
qu’elle fe foutient, dans ces mêmes lieux
pendant la nuit, de feize à dix-huit, elle
n’eft dans les bois que de dix & au deffous.
C ’elt par cette raifon que les voyageurs,
qui les traverfent, font obligés d’allumer des
feux pendant la nuit pour fe garantir du
froid, même fous la zone torride. Pendant
les 11 heures de nuit, les oifeaux n’éprouvent
donc qu’une chaleur de dix degrés,
même au-deffoits, 8c la même que celle qu’ils
trouvent daùs leurs retraites pendant le jour;
ils palfent donc leur vie dans une température
vraiement égale, 8c quoique fous la
zône torride, ils ne s’y reffentent pas de
fes ardeurs : ceux qui vivent fous les zones
tempérées ou froides, durant les nuits d’hiv
er , éprouvent un froid beaucoup plus
grand; mais pendant l’été les nuits con-
fêrvent une chaleur plus forte; comme
elle eft en raifon de la longueur des jours,
elle e ft , pendant les nuits d’été, proportionnée
au froid des nuits de l’hiver : fi l’on
a donc égard à cette compenfation, il me
femble qu’on trouvera que l’excédent du
fr o id , pendant les nuits d’h ive r, étant balancé
par l’excédent de la chaleur pendant
les n'uits'd’été, pour les oifeaux des zones
tempérées 6c froides, la maffe de chaleur
qu’ils éprouvent pendant toute leur vie ,
hors de leur retraite, fe rapproche de la
température de dix degrés, 6c qu’ainfi ils
fupportent au fond le même degré de chaleur
pendant leur exiftence entière, que les oifeaux
de même efpèce, 6c qui vivent de la
même manière fous la zone torride. Cette
égalité de température qu’ils éprouvent par
leur façon de vivre dans les différens lieux
qu’ils habitent, m’a paru une raifon pro-
bablè dq leurs rapports , de leur reflem-
blance , de l ’identité de plufieurs~.efpèces
dans tous les climats. Si l ’égalité, dans la
température que je fuppofe, n’avoit pas
lieu , les efpèces paflees d’une contrée à i
une autre, feraient affeâées par le climat;
elles feraient altérées en quelque chofe,
au moins dans les nuances de leur plumage,
ôc elles ne fe reffembleroient pas fi parfaitement;
il n’y a que cette égalité dans
la température, ou qui puiffe les conferver
telles qu’elles étoient avant d’ayoir paffé
d’un climat à un autre, ou être eaufe que
la nature les produife également dans tous
les pays, parce qu’elle les y fait naître dans
les mêmes circonftances , c’efl parce que
les chaleurs font plus fortes, fous la zône
torride, dans l’ancien que dans le nouveau
.continent, 6c que les terres font plus
découvertes, que les oifeaux de nuit ont
en général, fous cette zône, des couleurs
plus foncées, quoique les mêmes que fous
la zône torride dans le nouveau monde,
6c fous les zones tempérées ou froides. Le
ledfeür appréciera cette opinion que je ne
lui préfente que comme un fentiment qui m’a
paru fondé.
S- 11U
Des oifeaux diurnes & fédentaîres qui fe trouvent
fous les zones tempérées, à de très-
grandes diftances dans (ancien & le nouveau
continent.
Plufieurs efpèces d’oifeaux diurnes qui
paffent toute l’année dans nos climats , 6c
auxquels je donne, par cette raifon, le nom
de fedentaires, fe trouvent dans différentes
parties du monde fituées à-peu-près fous
le même parallèle , quoiqu’il paroiffe qu’on
ne rencontre pas ces mêmes efpèces dans
les régions.intermediaires. .*
Parmi plufieurs martins-pêcheurs différens
, apportés de la Chine , j’en ai remarqué
plufieurs fois un femblable- au nôtre :
je conferve un grimpereau de muraille 6c
une pie , qui ont été également apportés
de la .Chine , ôc qui reffemblent.parfaitement
aux deux oifeaux des mêmes efpèces
qui habitent en Europe. Il n’y a qu’une
différence très-légère dans le plumage entre
le gros bec 6c le friquet d’Europe , 6c les
mêmes oifeaux, apportés de la Chine par
M. Sonnerat.j Cependant les cinq efpèces
d’oifeaux que je .viens .de nommer ne fe
font pas trouvées dans les collerions faites
par les voyageurs dans les lieux intermédiaires
entre l’Europe ôc la Chine. Peut-
être croira-t-on qu’on les rencontrerait
en prenant fa route par l’intérieur des
terres , dont les produûions nous font inconnues.
