
auquel les infeâes parviendroient en un an,
le tort qu’ils feroient aux plantes ; qu’on
p û t , d’un autre côté , favoir combien les
oifeaux en détruifent tous les ans, peut-
être le réfultat feroit-il, qu’en s’oppofant
à la multiplicationtrop grande des infeâes,
ils nous rendent plus de fervices, relativement
aux végétaux, qu’ils ne nous font
de tort en ce qu’ils en détruifent eux-
mêmes ; quittes au moins avec nous à cet
égard, nous aurions encore à leur favoir
gré de garantir l’air & les eaux de l’infection
que les infeâes y répandroient en pé-
riffant, fi les oifeaux n’étoient une des
plus puiflantes barrières oppofées à leur
étonnante fécondité. Celle des poiffons
ne paroît guères plus limitée , & les
eaux ne pourraient contenir ni nourrir
ceux qui naîtraient tous les ans, fi des
ennemis, parmi lefquels il faut compter
divers oifeaux , n’en diminuoient infiniment
le nombre. Ce n’eft donc que
parce que nous voulons peupler de poif-
fons des pièces d’eau, des étangs, parce
que nous voulons les ferrer les uns contre
les autres, tandis que la nature leur livre
le cours de toutes les eaux, queles oifeaux
qui s’en nourriffent nous offenfent ; & leur
fécondité, comme celle des végétaux ,
fuffit dans l’ordre établi par la nature, à
tous les befôins qui font rarement d’accord
avec nos vues particulières ; de même
ce n’étoit pas pour être réunis, nourris
& gardés dans un efpace circonfcrit, que
les oifeaux & les quadrupèdes qui font
mis au rang du gibier, avoient été produits,
mais pour fe répandre fur la fur-
face de la terre & fe la partager. C ’eft donc
encore parce que les oifeaux de proie s’op-
pofent à nos delfins, qu’en fondant fur le
gibier, en l’enlevant, ils deviennent coupables
à notre égard ; & c’èft parce qu’ils
contrarient nos plaifirs, que nous les pour-
fuivons avec plus d’ardeur que les autres
oifeaux qui, en apparence pourtant, nous
font un tort plus réel. Mais fi le gibier
répandu également fur la terre, la peu-
p lo it, & s’y multiplioit autant qu’il le
pourrait, bientôt trop nombreux, il porterait
le trouble même dans l’ordre naturel,
en nuifant trop à la reproduéüon & à l’ao-
croiffement des végétaux ; &c les oifeaux
de proie font un des remèdes que la nature
oppofe à ce defordre. Ils n’empêchent
pas feulement que le gibier ne devienne
trop nombreux ; mais ils nous rendent encore
d’autres fervices importans , fur-tout
les oifeaux de nuit, dont on juge communément
fi mal, & que l’on profcrit fi
injuftement : ce font eux qui purgent la
terre des rats, des mulots, des taupes &c.
qui font le fond de leur nourriture, & quelques
menus gibiers dont ils nous privent,
ne devraient pas entrer en proportion du
bien qu’ils nous font. Je pourrois encore
ajouter aux fervices que les oifeaux rendent
à l’homme, celui de diminuer le
nombre des reptiles, avantage peu fenti
dans nos climats , où ils ne font ni nombreux
, ni très-malfaifans, mais précieux
dans les contréesohle foleil ardent échauffe
une terre humide , fi convenable à leur
multiplication, & oh la chaleur rend fi
dangereux leur venin qu’elle exhalte. Je
pourrois auffi dire en faveur des oifeaux,
qu’en enlevant les graines, ils en tranf-
portent d’un lieu en un autre, qu’ils les
répandent de proche en proche, & que
pour ainfi dire ils tranfplantent les végétaux
; que les oifeaux d’eau , aux plumes
defquels le frai des poiffons s’attache, ainfi
qu’au dentelures de leur bec , en paffant
d’une pièce d’eau à une autre , y tranf-
portent différentes efpèces, & que c’eft de
cette façon que, fur des lieux oh n’â jamais-
coulé aucune eau débordée, après de
longues pluies d’hiver, dans des trous oii
l’eau qui eft tombée s’eft raffemblée, on
voit naître au printemps des poiffons qui
la rempliffent, & dont le frai y a été
apporte par des oifeaux qui font venus s’y
baigner en fortant de quelques étangs peu
éloignés.
En réfumant ce que j’ai dit fur le bien
& le mal que les oifeaux nous font , fur
les fervices & les dommages que nous en
recevons, il me femble que , dans l’ordre
naturel, le sch ofe s font en équilibre, que
les oifeaux ne nous nuifent que dans ce
qui eft de convention ôc d’arrangement fo*
c ïa l, que fur cet objet même , il eft au
moins probable qu’ils nous fervent autant
qu’ils nous font de to r t, même dans les
chofes dans lefquelles ils paroiffent nous
nuire; quant aux vues de la nature fur
les oifeaux, & à la place qu’ils occupent
dans fon ouvrage, s’il eft permis de préfumer
ces deffeins, elle femble avoir def-
tiné les oifeaux à peupler les airs ; à y répandre
la vie & le mouvement que d’autres
êtres produifent dans d’autres .élémens ; à
offrir fur la terre l’image du bonheur ; à
y infpirer la gaieté qui y eût été trop inconnue
fans eux ; à faire entendre des fons
doux & agréables , où il n’y aurait eu que
des cris & des hurlemens ; à confommer
une partie des femences qui auroient été
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trop abondantes ; à réprimer la fécondité
trop grande des infeâes , des reptiles
& des poiffons ; à purger l’air de l’in-
feâion qu’ils y auroient caufé, venant
à périr après s’être trop multipliés ; à diminuer
le nombre des animaux qui fe
nourriffent de végétaux , & qui feroit devenu
trop grand , s’ils ne contribuoient à
le reftreindre ; à concourir, à étendre &C
à difperfer la femence des végétaux ; enfin
à tranfporter les différentes fortes de poiffons
enfermés dans les lacs & les étangs
fans communication. Si ces conjeâures
paroiffent fondées, elles feront juger du
rang que les oifeaux tiennent dans la
nature , & de l’emploi qu’ils y rempliffent,