros écoute avec une efpèce d’attention
fume tous les bruits qu’il entend , enforte que ,
quoiqu’endormi ou fort occupé à manger ou à fatis-
. faire d’autres befoins preffans, il s’éveille à l’inftant,
lève la tête & refte attentif jufqu’à ce que le
bruit qu’il entend ait ceffé.
La mâchoire fupérieure avance fur l’inférieure
& la lèvre du deffus a du mouvement Sc peut
s’alonger jufqu’à fix ou fept pouces de longueur ;
elle eft terminée par un appendice pointu, qui
donne à cet animal une très-grande facilité pour
cueillir l’herbe &. en faire des poignées comme
l’éléphant ; cette lèvre mufculeufe &. flexible eft
une efpèce de main ou de trompe très-incom-
plette, mais qui ne laiffe pas de faifir avec force
& de palper avec adreffe.
Au lieu de ces longues dents d’ivoire qui forment
les défenfes de l’éléphant, le rhinocéros a fa côrne
- & deux fortes dents incifives à chaque mâchoire ;
ces dents incifives font fort éloignées l’une de
l’autre dans les mâchoires ; elles font placées 'une
à-une à chaque coin ou angle des mâchoires ,
defquelles l’inférieure eft coupée carrément en
devant, & il n’y a point d’autres dents incifives
dans toute cette partie antérieure que recouvrent
les lèvres ; mais indépendamment de. ces quatre
dents incifives placées en avant aux quatre coins
des mâchoires, il a de plus vingt-quatre dents
molaires , fix de chaque côté des deux mâchoires.
Les narines font fituées fort bas , & ne font
pas à un pouce de diftance de l’ouverture de la
gueule ; ou dit qu’il a l’odorat excellent ; le cou
eft fort court ; la peau forme fur cette partie
deux gros plis ou bourrelets qui l’environnent
tout autour ; les épaules font groffes & épaiffes ;
la peati fait à leur jointure un autre pli qui defcend
fous les jambes de devant. Il y a encore un autre
pli entre le corps & la croupe qui defcend au-deffous
des jambes de derrière ; & enfin, il y en a un autre
qui environne tranfverfalement la partie inférieure
de la croupe à quelque diftance de la queue.
Les jambes font rondes , épaifles, fortes & terminées
par de larges pieds armés de trois grands
ongles ; toutes font courbées en arrière à la jointure
; cette jointure, qui eft recouverte par un
pli très-remarquable quand l’animal eft couché ,
difparpît lorfqu’il eft debout;la queue eft menue
& courte relativement au volume du corps ; elle
s’élargit un peu à fon extrémité, où elle ellgarnie
de quelques poils courts , gros & durs.
La peau eft exceffivement dure & plus épaiffe
que le cuir d’aucun animal terreftre ; elle/ eft
par-tout plus ou moins couverte d’incruftations
en forme de galles ou de tubérofités , ' qui font
affez petites fur le fonrmet du cou & du dos ,
qui , par degrés -, deviennent plus groffes en
defcçndant fur les côtés ; les plus larges de toutes
-font fur les épaules & fur la croupe ; elles font
encore affez groffes furies cuiflés & lés jambes,
& il y 'en a tout autour & tout le long des jambes
jqfqff aux pieds ; mais entre les plis la peau eft
pénétrable & meme délicate , & aufli douce au
toucher que la foie, tandis que l’extérieur du
pli eft aufïi rude que le refte.
Cette peau tendre y qui fe trouve dans l’intérieur
du pli, eft d’une légère couleur de chair, &
la peau -du ventre eft à-peu-près de même con-
fiftance & de même couleur ; le refte de la peau
eft de couleur noirâtre ; la foupleffe de la peau
.dans les plis donne à l’animal la facilité du mouvement
de la tête , du cou & des membres, tout
le corps, à l’exception des jointures, eft inflexible
& comme cuiraffé. La verge eft d’une forme
affez extraordinaire ; elle eft contenue dans un
prépuce ou fourreau comme celle du cheval , &
la première chofe qui paroît au-dehors dans le
temps de l’éreciion , eft un fécond prépuce de
couleur de chair , duquel enfuite il fort un tuyau
creux en forme d’entonnoir évafé & découpé
comme une fleur de lis , lequel tient lieu de
gland & formé l’extrémité de la verge ; ce gland y
bifarre par fa forme, eft d’une couleur de chair
plus pâle que le fécond prépuce ; la direâion* de
ce membre n’eft pas droite, mais dirigée en arrière
; aufli urine-t-il en arrière & à plein canal,
à-peu-près comme une vache. Les tefticules font
cachés en-dedans du corps vers les reins, & il y a
deux mamelons pofés au-devant de la verge.
