
3 6 B U F
étant garnies en dedans d’un poil blanc en quelques
endroits, le refte étantpelé, & découvrant un cuir
parfaitement noir & liffe ; les yeux étoient fi hauts
& fi proches des cornes , que • la tête paroiffoit
n’avoir prefque point de front , les mamelons „du
pis étoient très-menus, très-courts, & feulement au
nombre de deux, ce qui les rendoit fort différens de
ceux de nos vaches ; les épaules étoient fort élevées,
faifant entre l’extrémité du cou & le commencement
du dos , une botte.....Il y a apparence que çet animal
doit être plutôt pris pour le bubale des anciens,
que le petit boeuf d’Afrique que Belon décrit ; car
Solin compare le bubale au cerf ; Oppien lui attribue
des cornes recourbées en arrière, & Pline dit qu’il
tient du veau & du cerf «.
Aurefte, nous devons ajouter que deux caractères
effentiels féparent le bubale du genre des cerfs ;
Je premier, font les cornes qui ne tombent pas ; le
fécond, c’eft la véficulè du fiel qui fe trouve dans 3e bubale, & qui, comme l’on fait, manque dans
les cerfs, les daims, les chevreuils, &c.
BUFFLE, (le) reffemble beaucoup au boeuf par
la figure & la ftature ; il eft domeftique de même ,
fert aux mêmes ufages, & fe nourrit des mêmes
ali me ns que le boeuf. Il eft néanmoins d’une efpèc-e>
différente ; car ces animaux ne produifent ni ne s’accouplent
enfemble ; leur nature paroît même antipathique
, puifque l’on affure que les vaches ne
veulent pas nourrir les petits buffles , & que les
mères buffles refufent de fe laiffer têter par des
;veaux.
Le buffle eft d’un naturel plus dur & moins traitable
que le boeuf j il obéit plus difficilement ; il eft
plus violent, plus brufque, plus capricieux ; toutes
les habitudes font groflières & brutes ; il eft, après
le cochon, le plus fale des animaux domeftiques ,
par la difficulté qu’il met à fe laiffer nétoyer &
panfer. Sa figure eft groffière & repouffante , fon
regard ftupidement farouche ; il avance ignoblement
fon cou, & porte mal fa tête , prefque toujours
penchée vers la terre. Sa voix eft un mugiffe-
ment épouvantable , d’un ton beaucoup plus fort
encore & plus grave que celui du /taureau ; il a
les membres maigres, la queue nue, & le mufeau
noir comme le poil & la peau ; il diffère principalement
du boeuf à l’extérieur par cette couleur de la
peau qu’on apperçoit aifémentfous le poil.qui n’eft
que peu fourni ; il a le corps plus gros & plus court
que le boeuf, les jambes plus hautes, la tête proportionnellement
beaucoup plus petite , les cornes
moins rondes, noires, & en partie comprimées ,
«m toupet de poil crépu fur le front ; il a aufli la
peau plus épaiffe & plus dure que le boeuf : fa chair
noire & dure , eft non feulement défagréable au
j*oût, mais répugnante à l’odorat.
Le lait de la femelle buffle n’eft pas fi bon que
•celui de la vache ; il a un petit goût mufqué j la
buffle en donne en grande quantité ; dans les pays
chaud^, prefque tous les fromages font faits de ce
jait. Ce qu’on appelle à Rome oeufs de buffle , font
B U F
de petits fromages faits du lait des buffles qui paiffenï
dans les marais Pontins. On donne à ces fromages
la forme d’oeuf : l’on dit ce manger affez délicat. H
y a une autre efpèce de ce fromage que les Italiens
appellent provatura ; il eft d’une qualité inférieure
au premier. La chair des jeunes buffles qui ne fe font
encore nourris, que de lait, n’en eft pas meilleure.
Le cuir feul vaut mieux que tout le refte de la bête,
dont il n’y a que la langue qui foit bonne à manger.'
Comme ces animaux font en général plus grands
& plus forts que les boeufs, on s’en fert utilement
au labourage ; on leur fait traîner & non pas porter
les fardeaux ; on les dirige & on les contient au
moyen d’un anneau qu’on leur paffe dans le nez :
deux buffles attelés ou plutôt enchaînés à un chariot,
tirent autant que quatre forts chevaux.
Le buffle aime beaucoup à fe vautrer & même à
féjourner dans l’eau. Il nage très-bien, & traverfe
hardiment les fleuves les plus rapides. Comme il a
les jambes plus hautes que le boeuf, il court aufli
plus légèrement fur la terre. La femelle ne fait qu’un
petit, & porte environ douze moiv.
