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Les oreilles font coniques, longues feulement
de lix à fept lignes ; leur cartilage eft ferme &
roide , 8c néanmoins elles font repliées vers
l’extrémité ; la partie intérieure en eft lifte, &
la furface extérieure eft garnie de poils. Les yeux
font grands 8c proéminens : les caroncules-des
grands angles en font fort apparentes 8c d’une
couleur rouge aflez vive , enforte que les yeux
de cet animal paroiflent ardens &. échauffés :
l’iris eft verte , 8c le refte de l’oeil eft blanc varié
de petits filets fanguins ; il y a une membrane,
( membrana nifiitans ) à l’angle intérieur, laquelle
peut, au befoin , recouvrir l’oeil en entier à la
volonté de l’animal ; des fourcils compofés de
crins noirs aflez forts furmontent les yeux.
La langue eft couverte de petites fibres ten-
dineufes, 8c elle eft un peu fourchue à fon extrémité
: le palais eft canelé & fillonné tranfver-
falement par des rides aflez fenflbles. Les dents
font au nombre de trente-fix comme dans l’ours-
marin , & font difpofées de même : les incifives
fupérieures font terminées par deux pointes,
au lieu que les inférieures n’en ont qu’une ; il y
en a quatre, tant en haut qu’en bas : les dents
canines font bien plus longues que les incifives
& de formé conique , un peu crochues à leur
extrémité’ avec une canëlure au côté intérieur.
Il y a , comme dans l’ours marin, des doubles
dents canines à la mâchoire fupérieure, qui font
placées l’une auprès de l’autre , entre’ les inci-
îives & les molaires, & une canine feulement
de chaque côté à la mâchoire inférieure : mais
toutes ces dents canines, ainfi que les incifives &
les molaires, font du triple plus longues que
celles de l’ours marin ; les dents molaires font
au nombre de fix de chaque coté dans la mâ--
choire fupérieure, & au nombre de cinq feulement
de chaque côté dans la mâchoire inférieure ;
elles put à-peu-près la même figure que les .canines
, feulement elles font plus courtes ; on
remarque fur ces dents molaires une proéminence
ou tubérofité offeufe, qui p.aroît- faire partie
cpnftitüante de la dent.
Le lion murin, au lieu de pieds de devant, a
des palmes ou nageoires, qui fortent de chaque
côté de la poitrine ; elles font liftes 8ç de couleur
noirâtre, fans apparence de doigts, avec quelque
foible trace d’ongle que l’on diftingue à peine ;
cependant ces nageoires renferment cinq doigts
avec des phalanges & leurs articulations ; les
rudjmens des ongles ont la forme de tubercules
arrondis d’une fiibftance cornée, 8c fituée au fiers
,dè la longueur de la nageoire, en la mefurant depuis
l’extrémité ; la forme de la nageoire entière
eft celle d’un triangle alongé.& tronqué vers la
pointe, & elle eft abfolujnent dénuée de poil,
8ç comme creneiée fur là face intérieure.
Les nageoires poftérieures font, comme celles
de devant, couvertes d’une peau noirâtre, lifle &
fans aucun poil, mais elles font divifées a lfex-
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térieur èn cinq doigts, fort longs & applatîs,
qui font terminés par une membrane mince,
comprimée , & qui s’étend au - delà de l’extrémité
des doigts ; les petits ongles qui font au-
deflùs de ces doigts ne fervent à l’animal que
pour fe'gratter le corps.
La verge du lion marin eft à-peu-près de la
grofleur de celle du cheval, 8c la vulve , dans la
femelle, eft placée fort bas vers la queue, qui
n’a qu’environ trois pouces de longueur ; cette
courte queue eft de forme conique, 8c couverte
d’un poil femblable à celui du corps. Lorfque
l’animal eft dans une fituation alongée, la queue
fe trouve cachée entre les nageoires de derrière ,
qui, dan§ çette fituation , font très-voifmes l’une
de; l’autre.
Le lion marin diffère aufli de tous les autres
animaux de la mer , par un cara&ère qui lui a
mérité fon nom, 8c qui lui donne en effet quelque
refîemblance extérieure avec le lion terreftre ;
c’eft une crinière de poils épais, ondoyans, longs
de deux à trois pouces, & de couleur jaune
foncé, qui s’étend fur le front, les joues, le
cou 8c la poitrine j cette crinière fe hériffe lorfi*
qu’il eft fixité , 8c lui donne ' un air menaçant ;
la femelle qui a le corps plus court 8c plus
mince que le mâle, n’a pas le moindre veftige
de cette crinière, tout fon poil eft court, lifle ,
luifant, & d’une couleur jaunâtre aflez claire.
