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pofée , l’orbite inclinée , les yeux étincelans,
brillans pendant la nuit ; il a le hurlement au
lieu de l’aboyement, les mouvemens différens,
la démarche plus égale, plus uniforme , quoique
plus prompte & plus précipitée, le corps beaucoup
plus fort & bien moins fouple , les membres
plus fermes , les mâchoires & les dents plus
groffes, le poil plus rude &. plus fourré que le
chien ; les couleurs du poil font le noir , le
fauve, le gris & le blanc étendus & mêlés différemment
, le blanc au-deffous du corps , le fauve
au-devant des jambes & du front où il eft mêlé
avec le noir, qui fe mélange avec le gris fur le
dos.
Le loup a beaucoup de force , fur-tout dans
les parties antérieures du corps, dans les mufcles
du cou & de la mâchoire ; il porte à fa gueule
un mouton fans le laiffer toucher à terre, & court
en même-temps plus vite que les bergers ; en-
forte qu’il n’y a que les chiens qui puinent l’atteindre
& lui faire lâcher prife. Il mord cruellement
, & avec d’autant plus d’acharnement, qu’on
lui réfifte moins ; car il prend des précautions
avec les animaux qui peuvent fe défendre. 11
craint pour lui & ne fe bat que par nécefïité.
Lorfqu’on le tire, & que la balle lui caffe quelque
membre , il crie, & cependant , lorfqu’on l’achève
à coups de bâton, il ne fe plaint pas comme le
chien, il eft plus dur, moins fenftble, plus robufte,
& c’eft peut-être de tous les animaux le plus
difficile à forcer à la courfe. Quoique féroce , il
eft timide ; lorfqu’il tombe dans un piège, il
eft fi fort & fi long - temps épouvanté, qu’on
peut le tuer fans qu’il fe défende, ou le prendre
vivant fans qu’il réfifte ; on peut lui mettre un
collier, l’enchaîner, le mufeler, le conduire
enfuite partout où l’on veut, fans qu’il ofe
donner le moindre ligne de colère ou faire le
moindre mouvement pour fa défenfe.
Il a les fens très-bons , l’oeil, l’oreille , & fur-
tout l’odorat ; il fent de plus loin qu’il ne voit ;
l’odeur du carnage l’attire de plus d’une lieue ;
il fent aufti de loin les animaux vivans, il les
châtie même allez long-temps en les fuivant du
nez feul. Lorfqu’il veut fortir du bois, jamais il
ne manque de prendre le vent, il s’arrête fur
la lifière, évente de tous côtes, & reçoit ainfi
les émanations des corps morts ou vivans que
le vent lui apporte de loin ; il préfère la chair
vivante à la morte, & cependant il fe nourrit de
voieries, &. il exhale une odeur infeâe par la gueule;
Il aime la chair humaine, & peut-être, s’il
étoit le plus fort, n’en mangeroit-il pas d’autre.
On a vu des loups fuivre les armées, arriver
en nombre à des champs de bataille , dévorer
les cadavres , & ces mêmes loups accoutumés à
la chair humaine, fe jetter enfuite fur les hommes ,
dévorer des femmes, emporter des enfans, &c.
L'on a appellé ces mauvais loups3 loups-garoux,
c’eft-iwdire, loups dont il faut fe garer.
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On eft obligé d’armer quelquefois tout lin pays
pour fe défaire des loups. Les princes ont des
équipages pour cette chaffe qui n’eft point dé-
fagréable, qui eft utile &. même nécefïaire. Les
chafleurs diftinguent les loups en jeunes loups,
vieux loups , & grands vieux loups. Ils les con-
noiflent par les pieds ou voies , c’eft-à-dire , par
les traces qu’ils laiffent fur la terre. Plus le loup
eft âg éplu s il a le pied gros ; la louve l’a plus
long & plus étroit, elle a aufti. le talon plus
petit & les ongles plus minces.
On a befoin d’un bon limier pour la quête du
loup, il faut même l’animer, l’encourager lorfqu’il
tombe fur la voie ; car tous les chiens ont
de la répugnance pour le loup ÔC fe rabattent
froidement.