Cet animal, originaire des climats les plus chauds
de l’Afrique & de l’Afie , ne laiffe.pas de vivre &
de produire en Italie , en France, & dans les autres
pays tempérés de l’Europe. Les marais Pontins &
les rnaremmesde Sienne font en Italie les endroits les
plus favorables aux buffles. Il paroît, au refte , que
ces animaux font plus doux & moins, brutaux dans
' leur pays natal , & que plus le climat eft chaud ,
plus ils y font d’un naturel docile & traitable ;
mais ils y ont moins de poil que dans les climats
tempérés , quoiqu’en général leur fourrure ne foit
jamais fournie.
Il y a une grande quantité de buffles fauvages
dans les contrées de l’Afrique & des Indes qui
font arrofées de rivières ô£ ou il fe trouve de
grandes prairies. Ces buffles fauvages vont en troupeaux
& font de grands dégâts dans les terres
cultivées ; mais ils n’attaquent jamais les hommes
& ne courent deffus que quand on vient de les
bleffer ; alors ils font très-dangereux, car ils vont
droit à l’ennemi, le renverfent & le tuent en le foulant
aux pieds. Ils craignent beaucoup l’afpeâ du
feu,& la couleur rouge leur déplaît. Les nègres &
les Indiens les chaffent, non en les pourfuivant,
ou les attaquant de face, mais en les attendant
grimpés fur des arbres ou cachés dansd’épai,fleur
-des' bois. Ces peuples-trouvent la chair du buffle
bonne , & tirent un grand profit des p,eaux & des
cornes, qui font plus dures que celle du boeuf
u Les buffles, dit le P. de Rhodes dans fon Histoire
du Tonquin, font , dans ce pays, extraordinairement
hauts , & relevés d’épaules ; ils font ra-
buftes & grands travailleurs, de façon qu’un feul
fuffit à tirer la charrue ».
■ « Le buffle au Malabar , fuivant le voyageur
Dellon, eft plus grand que le boeuf, avec la tête
plus longue & plus plate, les yeux plus grands &
.prefque tout blancs 3 les cornes plates ÔL fou vent de
B U F
deux pieds de long, les jambes grottes & courtes :
il eft laid , prefque fans p oil, va lentement, &.
porte des charges fort pefantes ; on en voit par
troupes comme des vaches, & ils donnent du lait
qui fert à faire du beurre & du fromage ; leur
chair, quoique moins délicate que celle du boeuf,
ne laiffe pas d’être mangeable ; cet animal nage par^
faitement bien & traverfe les plus grandes rivières ;
on en voit de privés, mais il y en a de, fauvages ,
qui font extrêmement dangereux , déchirant les
hommes ou les écrafant d’un feul coup de tête ; ils
font moins à craindre dans les bois que par - tout
ailleurs, parce que leurs cornes s’arrêtent fouvent
aux branches & donnent le temps de fuir à ceux
qui en font pourfuivis. Leur cuir fert à une, infinité
de chofes, & l’on en fait jufqu’à des cruches pour
conferver de l’eau ou des liqueurs ; ceux de la côte
du Malabar font prefque tous fauvages , & il n?eft
point défendu aux étrangers de leur donner la chatte
& d’en manger ».
« On voit paître, dans les campagnes des ifies
Philippines, dit. Gemelli Careri , une fi grande
quantité de buffles fauvages , fembiables à ceux de
la Chine , qu’un bon chaffeur pourrait, à cheval,
avec une lance , en tuer dix ôt vingt en un jour.
Les Efpagnols les tuent pour en avoir la peau,
& les Indiens pour les manger ».
Les nègres , dit Boftnan , épient les endroits où
les buffles s’affemblent- le foir' ; ils montent fur
un grand arbre , d’où ils les tirent , & n’en
defcendent que lorfqu’ils les voient morts ».
« Les buffles , fuivant Kolbe , font plus gros
au Cap de Bonne-Efpéranee qu’en Europe ; au
lieu d’être noirs comme ceux-ci, ils.font d’ùn rouge
obfcur ; fur le front fort une touffe de poil frifé
& rude : ils avancent extrêmement la tête ; leurs
cornes font fort courtes & penchent du côté du
cou ; les pointes font recourbées en dedans , & fe
joignent prefqüe ; leur peau eft fi dure & fi ferme ,
qu’il eft difficile de les tuer fans le fecours d’une
bonne arme à feu, & leur chair n’eft ni fi gratte
ni fi tendre que celle des boeufs ordinaires ».