Celui du mâle, à l’excepfion de la crinière ,
eft de même luifant, poli & court, feulement il
eft d’un fauve brunâtre, & plus foncé que celui
de la femelle * il n’y a point de feutre ou petits
poils lanugineux au-défions des longs poils,
comme dans l’ours marin. Au refte, la couleur de
ces animaux varie ifiivant l’âge ; les vieux mâles*
ont le pelage fauve, & ils ont quelquefois du blanç
fur le cou 8c la tête ; les jeunes ont ordinairement
la même couleur fauve foncée des mâles adultes ,
mais il y en a qui font d’un brun prefqüe noir,
8c d’autres qui font d’un fauve pâle comme les
vieux 8c les femelles.
Les lions marins vont 8c fe tiennent en grandes
familles, moins nombreufes- cependant que celles
des ours marins, avec lefquels on les voit quelquefois
fur le même rivage. Chaque famille eft
ordinairement compofée. d’un mâle adulte, de
dix à douze femelles , 8c de quinze à vingt jeunes
des deux fexes; il y a même des mâles qui ont
un plus grand nombre de femelles ? mais il y en
a d’autres qui en ont beaucoup moins ; tous
nagent enfemble dans la mer, 8c demeurent ainfi
réunis lorfqu’ils fe repôfent fur la terre.
La préfence ou la voix de l’homme les fait fuir
& fe jetter à l’eau ; car quoiqu’ils foient bien
plus grands 8c plus forts que les ours marins ,
ils font néanmoins plus timides ; lorfqu’un homme
les attaque avec un fimple bâton , ils fe défendent
rarement, & fuient en gémiflant ; jamais ils n’attaquent
ni n’ofFgnfent, & l’on peut fe trouver
-an
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au milieu d’eux fans avoir rien à craindre ; ils
ne deviennent dangereux que quand on les blefle
grièvement du qu’on les réduit aux abois ; la
néceflité leur donne alors de la fureur, ils font
face à l’ennemi, & combattent avec d’autant plus
de courage, qu’ils font plus maltraités. Les chaf-
feurs cherchent à les- furprendre fur la terre
plutôt que dans la mer , parce qu’ils renverfent
fouvent les barques lorfqu’ils fe -fentent blefles.
Comme ces animaux font puiflans , maflifs
& très - forts , c’eft une efpèce de gloire parmi-
les Kamtfchadales que de tuer un lion marin ;
ces fauvages, excités par cette idée de gloire,
s’expofent aux plus grands périls ; ils vont chercher
ces animaux , en errant plufieurs jours de
fuite fur les flots de la mer, fans autre bouf-
fole que le foleil 8c la lune ; ordinairement ils
les aflomment à coups de perches, 8c quelquefois
ils leur lancent des flèches empoifonnées qui
les font mourir en moins de vingt-quatre heures,
ou bien ils les prennent vivans avec des cordes
dont ils leur embarraflent les pieds. Quoique
ces animaux foient d’un naturel brut 8c aflez
fauvage , il' paroît -cependant qu’à la longue ils
fe familiarifent avec l’homme.
Les mâles fe livrent fouvent entre eux des
combats longs 8c fanglans. ■ Ils fe battent pour
défendre leurs- femelles contre un rival qui vient
s’<em faifir 8c les leur enlever ; après lë combat le
vainqueur devient le chef & le maître de la
famille entière du vaincu ; ils fe battent aufli
pour conferver la place que chaque mâle occupe
toujours fur une greffe pierre qu’il a choifie
pour, domicile , ôclorfqu’un autre mâle vient pour
l’en chafler, le combat commence & ne finit que
par la fuite ou par là mort du plus foible.