Quand le loup eft détourné, on amène les
lévriers qui doivent le chafler, on les partage en
deux ou trois lefles, on. n’en garde qu’une pour
le lancer, & on mène les autres en avant pour
fervir de relais. On lâche d’abord les premiers à
fa fuite, un homme à cheval les appuie : on
lâche les féconds à fept ou huit cents pas plus
loin, lorfque le loup eft prêt à palier ; & enfuite
les troifièmes, lorfque les autres chiens commencent
à le joindre & à le harceler.
Tous enfemble le réduifent bientôt aux dernières
extrémités , & le veneur l’achève en lui
donnant un coup de couteau. Les chiens , n’ont
nulle ardeur pour le fouler, & répugnent II fort
à manger de fa chair , qu’il faut la préparer &
l’affaifonner, lorfqu’on veut leur ~ên faire curée.
On peut aufti le chafler avec des chiens cou-
rans ; mais comme il perce toujours droit en
avant, & qu’il court toujours fans être rendu,
cette chafle eft ennuieufe, à moins que les chiens
courans ne foient foutenus par des lévriers qui
le faififlent, le - harcèlent, & leur donnent le
temps de l’approcher.
Dans les campagnes , on fait des battues à
force d’hommes ôc de mâtins : on tend des
pièges , on préfente des appâts, on fait des folles,
on répand des boulettes empoifonnées ; tout
cela n’empêche pas que ces animaux ne foient
toujours en même nombre , fur-tout dans les
pays où il y a beaucoup de bois. Les Anglois
prétendent en avoir purgé leur île ; cependant
on afîùre qu’il y en a encore en Ecofle.
La couleur & le poil des loups changent fuivant
les différens climats, & varient quelquefois dans.les
mêmes pays. On trouve en France & en Allemagne,
outre les loups ordinaires, quelques loups à poil
plus .épais & tirant fur le jaune. Ces loups font
plus fauvages & moins nuifibles que les autres,
n’approchent jamais des maifons, vivent de
chalfe & non de rapine.
Dans le Nord on en trouve de tout blancs &
de tout noirs ; ces derniers font plus grands &
plus forts que les autres. L’efpèce commune eft
très-généralement répandue ; on l’a trouvée en
Afie, en Afrique , en Amérique comme en Europe.
Ceux du Sénégal, femblables à ceux de
France, font un peu plus gros & plus cruels.
Ceux d’Egypte font plus petits que ceux de
Grèce.
En Orient, & fur-tout en Perfe, on fait fervir
les loups à des fpe&acles pour le peuple ; on
les exerce de jeuneffe à la danfe, ou plutôt à
une efpèce de lutte contre un grand nombre
d’hommes. Ces loups ainfi drefles fè vendent
jufqu’à cinq cents écus.
Il n’y a rien de bon dans le loup que fa peau.
On en fait des fourrures groflières qui font chaudes
& durables. Sa chair eft fi mauvaife , qu’elle répugne
à tous les animaux, & il n’y a que le
loup qui mange volontiers du loup.
Lupus eft le nom latin du loup , & les Natura-
liftes le lui ont confervê; néanmoins dans Brifi
fon & Linnée, le loup eft auffi un chien ; canis.
cauda incurva , dit ce dernier ; ( il avoit d’abord
dit relia. Syft. nat. edit. iv . ) Canis ex grijeo fla-
vefcens • lupus vulgaris. Briffon.
L o u p - c e r v i e r , eft le même animal que
d autres nomment chat-cervier, ôt tous deux font
le même que le lyn x. Voye£ L y n x .
L o u p -d o r é , nom donné au chacal. Voyeç
C h a c a l .
L o u p d u M e x iq u e ( l e ) , décrit par quelques
Naturaliftes, n’eft qu’une variété dans l’efpèce
du loup. Il a les oreilles longues & droites , &
les yeux étincelans comme nos loups, mais, il a
la tête un peu plus grofle, le cou plus épais., &
la queue moins velue, au - deflùs de la gueule il
y a quelques piquans auflï gros, mais moins
roides [que ceux du hériffon. Sur un fond de
poil gris , fon corps eft marqué de quelques taches
jaunes ; la tête de la même couleur que le corps
eft traverfée de rayes brunes, &. le front eft
taché de fauve ; les oreilles font grifes: comme
la tête & le corps, il y a une longue tache fauve
fur le cou, fur la poitrine & fur le ventre ; les
flancs font marqués de bandes tranfverfales depuis
le dos jufqu’au ventre ; la queue eft grife &
marquée d’une tache fauve dans fon milieu : les
jambes font rayées du haut en bas de gris & de
brun.