Dans cette contrée, continue le même voyageur,
le buffle eft de la grandeur du boeuf pour le corps ;
mais il a les jambes plus courtes, la tête plus large ;
il eft fort redouté. 11 fe tient fouvent à la lifière
des bois ; & , comme il a la vue mauvaife, il y
refte la têtebaiffée pour pouvoir mieux diftinguer
les objets entre les pieds des arbres, & lorfqu’il
apperçoit à fa portée quelque chofe qui l’in-
quiéte j il s’élance deffus en pouffant des mugiffe-
mens affreux, & il eft fort difficile d’échapper à fa
fureur ; il eft moins à craindre dans la plaine : il a
le poil roùx & noir en quelques endroits ; on en
voit de nombreux troupeaux,
Le buffle a la vue très-foible ; il voit mieux la
unit que le jour, & fa vue eft tellement courte &
confufe , que fi , dans fa fureur, il pourfuit un
homme, il fuffit de fe jetter à terre pour n’en être
pas rencontré. Ces animaux ont une mémoire qui
b u F 37?
furpaie celle de beaucoup d’autres animaux. On-
leur donne à chacun un nom , & pour leur apprendre
a connoître ce nom , leurs gardiens le répètent
fouvent d’une manière qui tient du chant ,
en les careffant en même temps fous' le menton.
L habitudéd’entendre ce nom cadencé g il telle pour
le buffle , que fans cette efpèce de chant il ne fe
laide point approchèr , fur-tout la femelle pour fe
laider traire.
Le buffle efttrès-ardent en amour, il combat avec
fureur pour fa femelle ; & quand la vifloire la lui
a adurée, il cherche à en jouir à l’écart. Elle ne
met bas qu’au printemps & une feule fois l’année ;
elle a quatre mamelles, & ne produit qu’un petit ;
ou fi par hafard elle en produit deux, la; mort eft
prefque toujours la fuite de cette trop grande fécondité.
Elle produit deux années de fuite , & le re-
pofe la troiftème, pendant laquelle elle demeure
ftérile, quoiqu’elle reçoive le'mâle. Sa fécondité
commence à l’âge de quatre ans, & finit à douze.
Quand elle entre en chaleur elle appelle le mâle
par un mugiffement particulier, & auquel il ne
manque pas d’accourir. ■
Quoique le buffle naide & foit élevé en troupeau,
il cônferve cependant fa férocité naturelle ; enforte
qu’on .ne peut s’en fervir à rien tant qu’il n’eft pas
dompté. On commence par marquer, à l’âge de
quatre ans,.ces animaux avec un fer chaud, afin dé
pouvoir diftinguer les buffles d’un troupeau de ceux
d’un autre. La marque eft fuiviê dé la caftration, qui
fe fait à l’âge de quatre ans, non par eompr'effion des
tefticules, mais par incifion & amputation. Cette
operation paroît néceffaire pour diminuer l’ardeur
violente & furieufe que le buffle montre au combat.
& en meme temps le difpofer à recevoir le joug
pour les différens ufages auxquels on veut l'em-
ployer. Peu de temps après la caftration , on
lui paffe un anneau de fer dans les narines.
Mais la^ force & la férocité du buffle exigent beaucoup
d’art pour parvenir à lui paffer cet anneau.
Après l’avoir fait tomber au moyen d’une corde que
1 on entrelaffe dansfcs jambes, des hommes fe jettent
fur lui pour lui lier les quatre pieds enfemble, &
lui paffer dans les narines l’anneau de fer; ils lui
délient enfuite les pieds, & l’abandonnent à lui-
même. Le buffle furieux court de coté & d’autre ,
& en heurtant tout ce qu’il rencontre, cherche à fe
débarraffer de cet anneau ; mais avec le temps, il
s’y accoutume infenfiblement, & l’habitude autant
que la douleur, l’amènent à l’obéiffance. On le
conduit avec une corde que l’oa attache à ceran-
neau, qui tombe par la fuite , au moyen de l’effort
continuel des conduQeurs , en tirant la'corde : mais
alors l’anneau eft devenu inutile , car l’animal déjà
vieux ne fe refufe plus à fon devoir.
Le buffle, paroît encore plus propre que le taureau,
a ces chaffes dont on fait des divertiffemens
publics , fur-tout en Efpagne ; aufli les Seigneurs
qui tiennent des buffles dans leurs terres, n’y emploient
ils que ces animaux. La férocité naturelle du