Les femelles ne fe battent jamais entre elles ni
avec les mâles ; ellesSemblent être dans une dépendance
abfolue du chef de famille : elles font
ordinairement fuivies de leurs petits des deux fexes;
mais lorfque deux mâles, c’eft-à-dire deux chefs
de familles différentes font aux prifes, toutes les
femelles arrivent avec leur fuite , pour être témoins
du combat ; 8c fi le chef de quelque autre
troupe arrive de même à ce fpe&âcle , 8c prend
parti pour ou contre l’un des deux combattâns ,
fon exemple eft bientôt fuivi par plufieurs autres
chefs, 8c alors la bataille devient prefque'générale
, & ne fe termine que par une grande effu-
fion de fang, & fouvent pat la mort de plufieurs
de ces mâles, dont les familles fe réunifient au
profit des vainqueurs.
On a remarqué que les trop vieux mâles ne fe
mêlent point dans ces combats ; ils fentent apparemment
leur foiblefle , car ils ont foin de fe
tenjr éloignés , 8c de rejfter tranquilles fur leur'
pierre, fans néanmoins permettre aux autres mâles,
ni même aux femelles, d’en approcher. Dans la
mêlée la plupart des femelles oublient leurs petits
, 8c tâchent de s’éloigner du lieu de la fcène
ffijloire Naturelle. Tom. 1,
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en fuiant ; il s’en trouve cependant qui les em~
portent dans leur gueule ; & d’autres , qui ont
aflez de naturel pour ne les point abandonner,
qui fe font même aflommer fur la place en
cherchant à ■ les défendre ; mais, en général ,
ces animaux paroiflent avoir peu d’attachement
pour leur progéniture.
Au refte, ce n’eft qu’entre eux que les mâles
font féroces & cruels ^ ils maltraitent rarement
leurs petits ou leurs femelles ; ils ont pour elles
beaucoup d’attachement, 8c ils fe plaifent à leurs.
car elles , qu’ils leur rendent avec complaifance ;
mais ce qui doit paroître fingulier , c’eft que le
temps des amours eft celui où ils font moins com-,
plaifans & plus fiers ; il faut que la femelle faffe*
les premières avances. Non feulement le mâle
paroît être indifférent & dédaigneux , mais il
marque encore de la mauvaife humeur, 8c ce n’eft
qu’après qu’elle a réitéré plufieurs fois fe s prévenances
, qu’il fe laifle toucher de fenfibilité , 8c fe
rend à fes inftances. Tous deux alors fe jettent k
lamer, ils y font différentes évolutions, 8c , après
avoir nagé doucement pendant quelque temps enfemble
, la femelle revient la première à terre ,
le mâle l’y fuit, 8c l’accouplement dure huit à
dix minutes.
Ces animaux, ainfi que les ours marins, choi-
fiflent toujours les ifles défertes pour y aller faire
leurs petits, 8c s?y livrer enfuite aux plaifirs de
l’amour. Us s’accouplent dans la faifon de l’été des
différens climats où ils fe trouvent. Le temps de
la geftation eft d’environ onze mois. Les voyageurs
ne s’accordent pas fur le nombre de petits
que la femelle produit à chaque portée. Selorr
les uns , elle, n’en fait qu’un, & félon d’autres
elle en fait deux ; mais il fe- peut qu’elles ne pro-
duifent ordinairement qu’un, 8c quelquefois deux ;
il fe peut aufli qu’elles • foient moins fécondes dans
certains climats que dans d’autres. Les lions marins
mâles ne mangent rien tant que durent leurs
amours ; enforte qu’après ce temps, ils font toujours
fort maigres & très - épuifés ; ceux qu’on a ouverts dans cette faifon n’avoient dans leur efto-
mac que de petites pierres , tandis que, dans tout
autre temps, ils font très-gras , 8c que leur efto-
mac eft farci des poiflbns 8c des cruftacés qu’ils
mangent en grande quantité.
La voix des lions marins eft différente felon
l’âge 8c le fexe ; & il eft aifé de diftinguer, même
de loin , le cri des mâles adultes de celui des
jeunes 8c des. femelles. Les mâles ont un mugifîe-
ment femblable à celui du taureau ; & , lorfqu’ils
font irrités , ils marquent leur colère par un gros
ronflement : les femelles ont aufli une efpèce de
mugiflement, mais plus foible que celui du mâle ,
8c aflèz femblable au beuglement d’un jeune veau ;
la voix' des petits a beaucoup de rapport à celle
d’un agneau âgé de quelques mois.
Les lions marins marchent de la même manière
que les ours marins \ c’eft-à-dire, en fe traînant