Cependant, en fuivant même ce
chemin, il y aurait à travçrfer des climats
arifli différens par l’excès du froid de ceux
où les oifeaux uont je parle habitent, que
les pays que les voyageurs côtoient, en
fuivant la route par mer, font différens des
mêmes climats par l’excès de la chaleur.
C’efl une raifon aufli forte de croire qu’on
ne trouverait pas plus d’un cô té , qu’on
n’a trouvé de l’autre, les efpèces rencontrées
aux extrémités de notre globe. Il eft,
ce me femble, plus naturel de penfer que
ces oifeaux font les mêmes en France 6c
à la Chine, parce que les circonftances
dans lefquelles ils paffent leur vie , fe cor-
refpondent, comme ce ne peut être que
par la même raifon que le papillon, appellé
la tête de mort, fe trouve à la Chine 6c
en France ; qu’un herbier fait aux environs
de Pékin, ôc envoyé à feu M. Bernard
de Juflîeu, a offert à ce botanifte un
grand nombre des plantes qui croiffent aux
environs de Paris.
Le poul ou fo u c i, obfervés par Catesbi
à la Caroline , le même oifeau , envoyé
de la Louifiane, ne diffère de celui d’Europe
que parune nuance plus foncée fur la huppe
de l’oifeau d’Amérique. Mais j ’ai reçu de
la Lorraine deux variétés de cet oifeau ,
dont l’une eft en tout femblable au poul ordinaire
, 6c dont l’autre, par' la vivacité
des couleurs -de fa huppe, reffemble parfaitement
au poul Ou fouci de la Caroline
6c de la Louifiane.
Lejafeurde Bohême, cet oifeau fi remarquable
parles appendices cartilagineux d’un
rouge très-vif qui terminent plufieurs des
-plumes moyennes de fes ailes, fe trouve à
la Caroline 6c à la Louifiane, où il eft feule- '
ment un peu plus petit qu’en Europe.
Le tarin de la Nouvelle-York ne diffère
du nôtre que par des nuances moins foncées
; la pie-griêche grife , apportée de la
Louifiane, ôc comparée à la nôtre, ne m’a
rien offert de différent. Mais c’eft fur-
tout parmi les oifeaux d’eau qu’on trouve
plus d’efpèces femblables , 8c en général
plus de traits de reffemblance , avec
quelques différences légères , qui ne pa-
roiffent que des effets du climat, ôc qui
femblent ne conftituer que des variétés 6c
non des efpèces, f - -
La petite poule d’eau, le canard à longue
queue , ou coq de mer, le ehfjieau ,
le fouchet, le harle cendré , la petite far-
celle , apportés de la Louifiane , 6c placés
à côté des mêmes oifeaux tués en France ,
ne pourraient pas être reconnus fans les
étiquettes qui les diftinguent. J’ai trou v é,
dans un affez grand nombre de fouchets
apportés de la Louifiane, les mêmes variétés
qui ont lieu en Europe par rapport à cette
efpèce , dans laquelle les individus varient
beaucoup. Un canard de la même contrée
eft fi femblable, à fa taille près, qui eft
un peu plus forte , au canard fauvage
d’Europe, que les François, fixés à la Louifiane
, y ont nommé cet oifeau , le canard
françois. J’ai reçu du même pays une femelle
du garot, ce qui eft un indice certain
que le mâle s’y trouve aufli. Le miloin
6c le canard fiffleur y ont au moins leurs
repréfentans , fi deux espèces , qui ne diffèrent
que par quelques nuances du plumage
, ne font pas les mêmes.
M. Sonnerat vient de rapporter des
Jndes orientales plufieurs peaux de farcel-
le s , fi femblables en tous points au vêtement
de la grande farcelle d’Europe , qu’il
eft impoflible de n’y pas reconnoître les
dépouilles d’individus de la même efpèce.
Le cygne 8c le pélican fe trouvent au nord
de l’Amétique, ainfi qu’en Europe 8c en Afie.
Cette reffemblance , cette identité même
d’efpèces entre des oifeaux qui habitent à de
fi grandes diftances , qu’on ne rencontre
pas dans les pays intermédiaires, ne font-
elles pas les effets du rapport entre les
climats, 8c les oifeaux d’eau en général ne
fe reffemblent-ils pas plus que les autres ,
parce que les circonftances dans lefquelles
ils v iv en t, font plus égales, ont plus de
rapports ? Si c’étoit, objeâera-t-on, l’identité
des circonftances qui produisît les
mêmes efpèces à des diftances très-grandes,
elles devraient être toutes les mêmes dans
les lieux où les circonftances feroient femblables
, 6c ‘il ne devroit pas s’y en rencontrer
de différentes les unes des autres,
ce qui eft contraire à l’expérience. Il me
femble que cette objection n’eft pas mieux
F f f ij