Le cas n’est probablement pas très commun, si « ancrée » que
soit la piété filiale dans le coeur des vrais Chinois.
Les couvents bouddhiques parsemés dans la plaine de
Peking y sont plus nombreux que les monastères dans les
provinces les plus catholiques de l’Italie ou de l’Espagne; ils
sont tombés en ruine, et les statues de bronze ou d’argile sont
exposées sans abri à la pluie et au soleil. La végétation folle
commence à s’emparer de ces édifices croulants, mais les
arbres sacrés, pins, marronniers d’Inde, sophora, croissent
toujours dans les parvis, les cours, et mêlent aux sculptures
leur branchage et leurs fleurs. En été, un grand nombre des
Européens en résidence à Peking quittent la ville poussiéreuse
pour aller habiter quelqu’un de ces vieux couvents, dans
une des fraîches vallées des alentours aux lieux calmes et solitaires.
De tous ces monastères, le plus vaste, le plus célèbre aux
environs de la métropole, c’est la Hoang sze ou « Couvent
Jaune », au nord de la ville : un Bouddha vivant y a fixé sa
résidence. Ce couvent n’est pas seulement grand et fameux, il
est beau. C’est, d’après G. Curzon, « une suite de grands
enclos, de cours tranquilles, de vieux arbres, d’autels à
tablettes commémoratives, de larges temples dont le principal
est vraiment d’une solennité, rare, avec ses trois puissants
Bouddhas assis,... ses statues, ses scènes bouddhiques à
fresque, sa haute toiture en bois, ses autels et ses brûle-
parfums, la majesté des colosses, les couleurs somptueuses
encore, bien qu’allant en s’effaçant, de ses parois et de ses
piliers, le clair-obscur; c’est un des temples les plus impressionnants
qu’il m’ait été donné de voir ».
A quelque distance à l’ouest, sur la route du Palais d’Été,
s’élève le temple de la « Grande Cloche », où est en effet suspendue
à une image de dragon l’une des plus grandes cloches
du monde, cône de bronze de près de 8 mètres de hauteur,
pesant 54 000 kilogrammes et portant à sa surface, en
35 000 lettres admirablement ciselées, tout un livre de la liturgie
bouddhique.
Un autre couvent bouddhique, l’un des plus importants
de la Chine, s’élève sur une colline à l’ouest de la capitale et
du Wen ho : c’est le Tsietaï sze, dominant un panorama non
moins splendide que celui des collines de la rive opposée,
également parsemées de kiosques et de couvents. Tsietaï sze
était la retraite de prédilection de l’empereur Kienloung, et
les vers qu’il y composa sont gravés dans les jardins sur des
plaques de marbre.
Peu de contrées en Chine sont plus charmantes que tout
ce gracieux pays de collines entouré par l’amphithéâtre du
Tahang ling, dont la crête, hérissée des tours de la Grande
Muraille, se déroule au nord et à l’ouest de la plaine. Des
rivières, des ruisseaux et des cols peu élevés divisent cette
région des collines en massifs distincts, tels que le Tahing
chan, immédiatement à l’ouest du Palais d’Été; le Tsingchoui
tsien, aux parois bizarrement découpées; le Pohoa chan ou la
« Montagne des Cent Fleurs », qui s’élève à plus de 2 250 mètres
au sud de la vallée du Tsingchoui, dans une région parsemée
de petits villages habités par des Chinois convertis au catholicisme.
La banlieue de la capitale est couverte de monuments de
marbre, qui pour la plupart sont des tombeaux de famille,
ombragés par des massifs de pins et de genévriers : presque
tous ont la forme de gigantesques tortues portant sur leur
carapace une tablette revêtue d’inscriptions. Les cimetières des
familles princières sont ornés à l’entrée d’effigies colossales de
lions en bronze ou en marbre ; çà et là des allées funéraires
sont gardées par des statues d’animaux.
Les Européens visitent surtout, à l’ouest de la ville, le cimetière
dit « portugais » et le cimetière « français » où reposent
les corps de Ricci, de Yerbiest, d’Amiot, de Gaubil, de Ger-
billon et d’autres missionnaires célèbres qui contribuèrent pour
une si large part à faire connaître à l’Europe la géographie de
la Chine et les moeurs de ses habitants. Pendant les trente
années que dura l’exil des prêtres catholiques avant la prise
de Peking par les alliés, la légation russe se chargea de: l’entretien
de ces deux cimetières, ainsi que de la riche bibliothèque
des jésuites, restituée maintenant aux missionnaires
français.
Les i tombeaux des Ming » ou les Chisanling, cest-à-dire
les « Treize Fosses », se trouvent à une quarantaine de kilomètres
au nord de Peking, dans un cirque solitaire des montagnes
de Tienchou, où l’on pénètre par un défilé que termine
un magnifique porche de marbre. La plus remarquable, celle
de l’empereur Yunglo, entourée comme toutes les autres de
pins, de chênes, de sycomores, est à l’extrémité d une grande
a llé e de statues de marbre représentant douze hommes, fonctionnaires,
prêtres ou guerriers, et douze paires d’animaux,
éléphants, chameaux, lions, chevaux, licornes fabuleuses
et kilin mythique, les uns agenouillés, les autres debout.