
d'une laine fort douce ; le plus grand nombre
n’avoit qu'une efpèce de duvet tort tendre &
fort rare : la même variété de couleur qui fe voit
parmi nos chiens , fe rencootroit auffi dans ceux-là,
& plus grandes encore , parce que toutes les
couleurs s’y trouvoient, & même les plus vives ».
Si l’el'pèce des gofchjs a jamais exifté avec ces
fingularités que lui attribue le Père Charlevoix,
pourquoi les autres Auteurs, n’en font- ils-pas
mention ? Et pourquoi ces animaux qui , félon
lu i, étoient répandus , non-feulement dans fille
de Saint-Domingue, mais en plulieurs endroits
du continent , ne fubfiftent-ils plus aujourd’hui ?
ou plutôt, s’ils fubfiftent, comment ont-ils perdù
toutes ces belles fmgularités ? il eft vraifemblable que
le gofchis du Père Charlevoix , dont il dit n’avoir
trouvé le nom que dans le Père Pers , eft le
gofqués de Garcilaffo ; il fe peut auffi que le
gofqués de Saint-Domingue & l’alco du Pérou
ne foient que le même animal ; il paroît du moins
certain que cet animal eft celui de l’Amérique
qui a le plus de rapport avec le chien d’Europe.
Quelques Auteurs l’ont regardé comme un vrai
chien : Jean de Laët dit expreffèment que dans le
temps de la découverte des Indes . il y avoit a
Saint-Domingue une petite efpèce de chiens dont
on fe fervoit pour la çhafte , mais qui étoient
abfolument muets.
Nous avons d it, à l’article du chien, que ces
animaux perdent la faculté d’aboyer dans les—
pays chauds ; mais l’aboiement eft remplacé par
une efpèce de hurlement, & ils ne font jamais,
comme ces animaux trouvés.en Amérique , abfo-
lument muets. .
Les .chiens tranfportés d'Europe , ont à-peu-près
également réuffi dans les contrées les plus chaudes
&. les plus, froides de l’Amérique, au Bréfil &
au Canada , & ce font de tous les animaux ceux
que les Sauvages eftiment le plus ; cependant ils
paroiflent avoir changé de nature ; ils ont perdu
la voix dans les pays chauds , la grandeur de
la taille dans les pays froids , & ils ont pris,
prefque partout des oreilles djoites ; ils ont donc
dégénéré; ou plutôt remonté à leur efpèce primitive
qui eft celle du chien de berger, du chien
à oreilles droites , qui de tous eft celui qui aboie
le moins. On peut donc regarder les chiens comme
appartenans uniquement à l’ancien continent, où
leur nature ne s’eft développée toute entière que
dans les régions tempérées , & où elle paroît
s’être variée & perfectionnée par les foins de
\ homme, puifque dans tous les pays non policés &
dans tous les climats exceffivement chauds ou froids,
ifs font également petits, laids ôç prefque muets.
L’hyène, qui eft à-peu-près de la grandeur
du loup, eft un animal connu des anciens , &
remarquable par l’ouverture & les glandes qu’il a
fituçes comme celles du fclairçau , defquelies il
fort ua? humeur d’un? çdfur très-forte. ) il eft
auffi très-remarquable par fa longue crinière qui
s’étend le long du cou & du garrot , par fa voracité
qui lui lait déterrer les cadavres & dévorer
les chairs les plus infè&es , &c. Cette vilaine
bête ne fe trouve qu’en Arabie ou dans les autres
provinces méridionales de l’Afte ; elle n’exiftè
point en Europe, & ne s’eft pas trouvée dans
le nouveau monde.
Le chacal qui, de tous les animaux , fans même
en excepter le loup , eft celui dont l’efpèce nous
paroît approcher le plus de l’efpèce du chien , mais
qui cependant en diffère pas des caraéfères effenr
tiels , eft un animal très-commun en Arménie , en
Turquie, & qui fe trouve auffi dans plufieurs
autres provinces de l’Afrique & de l’Afie : mais
il eft abfolument étranger au nouveau continent.
