
très-grand d’oifeaux également fédentaires
qui vivent fous la même zone dans le nouveau
monde. Soit que la comf>araifon que
j ’ai faite fut fondée fur l ’infpeflion des
objets recueillis par les voyageurs, foit
qu’elle le fût fur la defeription des diffé-
rens oifeaux, publiée par les auteurs , ou
fur lès portraits colores qu’ils ont fait pa-
roître, je n’ai trouvé parmi les oifeaux fédentaires
, 8c en même-temps diurnes, qui
vivent fous la zone torride, foit dans
l ’ancien, foit dans le nouveau continent,
aucun individu affez femblable pour qu’on
pût le foupconner d’être de la même ef-
pèce. Non-feulement les efpèces font très-
différentes ; mais plufieurs genres qui fe
trouvent d’un côte , ne fe rencontrent pas
de l’autre; 8c ces genres, propres â Pun
des deux con tin en so u n’ont pas même
de repréfentans dans l’autre, ou n’en ont
que de fort éloignés.
Ainfi l’autruche, le cafoar, le dronte,
le paon , la pintade , le calao , le barbican,
le fécrétaire , le rollier , le guepier, le
p iq u e -boe u f, le coliou, les veuves , 8tc.
forment des genres propres aux pays chauds
de l’ancien continent ; tandis que le touyou,
les hoeços, l’agami, les toucans, les tan-
garas, le fawaeou, le camichi, les cofin-
gas, les fourmiliers, les colibris, les oi-
feaux-mouches, à l’ exception d’une ou
deux efpèces, appartiennent aux climats
litués dans le nouveau monde fous la zone
torride. Il n’ eft pas néceffaire , pour l’exactitude
du fait que je viens d’avancer, que
les oifeaux, dans Pun & l’autre confinent,
fe bornent ftriftement à la latitude de la
zone torride 9 fans en paffer les limites 9
& pénétrer de droit 6c de gauche, plus ou
moins avant, dans les pays adjacens; il
fufiit que les oifeaux fédentaires & diurnes,
qui vivent dans les pays très-chauds de l’ancien
continent, dans ceux qui fo n t, ou
fous lazône torride ,.ou pres de cette zone ,
foiçnt très-différens des oifeaux également
fédentaires 8c diurnes, qui vivent de même
dans le nouveau monde, ou fous la zone
torride , ou fur les terres qui en font voi-
fin.es, 8c c’eft ce que l’obfervation m’a
prouyé jufqu’jl prél'ent,
Il n’en eft pas ,de même des oifeaux
nocturnes, quoiqu’ils foient suffi feden-
taires. Plufieurs de ces oifeaux fe reffenv-
blent, 6c paroiffent être de la même ef-
pèce , non-feulement fous la zone torride,
dans l’ancien 6c le nouveau continent,
mais encore fous cette zone 6c les zones
tempérées 8c glacées. Le grand duc apporté
des Indes orientales par M. Sonnerat,
celui de Sibérie , un grand duc qui m’a ete
apporté de la Louifiane, 8c qui eft le
meme que celui que Catesby avpit obferve
à la Caroline, celui de Canada, diffèrent
trop peu entr’eux 6c du nôtre, pour qu on
puiffe les regarder comme des efpèces différentes
: j’ai trouvé une reffemblance encore
plus entière entre tin moyen duc apporté
de Sibérie, un autre envoyé de
Cayenne, 8c celui qui eft commun dans
nos contrées; un petit duc tué en France,
un autre apporté de cayenne , places pres
I l ’un de l’autre dans ma colleftion, pôur-
rolent être aifément confondus, fans l’e-
tiquette qui défigne le pays qu’ils ont
habité. La hulotte, qui ne s’eft pas multipliée
dans nos contrées autant que les
oifeaux dont je viens de parler , paroît
également être moins commune dans les
pays chauds du nouveau monde; j’en ai
reçu une de Cayenne qui,.par fa taille ,
par fon plumage, fur lequel des raies
noires traverfent un fond gris-blanc, me
paroît être de la même efpèce que la notre.
M. de Buffon parle d’un chat-huant qui
m’avoit été envoyé de Saint-Domingue,
8c qu’il regarde comme une fimpje variété
de ceiui d’Europe : il n’y a de différence
entre ces deux oifeaux que dans la nuance
du plumage un peu plus foncée fur les
plumes de l’oifeau de Saint-Domingue; le
même auteur dit que l’effraie qu’on voit
en Suède, fe trouve en Amérique, depuis
les terres du nord , jufqu’à celles du midi,
que Marcgrave l’a vue 8ç reconnue au
Brefil ; elle eft très-commune à la Guiane,
d’où on l’envoie louvent ; elle y eft à la
vérité un peu plus grande, mais de même
que celle d’Europe, eft fujette à varier
par un nombre plus ou moins grand des
. mouchetures difperfées fur le Plumage du
ventre ;
ventre; les individus apportés de la Guiane
offrent la même variété.
