
C’eft parce que la queue eft fort importante
pour le v o l , que les oifeaux qui
s’élèvent très-haut, qui fe foutiennent en
l’air long - temps ont la queue longue,
ample & pleine, tandis que dans les autres
oifeaux elle a de moindres dimenfions ,
& que fouvent elle eft échancree ; cependant
quelques oifeaux qui volent très-haut
& long-temps, comme le héron, la grue,
ont la queue fort courte; mais, comme je
l ’ai déjà dit, oh les grandes couvertures
des ailes, oh la faillie aile intérieure, ainfi
nommée par 'Wilhugby, font très-prolon-
gées, & accompagnant & excédant la queue
dans ces oifeaux, elles fuppléent au defaut
de fes dimenfions : il faut encore remarquer
que ces mêmes oifeaux ont les jambes
fort longues, qu’ils les portent relevées
&c étendues horifontalement en volant ,
pofition dans laquelle elles font en partie
l ’office de la queue ; mais ces fecours ne
remplacent pas entièrement les dimenfions
dont elle manque, car ces oifeaux agitent
plus violemment leurs ailes que ceux dont
la queue eft ample, ils en battent l’air plus
fou v ent, avec de plus grands efforts, &
leur vol paroît plus pénible.
Si nous récapitulons les objets contenus
dans ce paragraphe, nous trouverons que
les pennes fermes &C légères, font des inf-
trumens excellens ô£ tels qu’il les falloit
pour le vo l ; que les mufcles, tant peâo-
raux que ceux qui font places fur l’aile font,
par leur volume, par leurs attaches, par
la direction de leurs tendons, des puilfances
capables d’imprimer un mouvement rapide,
fort & foutenu aux inftrumens qu’ils mettent
en aétion; que la partie de 1 aile ,
comprife entre le corps & le p l i , la faufle
aile interne, la queue font des voiles ou
horifontales, ou inclinées à différens angles
qui amplifient la furface ; & q u i, enflees
par le v en t, élèvent ou pouffent en avant ;
que les pennes de l’aile font des rames
q u i, en frappant de haut en bas, portent
puiffamment, eh haut, & en agiffant
de-devant en arrière , portent rapidement
en avant. Le vol eft donc une action
combinée, exécutée en partie à v o ile , en
partie à rame, ôc réglé par le mouvement
de la queue. Les oifeaux qui ont les rames
excellentes, indépendans duvent, peuvent,
le forcer, voler contre fon cours , s’élever
autant qu’il leurplaît : ilsfontles fouverains
de l’a ir, & malheureufement ils en font les
tyrans , car ce font le plus ordinairement
les oifeaux de proie de haut vol. Ceux
qui n’ont reçu de la nature que des rames
inférieures en qualité, tirant plus de partie
des voiles que les premiers, fubordonn.es
à l’aâion du vent, ou ne peuvent le forcer,
ou ne le font qu’avec une extrême difficulté,
s’élèvent moins haut, & font moins libres
de1 diriger leurs courfes à leur volonté;
§. X I I I .
D u mouvement progrejpf.
Deftinés pour palier d’un lieu à un autre
en traverfant l’air, plutôt qu’à parcourir
la furface du terrein, les oifeaux marchent
moins en général qu’ils ne vo lent, & fem-
blent marcher fans grâce, parce qu’ils pa-
roilfent le faire avec difficulté : ceux dont
l’os de la cuilfe eft articulé vers le milieu
du corps, à l’extrémité de la ligne tranf-
verfale, par la q u é e paffe le centre de
gravité, marchent le corps un peu relevé
de l’avant : la plupart des petits, dans cette
claffe, plient à la fois & allongent enfemble
les deux jambes ; ils ne vont que par fauts
&c par élans ; mais les grands oifeaux, en
qui la cuilfe eft articulée de même, ont
la marche plus pofée ; ils avancent alternativement
un pied l’un devant l’autre :
lorfque ces oifeaux font effrayés, ils courent
fort v ite ; & fi le danger ne leur
paroît pas très-grand, ils fe confient à
leurs pieds pour s’y dérober par la fuite,
fans prendre feur vol : les petits oifeaux->
qui n’ont pas le même avantage ne fuyent
qu’en vo lant, & prennent leur vol au
moindre danger qui les menace.