Il eft remarquable par la couleur de fon poil qui
eft d’un jaune brillant ; il eft à-peu-près de la
grandeur d’un renard ; quoique l’efpèce en foit
très-nombreufe , elle ne s’eft pas étendue jufqu’en
Europe, ni même jufqu’au nord de l’Afte.
La genette , qui eft un animal bien connu des
Eipagnols , puifqu’elle habite en Efpagne , auroit
fans doute été remarquée, -I elle fe fût trouvée
en Amérique i mais comme aucun de leurs hifto-
riens ou de leurs voyageurs n’en fait mention ,
il eft clair que c’eft encore un animal particulier
à l’ancien continent dans lequel il habite les parties
méridionales de l’Europe -, & celles de l’Aile qui
font à-peu-près fous cette même latitude.
Quoiqu’on ait prétendu que la civette fe trou voit
a la Nouvelle Efpagne , nous penfons que ce n’eft
point la civette de l’Afrique & des Indes , dont
on tire le mufe que l’on mêle Ôc prépare, avec
celui que l’on tire auffi de l’animal appelle hiatn
a la Chine , & nous regardons la vraie civette
comme un animal des parties méridionales dç
l’ancien continent, qui ne s’eft pas répandu vers
le Nord, & qui n’a pu palier dans le nouveau.
Les chats étoient comme les' chiens tout-à-fait
étrangers au Nouveau Monde , ôc l’on p.eut
être affiné que l’efpèce n’y exiftoit point ;
quoiqu’on lile qu’un homme .de l’équipage de
Cnriftophe Colomb avoit trouvé & tué fur la
côte de ces nouvelles terres , un chat fauvage ;
mais il-fufHt d’être un peu exercé en Hiftoire
Naturelle, pour connoître l’abus des dénominations
mal-appliquées , empruntées ou faétiegs ; la pente
naturelle que nous avons à comparer les chofes
que nous voyons pour la première fois , à celles
qui nous font déjà connues, jointe à la difficulté
prelqu’invincible qu’il y ayoit à prononcer les
noms donnés aux chofes par -les Américains,
font deux grandes eaiifos de faufîçs applications de
poms qui. depuis ont produit dans l’hiftojrç des
animaux ? une multitude d’çrrçiyg»
• Il eft , par exemple * bien plus commode de
donner à un animal nouveau le nom de fanglier
ou de cochon-noir , que de prononcer, fon nom'
mexicain quauh-coyametl : de même il étoit plus
aifé d’en appeller un autre , renard américain , que
de lui- conlerver fon nom brafilien tamandua
guacu ,* de nommer de même mouton ou chameau
du Pérou , des animaux qui, dans cette langue,
fe nommoient pelon-ichiath oquitli : on a de même
appellé cochon-d'eau, le cabiaioo cabionata ou capy-
bara , quoique ce foit un animal très - différent
d’un cochon ; le çarigueibeju s’eft appellé loutrê, ÔCq.
Il en eft de même de prefque1 tons les autres
animaux du Nouveau Monde , dont les noms
étoient fi barbares ôc fi étrangers pour les Européens
, qu’ils cherchèrent à leur en.donner d’autres
par des reffemblances quelquefois heureufes , avec
les animaux de l’ancien continent, mais fouvent
auffi pat de fimples rapports , trop éloignés pour
fonder l’application de ces dénominations. On a
regardé comme des lièvres & des lapins , cinq
ou ftx efpèces de petits animaux qui n’ont guères
d’autre rapport avec les lièvres & les1 lapins ,
que d’avoir comme eux , la chair bonne à manger.
On a appellé vache ou élan un animal fans -cornes
ni bois , que les Américains nommoient tapireté
au Bréfil Ôc manipouris à la Guiane , que les Portugais
ont enfiiite appellé anta , ôc qui n’a d’autre
rapport avec la-vache ou l’élan , que celui de
leur reffembler un peu par la forme du corps.
Les uns ont comparé le paca ou pak , au lapin,
& les autres ont dit qu’il étoit femblable à un
pourceau de deux mois. Quelques-uns ont repardé 3e farigue comme un rat, & l’ont appellé rat de
bois ; d’autres l’ont pris pour un petit renard, &c.
