de se prosterner et d’imiter les rites que l’on célèbre en faisant
un sacrifice aux ancêtres. Un Chinois n’a droit au titre de
» sage » que s il ajoute à ses connaissances celle du cérémonial
religieux et civil. « Toutes les vertus ont leur source dans l’étiquette
», est une parole attribuée à Confucius; il ne l’a peut-
être pas prononcée mais sauf ce qu’elle peut avoir d’exagéré,
elle répond bien à la doctrine du maître.
Heureusement, ce n’est point l’intervention de l’étiquette
qui donne aux sociétés l’impulsion nécessaire. Les révolutions
si nombreuses qui ont bouleversé la Chine, prouvent qu’au-
dessous de ce monde formaliste des lettrés, qui met sa joie à
repeter des maximes et à les peindre sur les murs de ses appartements,
s agite une foule qui s’occupe des intérêts pressants
de la vie au jo u r le jo u r et à laquelle l’accomplissement de cérémonies
symboliques est devenu tout ce qu’il y a de plus indifférent
au monde.
La lutte pour l’existence, si terrible dans les régions surpeuplées
du i Milieu », la nécessité du travail journalier et, pour
tout dire, la convenance de ne pas mourir de faim, ne permettent
point à 1 homme du peuple de chercher, comme le veut la
morale officielle, la sanction de tous ses actes dans la conduite
des trois empereurs Yao, Chun et Yu, qui furent les modèles
de la politesse et du savoir-vivre.
Comme le dit si bien le proverbe chinois, * le fils ressemble
pxus a son siècle qu’à son propre père et à sa mère » ; et ce
siecte apporte des changements continuels, sinon dans les préceptes
classiques, du moins dans la vie réelle de la nation.
Quand on prétend communément de la Chine que « la précocité
a usé sa force », c’est là une parole injuste, car on ne
trouverait pas facilement une race qui se relève toujours plus
jeune et plus vigoureuse des infortunes qui semblaient devoir
l accabler à jamais. Le formalisme, père de l’inertie, de la
médiocrité, du . gâtisme » intellectuel, a trouvé son antidote
dans la pullulence des » syndicats ».
La facilité de se grouper en syndicats de
11 longue durée, en « fraternités adoptives », est un
s y n d ic a t s des traits distinctifs du Chinois, en même temps
S0C’ÈTÉS que le levain de transformations profondes.
s e c r è t e s Si, dans la vieille Europe, l’action prépondérante
vient des individus temporairement unis
pour un but bien défini, dans la vieille Chine, le « remueménage
» a sa principale cause dans l’influence des houi. On
nomme ainsi des sociétés qui se maintiennent ad multos annos ;
bien mieux, de génération en génération, ad sæcula.
Et, fait de la plus haute portée, tandis que, dans l’Occident,
les associations, si nombreuses qu’elles soient, embrassent
seulement une faible partie de la population, dans
l’Extrême Orient chinois elles ont entraîné presque tous les
hommes de la nation dans leur cercle d’activité, sournoise ici,
là dévorante. Les villes de la Chine n’ont peut-être pas un seul
habitant, riche ou pauvre, bourgeois ou travailleur, qui n’appartienne
à quelque groupe sociétaire, constitué publiquement
ou fonctionnant en secret. Même les mendiants, les
a enfants des fleurs », sont unis en associations ayant leurs
statuts, leur code spécial, leurs fêtes et leurs banquets.
On peut dire sans exagérer que les fils de Han sont une
fourmilière de sociétés secrètes, de loges et ventes, un agrégat
de carbonari, la plupart moins rébarbatifs que les carbonari
classiques et moins prompts à jouer du stylet; mais aussi
nombre de leurs houi sont extrêmement puissants et dangereux
avec théories très subversives.
Il en est aussi qui ne comprennent qu’un fort petit nombre
d’individus : telles ces « fraternités adoptives » où l’on se lie
à deux, à plusieurs, par un serment comme celui-ci :
i Par le Ciel et par la Terre, par leur père et par leur mère,
en présence de la Lune et en présence du Soleil, A. et B. se
juren t une amitié inébranlable!
Et désormais., quand A., monté sur un char (c’est-à-dire :
élevé aux honneurs), rencontrera B. coiffé d’un grossier chapeau
de paille, il descendra de son char pour aller au devant
de B. !
Et aussi, lorsqu’il arrivera à B., paradant sur un beau
cheval, de rencontrer A, courbant l’échine sous un ballot de
colporteur, il descendra de cheval, comme A. était descendu de
son char! »
La guerre qui a si terriblement ravagé les
n i provinces centrales du « Royaume Fleuri » a
g u er r e prouvé tout récemment comment, combien les
d e s houi sont capables d’ébranler l’Empire : il en a
t a ip in g été secoué jusque dans ses fondations.
Elle a montré aussi que des modifications
se sont accomplies « chez les enfants de Han » et qu’ils ne