tains nomment-ils leur patrie — les Alpes du Setchouen ont leurs
grands ruminants, diverses espèces d’antilopes, des mouflons,
des daims musqués, des cerfs, poursuivis par les chasseurs qui
en vendent à prix d’or le bois gélatineux. Le yak sauvage erre
solitairement autour des pâturages où paissent par milliers des
yaks domestiques; un boeuf d’une espèce particulière, qu’on
trouve aussi dans l’Himalaya oriental, le takin (budorcas taxi-
color), parcourt les forêts du haut Setchouen. L’ours blanc du
Khatchi tibétain se retrouve également dans le Moupin et probablement
sur tous les plateaux intermédiaires.
On s’étonne, très naturellement, de rencontrer dans les
régions froides, presque en entier couvertes de neige à la fin
du mois de mars, des animaux frileux de régions tropicales.
Un écureuil volant s’y élance d’arbre en arbre, et deux
espèces de singes vivent dans les forêts du Moupin : il est vrai
qu’ils portent une toison très épaisse. L’un d’eux, connu par
les Chinois sous le nom de kin tsin heou, et désigné par les
naturalistes comme le rhinopithecus Roxellanse, est presque
aussi grand que les singes de la Malaisie : il a la face courte,
d’un vert turquoise, et le nez fortement relevé « à la roxellane » ;
la conformation de sa tète semble témoigner d’une intelligence
remarquable.
Mais c’est par la splendeur variée de ses oiseaux que se
distingue surtout la faune du Moupin. Les plus beaux- faisans,
des lophophores, divers gallinacés d’une parure éclatante, se
voient dans ses montagnes à côté de nombreux oiseaux à plumage
modeste, qui ressemblent aux espèces européennes. Les
oiseaux chanteurs, rossignols et fauvettes, sont aussi représentés
dans le Setchouen. Dans la seule collection d’Armand
David, plus de trente espèces nouvelles ont été reconnues. En
été, des perroquets verts, venus probablement du Yunnan
méridional, remontent au nord dans les vallées du Kincha
kiang et du Yaloung : à 3 000 mètres d’altitude, on pourrait se
croire au milieu des forêts de l’Indo-Chine.
Tout cela dans le Setchouen Occidental.
n Dans le Setchouen Oriental ou « Bassin Rouge »,
d a n s l e l’altitude étant fort inférieure et la contrée n’étant
b a s s in pas moins abritée des rafales glacées du couroug
e chant, du septentrion, la température est plus
modérée, quant au froid, quant aux transitions
du chaud au froid, du froid au chaud, et aussi quant à la
moyenne de l’année.
Ce n’est pas à dire que le climat y soit aussi brillant, aussi
ardent que dans la plupart des régions de latitudes égales :
aux sécheresses de l’été et des débuts de l’automne succèdent
des brouillards tenaces, une humidité pénétrante; puis comme
le comporte l’élévation du sol au-dessus du niveau général, des
neiges, d’ailleurs de peu d’abondance, dans la montagne, et
même dans le bas pays; puis le cycle recommence : nouvelle
sécheresse au printemps, pluies en été, ciel sec en automne,
brouillards et neige.
Le Bassin Rouge des Quatre Vallées tient un rang supérieur
parmi les pays de la Terre les plus généreux, les mieux
ordonnés et cultivés.
De ses plaines on peut dire qu’il n’en est guère d aussi productives,
d’aussi peuplées; ses monts sont cultivés en terrasses
avec autant de soin, de patience, d’industrie que dans nos
Cévennes, et à des hauteurs doubles, jusqu’à des altitudes
franchement pyrénéennes : même là où les pentes se redressent
suivant une inclinaison de 60 degrés, inaccessibles en apparence,
le sol est taillé en gradins dont chacun porte sa plate-
bande de céréales ou sa rangée d’arbres. Grâce à la « racine
étrangère », c’est-à-dire la pomme de terre, que les missionnaires
ont introduite dans le Setchouen, probablement au
siècle dernier, les cultures ont pu s’élever jusqu’à l’altitude
de 2 500, voire de 3 000 mètres, et déjà des zones continues de
champs se prolongent par-dessus les montagnes, jusque dans
les provinces voisines. .
En même temps que ses cultures s’étendent au loin, la
population surabondante des Quatre Fleuves déborde pardessus
les hautes frontières et rend maintenant aux pays environnants
autant ou plus dé colons qu’elle n en reçut jadis.
Agriculteurs avant tout, artisans aussi beaucoup plus que
trafiquants, les gens du Setchouen ont donné à leur province
le premier rang parmi celles de l’Empire, et c est à bon droit
qu’ils en parlent avec fierté.
Le Bassin Rouge fait partie des régions privilégiées où la
combinaison des saisons, des pluies, du soleil, et 1 évolution
hâtive de certaines plantes favorisent les habitants de deux
récoltes par année, quelquefois de trois. La variété des g raminées,
des herbes, des tiges, des arbustes y est etonnante : le
riz d’abord, cultivé jusque sur la montagne, partout où 1 eau
lui suffit, et il lui en faut beaucoup; puis diverses cereales,des
plantes oléagineuses, des fibres textiles, la pomme de terre, le
sorgho, dont on tire le sucre ou l’eau-de-vie, le tabac, la canne
à sucre, l’arbre à thé, le mûrier dont la feuille a fait du Bassin