Les exemples que je viens de rapporter
fuffifent pour prouver la reffemblance qui
exifte entre les oifeaux nofturnes des différentes
contrées, quoique ces oifeaux
foient fédentaires ; ôc il eft bien probable
que plufieurs font de la même efpèce', quoiqu’ils
habitent à de très-grandes diftances.
Seroit-ce parce que vivans également dans
les pays tempérés 8c les pays froids,
ils auroient paffé par le nord de l’ancien
au nouveau continent, fur lequel ils auroient
pénétré jufqu’aux terres qui font
au midi ? Cette opinion, quoique probable,
fouffre des difficultés. On fçait que les individus
, parmi les efpèces dont il s’a g it,
n’entreprennent pas de longs voyages ;
toutes celles que j’ai nommées, fi l ’on
excepte le petit duc, font fédentaires, on
les voit toute l’année ; 8c quand on les obferve
, on s’apperçoit que plufieurs ne
changent pas de retraite , quand elles en
ont adopté une. Ce ne font pas auffi,
répondra-t-on, de longs voyages entrepris
par les individus, qui ont fait paffer
les efpèces d’un climat à un autre; mais
elles fe font répandues de proche en proche :
comment cependant imaginer qu’étant libres
, elles fe font également portées vers
les extrémités du nord 8c les régions du
midi; tandis que d’un côté la nature eft
fans attrait, fans v ie , que toutes les cir-
conftances fe réunifient pour rendre l’èxif-
tence malheureufe, que les alimens font
rares , 8c ont dû manquer fur une terre
dégarnie d’êtres vivans, ou qui n’en nourrit
que dé trop forts, pour que les oifeaux
dont il s’agit en puiffent faire leur proie ;
que de l’autre côte, au contraire , tout appelle
8c invite, tout concourt à la fureté
8c aux commodités de la v ie , la température
, l’abondance 8c la diverfité des vivres.
Il eft donc probable que quels que foient les
lieux dont les oifeaux nocturnes tirent leur
origine, ils fe feroient plutôt portés vers
les régions tempérées, ou même vers les
pays chauds, que vers les climats du nord;
8c il eft difficile d’imaginer comment ils ont
pu fupporter les rigueurs excelîives en
Hïjloire Naturelle. Tome I.
tout genre, qu’ils ont néceffairement éprouvées
dans les régions les plus feptentrio-
nales , en paffant d’un continent à l’autre.
Mais de même que l’on trouve à de très-
grandes diftance'5 , 8c aux extrémités op-
pofées de la terre, dans les lieux qui font
fous les mêmes parallèles, ou la température
fe correfpond, des végétaux 8c des
infeâes de même efpèce, fans qu’on puiffe
foupçonner qu’ils aient été tranfportés d’un
lieu à un autre, mais parce que la nature
les produit dans des circonftances pareilles ',
ne peut-on pas penfer que les oifeaux nocturnes
fe reffemblent dans tous les climats ,
fans qu’ils aient paffé des uns aux autres,
mais parce que, par leur façon de vivre ,
ils éprouvent par-tout, 8c pendant toute
leur v ie , une température à peu-près égale,
quoique dans des régions très-differentes
à cet égard pour les animaux diurnes ? Ces
oifeaux fe retirent pendant le jour dans des
cavernes,- des antres inacceflibles à la lumière
, lieux oh la température eft toujours
à peu-près égale , 8c à peu-près la meme
dans les differentes régions, parce qu’elle
n’y eft nulle part foumife aux influences
de l’athmofphère : comme les jours 8c les
nuits ont à peu près la même durée pendant
toute l’année fous la zone torride,
8c que leur inégalité dans les régions tempérées
8c froides, diverfement répartie ,
partage cependant l’année en un jour 8c
une nuit de même durée, il s’ enfuit que
les oifeaux noCfurnes, quelque pays qu’ils
habitent, paffent la moitié de leur vie
dans la même température. Quelle eft leur
condition pendant'l’autre moitié de leur
exiftence ? Dans les pays où les nuits font
de la même durée que les jours , lorfque
les oifeaux fortent de leur retraite au coucher
du foleil, la chaleur a déjà beaucoup
diminué ; plus forte par-tout dans les lieux
découverts que dans les bois où fe répandent
les oifeaux , 8c où l’humidité, la
tranfpiration des arbres qui n’eft plus évaporée
, augmentent le réfroidiffement, elle
n’y e ft, à la Guiane par exemple , que
de feize à dix-huit degrés durant le jo u r ,
tandis qu’elle eft de vingt à vingt-deux degrés
dans les lieux découverts ; 8c tandis
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