On voit donc que toutes les efpèces de nos
Animaux domeftiques d’Europe &. les plus grands
animaux fauvages de l’Afrique ôc de l’Afie,
ananquoient au Nouveau Monde : il en eft de
même de plulieurs autres efpèces moins confi-
d érable s g dont nous allons faire mention le plus
fuccintement qu’il nous fera poffible.
Les gazelles dont les efpèces font nombreufes,
& dont les unes fe trouvent en Arabie ,• les
autres dans l’Inde Orientale , & les autres en'
Afrique, ont toutes à-peu-près également befoin
d’an, climat chaud pour fubfifter & fe multiplier- :
elles ne fe font donc jamais étendues-dans lés
pays du nord de l’ancien continent pour palier
dans le nouveau; auffi, ces efpèces d’Afrique
Sc d’Afie ne s’y font pas trouvées ; il paroît feulement
qu’on a tranfporté celle qu’on a appellé
gabelle d'Afrique: , & que Hernandez nomme
alga^el ex Aphricâ. L’animal de la nouvelle Èl- ■
pagne que le même Auteur appelle temamaçame ,
que Seba défigne par le nom de cerv'us , Klein,
par celui de tragulus, & M. Brillon , par celui
de gabelle de la nouvelle Efpagne , paroît auffi
différer par l ’efpèce, de toutes les gazelles de l’ancien
continent, ôc fe rapporter plutôt au chevreuil.
On feroit porté à imaginer que le chamois,'
qui fe plaît dans les neiges des Alpes, n’auroit
pas craint.les glaces du Nord , & que de-là il
auroit pu palier en Amérique : cependant il ne
s’y eft ' pas trouvé. Cèt animal femble affeéler
non-feulement un climnt, mais une fituation particulière
; il eft attaché aux fommets des hautes
montagnes des Alpes, des Pyrénées, &c. ÔC loin
de s’etre répandu dans les pays éloignés , il n’eft
jamais defeendu dans les plaines qui font au pied
dé cès montagnes. Ce n’eft pas le feul animal
qui affeéle conftammentun pays, ou plutôt une
lituation particulière : la marmotte , le bouquetin ,
l’ours, le lynx ou loup ceryier font auffi des
animaux montagnards que l’on trouve-très - rarement
dans les plaines.
Le buffle- qui eft un animal des pays chauds ;
ÔL qu’on a rendu domeftiquè en Italie , reffemble
encore moins que le boeuf au bifon d’Amérique ,
& ne s’eft pas trouvé ■ dans ce nouveau continent.
Le bouquetin fe trouve au-deffus- des plus hautes
montagnes de l’Europe & de l’A le , mais on ne
l’a jamais vu fur les Cordillères.
L’animal du mufe n’habite que quelques contrées
particulières de la Chine & de la Tartarie Orientale
; le chevrotain que l’on connoît fous le nom
de petit cerf de Guinée, paroît confiné dans certifies
provinces de l’Afrique Ôc des Indes Orientales
, &c.
Le lapin qui vient originairement d’Efpagne ôt
.qui s’eft répandu dans tous les pays tempérés de
l'Europe , n’étoit -point- en Amérique ; les animaux
de ce continent, auxquels on. a donné fon nom,
font d’efpèces différentes , & tous les vrais lapins
qui s’y voient aeluelkment , y ont été tranfporté«
d’Europe.
Les furets qui ont été apportés d’Afrique en
Europe, où ils ne peuvent fubfifter fans les foin«
de 1 homme, ne fe font point trouvés en Amérique;
il n’y a pas jufqu’à nos rats & nos fouris
qui n’y fuffent inconnus; ils y ont paffé avec nos
vaiffeanx , ôc ils ont prodîgieufement multiplié
dans tous les lieux habités de ce nouveau continent.
Pour réfumer notre énumération, voilà donc
1 éléphant, le rhinocéros , ! hippopotame , la girafe ,
le chameau , le dromadaire , le lion, le tigre la
panthère , le cheval , Y âne , le febre, le boeuf, le
buffle ; la brebis, la chèvre , le cochon, le chien,>
1 hyène ) le chacal, la genette , la civette, le chat 3