Du refte , il a la même figure , les mêmes
appétits & les mêmes habitudes que les autres
loups. On le trouve au Mexique, & plus communément
encore à la Nouvelle Efpagne. Il s’en
trouve aufli, dans le même pays, de couleur
uniforme, & même de tout blancs.
L o ups- g a r o u x , ou loups dangereux dont il
•*autf e Sarer3 font des loups qui, s’étant accoutumés
a dévorer des cadavres humains, attaquent en-
fuite les hommes. ( Voye\[ l’article L o u p .) Dans 1 acception populaire , le nom de loup - garou
eft devenu celui d’un fantôme ou épouvantail,
dont on fait peur aux enfans.
L o u p - m a r in , loup de mer.Voye^ P h o q u e .
i . vy u 1 7 J
Loup-tigré de Kolbe , au Cap de Bonne-
Efpérance , guépard. Voye£ G u é p a r d .
LOUTRE ( la ) , habite le bord des rivières
des lacs, des étangs qn’elle dépeuple de poiffon.
Elle a des membranes à tous les pieds ; auffi
nage-t-elle plus rite qu’elle ne marche ; elle ne
va point a la mer, mais elle parcourt les eaux
douces , remonte ou defcend les rivières à des
diftances conlidérables ; fouvent elle nage entre
deux eaux & y demeure allez long-temps; elle
vient enfuite à la furface afin de refpirer, car
elle ne peut toujours vivre dans l’eau, & même
elle fe noyé fi elle fe trouve prife dans une
nail’e doit elle ne puiffe fe dégager.
Elle a les dents comme la fouine, mais plus
groffes, & plus fortes , relativement au volume
de fon corps. La loutre a le corps prefque auffi
long que le blaireau, les jambes beaucoup plus
courtes.; la tête plate». la mâchoire inférieure
moins longue & plus étroite que celle du deflùs,
le cou court&gros-, la queue greffe à fon origine
& pointue à l’extrémité. Elle a le deflùs du
corps de couleur brune-, luifanre, & le defious
de couleur blanchâtre 6e luftrée ; les pieds font
d’un brun roufsâtre. *
La loutre a deux fortes de poils , un duvet court
& foyenx, & un poil plus long & plus fourni.
Faute, de poiffon, d’écreviffes, &c. elle coupe
les. rameaux tendres , & mange l’écorce des.
arbres aquatiques ; elle mange auffi l’herbe nouvelle
au printemps ; elle ne craint pas plus le
froid que. l’humidité.
Elle eft en chaleur en hiver & met bas au mois
de mars. Les jeunes loutres font encore plus
laides que les vieilles. La tête mal faite , les
oreilles placées bas , dès yeux- trop petits &
couverts, les mouvemens gauches, l’air obfcur
toute la figure ignoble , informe, un cri qui
paroît machinal & qu’elles répètent à tout moment
, fembleroient annoncer un animal ftupide ;
cependant la loutre devient indufttieufe avec
l’âge , affez même pour faire la guerre avec
grand avantage aux poiffons. Quand elle peut
entrer dans un vivier , elle y fait ce que le
'putois fait dans un poulailler ; elle tue beaucoup
plus de poiffon qu’elle ne peut en mander, &
en emporte enfuite dans fa gueule. Elle° ne fe
creufe point de domicile, mais elle fe gîte dans
le premier trou quelle trouve , fous les racines
des peupliers, dés fables , dans les fentes des
rochers , & même dans les piles dé bois à
flotter ; elle fait auffi fes petits fur un lit fait
de bûchettes & diïerbes ; elle change fouvent
de lieu , emmène ou difperfe fes petits au bout
de fix (emaines ou de deux mois.
Le poil de'la loutre ne mue guères ; fa peau
d’hiver eft cependant plus brune & fe vend plus
cher que celle d’é té, elle fait. une très -bonne
fourrure ; fa chair fe mange en maigre, & a en
effet un mauvais- goût de poiffon, ou plutôt dé