la méthode de nos métallurgistes est peu différente de celle
qu’on pratique dans le Royaume du « Milieu » depuis un temps
immémorial. Les aciers indigènes sont toujours préférés dans
le pays aux aciers anglais.
Les Chinois excellent dans la préparation des
iv alliages de cuivre, de plomb, d’étain, de zinc,
p r in c ip a l e s d’arsenic, d’argent et d’or, et les varient suivant
in d u s t r ie s l’usage auquel est destiné l’objet qu’ils fabri-
c h in o is e s quent. La qualité, la couleur, le vernis de leurs
bronzes sont incomparables, et leurs gongs
« mâles » et « femelles » ont un merveilleux éclat de vibrations.
C’est par le martelage que les ouvriers arrivent à obtenir un
métal ayant toute la sonorité voulue; l’opération est une de
celles où l’ouvrier fait preuve de la plus étonnante habileté :
maniant de lourds marteaux, les quatre ou cinq forgerons
frappent le disque étroit, en réglant toujours la cadence et la
force de leurs coups, sans jamais se gêner dans ce travail délicat;
leur travail est déjà une véritable musique. « Le métal en
garde la mémoire. »
Lep laques de la Chine, de même que celles du Japon, sont
au nombre des produits industriels dont les peuples de l’Extrême
Orient ont gardé le monopole, grâce à la possession de
la matière première; mais le liquide visqueux qu’ils retirent du
rhus vernicifera et qui leur sert à fabriquer ces laqués, est
une substance très dangereuse, que les ouvriers doivent se
garder de toucher; les exhalaisons même en sont redoutables;
quant aux laques ordinaires, on les prépare avec l’huile extraite
des semences d’une euphorbiacée, la dryandra cordata.
De même que le vernis laque, l’encre de Chine est bien
supérieure aux produits similaires de l’Europe, quoique la
méthode de fabrication en soit parfaitement connue, d’après
les documents chinois et l’expérience des industriels étrangers :
huile de sésame ou de colza, suc de diverses plantes vénéneuses,
graisse de porc, musc et feuilles d’or. L’excellence des
bâtons d’encre du Setchouen, du Nganhoeï et du Tchekiang doit
être attribuée à l’attention constante et à l’adresse des ouvriers.
Les artisans, on doit dire ici : les artistes du Royaume
Central, se distinguent également par leur merveilleuse habileté
à sculpter les bois, les ivoires et les pierres dures.
Inventeurs du papier, les Chinois en préparent plusieurs
espèces qui manquent à l’Europe ; cependant eux-mêmes
donnent toujours la préférence aux papiers coréens et japonais.
Dès l’année 153 de l’ère vulgaire, Tsaïloun avait enseigné
à ses compatriotes l’a rt de remplacer les tablettes en bambou
par du papier dont les écorces d’arbre, le fil de chanvre, les
vieilles toiles, les filets de pêche lui fournissaient la pâte. Depuis
cette époque, on emploie aussi pour la fabrication du papier
les jeunes pousses de bambou, le rotin, les algues marines, le
glaïeul, la fibre du broussonetia papyrifera, et les cocons de
vers à soie.
On sait que les Chinois ont précédé les Européens dans la
découverte de l’imprimerie : dès la fin du vi* siècle de l’ère
vulgaire, il est parlé de cet a rt comme étant connu depuis longtemps.
Si les Occidentaux avaient pu lire et étudier les historiens
persans, ils eussent connu la presse un siècle et demi
plus tôt, car le procédé employé par les Chinois se trouve assez
clairement exposé dans un ouvrage de Râchid ed Din, terminé
vers l’an 1310.
Et non seulement les « enfants de Han » connaissaient déjà
l’impression au moyen de planches en bois, mais ils pratiquaient
aussi la gravure sur pierre et sur cuivre, et vers le
milieu du xie siècle, un forgeron avait inventé les caractères
mobiles en terre cuite.
Mais — et c’est, entre tant d’autres, un inconvénient de
leur écriture idéographique — le grand nombre d’idéogrammes
qui leur est indispensable, empêche jusqu’à ce jour la plupart
des imprimeurs de faire usage des types mobiles, si ce n’est
pour les ouvrages populaires et les journaux, auxquels suffisent
un petit nombre de signes; on continue d’employer des
planches en bois de poirier évidées au burin et des plaques en
cuivre gravées en relief. Il existe pourtant d'admirables éditions
imprimées en caractères mobiles : tel est le recueil de
6 000 ouvrages anciens qu’édita l’empereur Kanghi, et pour
lequel il fit graver 250 000 types mobiles en cuivre; tels sont
aussi les ouvrages qui sortent de l’Imprimerie impériale, et
dont les caractères, d’une singulière élégance, ont reçu le nom
de « perles assemblées ». Enfin les villes ouvertes au commerce
européen sont toutes pourvues d’établissements où l’on emploie
des caractères mobiles et d’où sortent des éditions revisées,
beaucoup plus correctes que les éditions ordinaires. Les p e rfectionnements
matériels de l’industrie correspondent aux progrès
qui se font dans l’ensemble des connaissances.
Quant à l’industrie de la porcelaine, jadis l’une des gloires
indiscutées de la Chine, on n’ignore pas qu’en cela les Européens
ont manifestement distancé les Chinois ; mais ceux-ci se
remettent à l’oeuvre.