sud du fleuve : c’est que le fleuve Bleu, dans ses énormes exon-
dances, ravage ses rives basses et détruit à plaisir les villes
de bas site qui s’exposent à sa fureur; le sol qui entoure les
lacs est plus haut, mieux égoutté.
Et de cette plaine, on voit à l’ouest, dans les cieux, entre
le fleuve et son grand affluent le Han, des monts souvent et
longtemps diadémés de neige.
Itchang ou Yitchang, qu’on dote de 30 000 à 40 000 âmes,
est entourée de champs de pavots qui donnent le plus apprécié
des opiums de toute la Chine. Ville qualifiée de « sordide et
puante, mais pittoresquement allongée à la base de collines
rousses, bossuées de tertres tumulaires », elle a son site à
1 760 kilomètres en amont de Changhaï, c’est-à-dire à peu près
de l’embouchure du fleuve, au terme de sa navigation par les
bateaux à vapeur 4--:terme extrême, car, au vrai, le fleuve Bleu
n’est pas commode en aval sur un assez long trajet, en résul-
tance d’un courant c dë foudre », qui va jusqu’à 12 kilomètres
par heure, et de seuils de 2 mètres, ou même moins de profondeur,
le creux ordinaire dépassant 6 mètres. Cependant cinq
navires de 300 à 600 tonnes l’unissent à Hankoou par un service
à peu près régulier. En 1898, le mouvement des vapeurs
s’y est élevé à 168 000 tonnes et celui des jonques à 296 000. La
valeur du commerce atteignit 65 millions de francs. L’année
suivante le tonnage s’est accru d’un tiers, pour monter à
687 000 tonnes.
Malgré tout, cette ville, la place de commerce la plus avancée
vers l’intérieur de toutes celles qui étaient ouvertes aux étrangers,
n’a pas développé son trafic autant qu’elle était supposée
devoir le faire. Ses échanges consistent principalement : à
l’exportation, en opium, soie, cire blanche, médecines et drogues
de toute espèce, musc, coton; à l’importation, en cotonnades,
lainages, racines de ginseng. La plupart dés barques du
Setchouen déchargent leurs denrées soit à Itchang, soit plus
bas à Chasi, où d’autres barques, construites en vue d’une navigation
facile, plus légères et montées par moins de bateliers,
reprennent les chargements pour les porter à l’emporium de
Hankoou.
Chasi ou le « Marché des Sables », ouvert depuis 1895 au
trafic étranger, montre des restes d’une splendeur passée,
entre autres un quai qui fut solidement construit et la tour
d’une pagode à six étages. Contrairement à Itchang, elle a tellement
développé ses échanges que Marcel Monnier la traite de
l’une des villes les plus commerçantes et les plus affairées de
« la Chine centrale ». Peuplée de 75 000 habitants, elle borde
le fleuve sur 4 à 5 kilomètres, à toucher de vastes champs
cotonniers. Un de ses avantages les plus précieux, c’est de
communiquer directement avec le lac Toungting par le canal
dë Taïping. I . ____
A une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Chasi, non
loin de la rive gauche du Yangtze, s’élève la ville forte de
Kintcheou, que mentionne déjà Confucius : occupée par une
garnison mandchoue, elle n’a d’importance que par son rang
administratif e t militaire.
En aval de Yotcheou fou et de l’embouchure
de l’émissaire du lac Toungting, le fleuve arrive
’Vérr >■■■ à la triple grand’ville d’Outchang, Hankoou et
HAÈKûouv- Hanyang. „ ,
Il est probable que ces trois cités d’Outchang
fou, située sur la rive droite du Yangtze, de
Hankoou, placée en face et à l’est du confluent du Han,
et de Hanyang fou, dans la péninsule d’amont formée par
le confluent des deux fleuves, étaient avant le milieu du
xix8 -siècle l’agglomération urbaine la plus considérable de
la Terre. ,
Londres, sans rivale dans l’instant présent pour le nomûre
des habitants, probablement peu d’années avant d’être distancée
par le * Greater New-York », Londres n’avait alors que
deux millions d’habitants, plus ou moins, et les trois cites
chinoises n’avaient pas encore été sauvagement ravagées pai
les Taïping. . .
D’après quelques voyageurs, qui du reste n ont pu juger
de; l’importance de ces villes que par la longueur du temps
employé à les traverser, huit millions d’hommes auraient vécu
dans i cette immense fourmilière. Il y a là sans doute une
* légère- » exagération, mais en réduisant ces huit millions
à la moitié, au tiers, et à un peu moins encore, la triple ville
du Yangtze dépassait certainement alors le grand port de la
Tamise.:' , .
Quoi qu’il , en soit, Outchang, Hankoou et Hanyang
n’âvaient plus un million d’habitants après l’incursion des
rebelles, lorsque Blakiston remonta le fleuve, en 1861 ; peut-
être né l’ont'-elles pas encore récupéré, ce million, encore que
la prospérité passée commence à revenir. Cependant d aucuns
articulent le chiffre de 1 200 000 - 1 500 000 résidents, même
2 millions dont la moitié à Hankoou.
1 Outchang, la cité de la rive droite, capitale du Houpé, est
la seule des trois villes qui soit entourée de remparts; elle