La femelle a les parties extérieures de la génération
faites & placées comme celles de la vàche ,
& elle reffemble parfaitement au mâle pour la.
forme & la groffeur du corps ; elle ne produit
qu’un feul petit à - la - fois, &. à des diftances de
temps affez conftdérablés. Dans le premier mois r
le jeune rhinocéros n’eft guère plus gros qu’un
chien de grande taille. Il n’a point, en naiffant,
la „corne lui* le nez, quoiqu’on en voye déjà
les rudimens dans le foetus. A deux ans cette
corne n’a encore pouffé que d’un p o u c e & à
fix ans elle a neuf à dix pouces ; & comme l’on
connoît de ces cornes qui ont près de quatre
pieds de longueur, il paroît qu’elles croiffent au
moins jufqu'au moyen âge, & peut - être pendant
toute la vie de l’animal, qui doit être d’une
affez longue durée , pui'fqu’à deux ans" il n’a que
la moitié de fa hauteur, d’où l’on peut inférer
que cet animal doit vivre , comme l’homme,
loixante-dix ou quatre-vingts ans.
Il y a des rhinocéros qui n’ont qu’une corne
fur le nez, & d’autres qui en ont deux, nous
verrons ci-après que cette ' variété tient au climat.
11 paroît que les rhinocéros qui n’ont qu’une
corne l’ont plus grande & plus longue que ceux
qui en ont deux ; il y a des cornes fimples de
trois pieds - & demi, & peut - être de plus de
quatre pieds de longueur, fur fix & fept pouces
de diamètre a la bafe ; il y a aufli des. cornés
doubles qui ont jufqu’à deux pieds de longueur t
communément ces cornes font brunes ou de couleur
olivâtre ; cependant il s’en trouve de grifes,,
& même quelques-unes de blanches ; elles n’ont
qu’une légère concavité en forme de taffe fous
Jeur bafe ,. par laquelle elles font attachées à la.
peau du nez : tout le refte de la corne eft folide
& plus dur que la corne ordinaire; c’eft avec
cette corne, dit-on, que le rhinocéros attaque &c
bleffe quelquefois mortellement les éléphans de
la plus haute taille, dont les jambes élevées permettent
au rhinocéros, qui les a bien plus courtes
de leur porter des coups de boutoir & de corne
fous le ventre, où la peau eft la plus fenfible &
la plus pénétrable ; mais aufli lorfqu’il manque
fon premier coup , l’éléphant le terraffe ôc le
tue.L
e rhinocérosy fans être ni féroce ni carnaf-
fier, ni même extrêmement farouche , eft cependant
intraitable. On eft néanmoins parvenu, dit-
on, à le rendre domeftique ou du moins docile
en Abyflinie , & on l’y fait fervir à porter des fardeaux.
Il eft à-peu-près en grand ce que le cochon,
eft en petit, brufque & brut , fans intelligence
fans fentiment & fans docilité ; il eft même fujet
à des accès defureur que rien ne peut calmer ;iî?
eft aufli ,. comme le cochon, très-enclin à fe
vautrer dans la boue & à fe rouler dans la fange;,
il aime les lieux humides & marécageux& il
ne quitte guère le bord des rivières.
Ces animaux ne fe raffemblent pas en troupes;
ni ne marchent en nombre comme les éléphans ;.
ils font plus folitaites , plus fauvages-, & peut-
être plus difficiles à -chaffér & à vaincre ;: ils n’attaquent
pas les hommes.;, à moins qu’ils ne foient