Lés oifeaux dont la cuilfe. eft articulée
plus en arrière que dans les précédens,
& par de là le centre de gravité, comme
les canards, ont communément les jambes
fort courtes ; ils portent en marchant leur
corps horifontal ; ils avancent un pied l’un
après l’autre , d’un mouvement lent Sc
combiné d’une progreffion en avant Si
d’une déclinaifon vers le milieu du corps ;
ce double mouvement eft caufe que ces,
oifeaux tournoyent en marchant, qu’ils
avancent peu même en fe hâtant, Si que
leur allure a quelque chofe de gêné Se
pour ainfi dire de ridicule aux yeux du
fpefrateur ; enfin les oifeaux dont la cuiffe
eft articulée à l’extrémité du corps Si fort
en arrière du centre de gravité, comme
Le grebe, le pingoin, le manchot, ont auffi
les pieds fort courts ; ils marchent le corps
relevé Si tout droit ; leur allure eft également
combinée de deux mouvemens,
comme celle des oifeaux précédens , Si
elle a les mêmes défauts ; mais les oifeaux
dont l’articulation de la cuiffe eft en arrière
par-delà le centre de gravité , font
généralement d’excellens nageurs ; la
terre eft l’élement qu’ils habitent le
moins. , tandis que l’eau eft celui dans
lequel ils paffent la plus grande partie
de leur vie , s’y meuvent librement, Si
s’y jouent de toute manière : leur pieds,
taillés Si placés de façon à former des
rames excellentes, ne font que de médiocres
inftrumens pour marcher, Sc qui
fuffifent cependant au befoin qu’ils en ont :
ceux en qui la cuiffe n’eft articulée que
peu par-delà le centre de gravité, étendent
les pieds de côté en nageant, & ceux qui
les ont placés tout à fait à l ’extrémité du
corps, les étendent tout droit en arrière ;
les uns & les'autres plongent communément
, de même qu’ils nagent ; les derniers
cependant font & meilleurs nageurs
& fur-tout plus excellens plongeurs ; dans
cette action, le poids de leurs corps , trop
lé g e r , ’ garni d’une couche de duvet, &
d’une de plumes trop épaiffes , ne fuffiroit
pas pour les faire enfoncer dans l’eau; ils
y plongent leur tête & leur col perpendiculairement
pour que leur poids faffe faire
à tout le corps un mouvement de bafcule,
& qu’il offre à l’eau moins de furface ; en
même temps ils s’enfoncent pftr l’effort
qu’ils font yen appuyant leurs pieds palmés
ou femi-palmés-, contre les couches d’eau
qui font au - deflus, en forte que leurs
premiers efforts doivent être les plus confi-
dérables., puifque plus ils ont pénétré
avant, plus les couches contre lefquelles ils
peuvent appuyer, font épaiffes & offrent de
reliftante ; mais dans le mouvement de baf-
cule, qui eft le premier qu’ils font, leurs
pieds , ramenés d’une profondeur afî'ez
grande vers la furface, & décrivant une partie
de cercle, pouffent une maffe d’eau con-
fidérable; ainfi ce premier effort même leur
eft très-avantageux, fans beaucoup leur coû-
En Unifiant ce paragraphe, j ’obfèrverai
que les oifeaux d’eau font les feuls animaux
qui fe meuvent avec aifance dans l ’a ir,
dans 1 eau & cjuelcjues- uns fur la terre ,
qui paffent fans peine d’un de ces trois éle-
mens à l ’autre, & peuvent l’habiter un
temps affez long fans courir aucun rifque ;
tandis quelle pafîàge d’un élément à un
autre entraîne, pour les autres animaux &c
pour l’homme même , un danger plus ou
moins grand.
§. X I V.
Des facultés & des^ habitudes ou moeurs.
Si nous nous rappelions la forme extérieure
des oifeaux, leur méchanifme interne,
la légéreté de leurs«parties folides,
-de celles qui ont le plus de poids dans les
autres animaux * Jels que font les os la
manière dont les allés font conformées,
la force & la variété des puilfances oui
les mettent en a âion , la ftruaure & les
ufages des pennes qui y font attachées, la
dilpofition des differentes fortes de plumes
qiu en fécondent l’afrion dans beaucoup
d oifeaux ; enfin ce qui a été dit relativement
aux pennes de la queue, il fera
facile de comprendre qu’un v o l facile,
rapide, ^capable d’être long-temps foutenu,
devoiretre la fuite néceffaire du mécha-
mime que nous avons obfervé, ,& l ’on
fentira comment il eft dans les oifeaux la
première de leurs facultés.'
, De même, en fe rappellant ce qui a
ete dit fur iés organes de la refpiration,
iur 1 expanlion des poumons dans lç ventre
fur le pacage de Pair dans les os & dans
les plumes, & fur fa fortie, fans refluer
par la trachée; fur la longueur, la forme
de ce dernier organe, fur fes renflemens
qui forment ou remplacent le larynx, osi