l’Empire et ceux qui s’intéressent le plus aux choses de l’a rt et
de la science : de précieux objets emplissent les magasins des
rues'élégantes, et les acheteurs se pressent dans les boutiques
des libraires.
D’après Monnier, cette physionomie gaie, propre, avantageuse,
s’applique seulement à une très menue portion de la
ville, à un quartier qu’il trouve fort supérieur à ce que la Chine
lui a montré de plus avenant dans ses autres cités de premier
ordre.
i Les approches de Tchingfou, nous dit-il, sont affreuses.
Dans l’interminable faubourg, et même une fois la porte
franchie, tout n ’est qu’ordure, délabrement, guenille. Tandis
que ma chaise faisait cahin-caha sa trouée à travers la foule
compacte, découpait dans cette pâte humaine un profond
sillon, aussitôt refermé, se traînait péniblement de ruelle en
ruelle, éraflant au passage un pan de mur, une façade branlante,
butant ici contre une enseigne, plus loin contre un amas
de décombres, j ’avais peine à me persuader que c’était là
l ’opulente cité, autrefois capitale d’empire, dont la magnificence
émerveilla les premiers explorateurs. Où donc sont les
rues spacieuses, les maisons peintes et dorées, les magasins
bondés d’étoffes de prix, les chaises à porteurs tendues de
soie et de brocart, le brillant décor entrevu par Marco Polo?
Il existe encore, cependant, tel ou peu s’en faut que l’a décrit
le voyageur vénitien. Seulement, ce que celui-ci oublie de nous
dire, dans sa relation peut-être légèrement flattée, c’est que
ces jolies choses ne forment qu’une partie, une très petite
partie de la ville. Il faut, pour les découvrir, faire preuve de
patience, se résigner à de longs circuits dans un labyrinthe de
couloirs bordés de maisons lépreuses, se heurter à des impasses,
enjamber des monceaux de détritus de toute nature, des
flaques, tituber sur des dalles disjointes et glissantes, recevoir
en plein visage l’haleine empestée des bouges. Ad auguste, per
augusta. Le promeneur, il est vrai, sera récompensé de ses
peines ; sa surprise est grande lorsqu’il débouche inopinément
dans une large rue tirée au cordeau, munie de trottoirs,
égayée par les ors et les laques des boutiques où trônent les
marchands de soieries, les bijoutiers, les changeurs, par les
étalages où chatoient les porcelaines polychromes, les bronzes,
les cuivres. C’est un spectacle inattendu, unique peut-être
dans les dix-huit provinces, une Chine remise à neuf, pimpante,
soudainement révélée au sortir d’un cloaque : fleur
épanouie sur un fumier, miniature agréable dans un cadre
vermoulu. » {§§11 valait la peine de citer en entier cette description
dont la première moitié, mutatis mutandis, s’applique à
toutes les grandes villes de Chine, précédées de faubourgs
sales et malodorants.
p i g . 9 . — T c h in g t o u e t l e B a s s i n d u M in .
H a u te u r s en m è tr e s ,00 ,oo à 50 0 soo à 1000 1000 à 2000 200 oà sooo
r :-~n E 3 3 Ë E l b £ 3 C S
I : GOOOOOO t ■ - «
0 50 ■ 100 , 150 2 0 0K il.
1 C’est le mélange de vie commerciale, industrielle, administrative,
qui donne tant d’animation à Tchingtou et fait en
même temps sa richesse. » Cette capitale est un grand centre
de gouvernement, puisqu’elle commande à la province la plus
peuplée et, à beaucoup de points de vue, la plus riche de 1 Empire.