CHA P IT R E QUA T R IÈME
POPULATIONS DU B A S S IN DU Y A N G I Z E
I. TIBÉTAINS, SI-FAN, MANTZE. Il II. LOLO. Il III. CHINOISMI IV. MIAOTZE.
LA plus grande partie de la région montagneuse
où s’engage le Yangtze kiang dans
t ib é t a in s , le Setchouen Occidental, à son passage du Tibet
s i -f a n , en Chine, appartient ethnographiquement au
m a n t z e Tibet, bien que le pays en soit détaché politiquement
et définitivement incorporé au « Grand et
Pur Empire ».
Les habitants policés de la contrée io n t des Bod, ce qui
signifie des Tibétains, en tout pareils à ceux de Lassa, avec
les mêmes moeurs, les mêmes institutions sociales.
Dans le Setchouen Occidental tout comme dans la province
de Kham ou Tibet Oriental, on traverse les rivières, les torrents
encaissés à d’ « horribles » profondeurs, soit sur des ponts
suspendus, soit dans des sièges mobiles glissant d’une rive à
l’autre sur un câble tendu.
Dans ce Tibet chinois, les bergers ont aussi leurs tentés
noires en poil de yak, et les demeures permanentes sont également
de grossières masures en pierre, percées d’étroites
ouvertures et terminées par un toit plat; presque toutes isolées
sur des promontoires, elles ressemblent à des ruines de châteaux
forts.
Le contraste est complet entre les hameaux des Tibétains
et les agglomérations des Chinois : tandis que ceux-ci aiment
à se concentrer dans de gros bourgs compacts, même quand
il leur faut s’éloigner de leurs cultures, ceux-là tiennent à rester
à l’écart les uns des autres. En conséquence naturelle, dans
les pays habités par les deux races à la fois, les bourgs sont
chinois et les écarts sont tibétains.
Toutefois les lamaseries, où des centaines, même des milliers
d’individus vivent en communauté, ne sont peuplées que
de Tibétains, auxquels sont associés quelques métis chinois
abandonnés par leurs parents, soldats qui sont rentrés dans
la mère patrie.
Ces lamas sont les véritables maîtres de la contrée. Plus
nombreux en proportion que ceux du Bod-youl, c est-à-dire du
Tibet lui-même, les religieux du Setchouen tibétain possèdent
la moitié du sol, les plus grands troupeaux de yaks et de
brebis, des chiourmes d’esclaves, qu’ils emploient comme bergers
ou comme agriculteurs; par l’usure, ils sont les réels propriétaires
des champs que cultivent les laïques. Le noviciat
d’entrée n’est point difficile : tous peuvent s’introduire dans la
communauté, soit pour remplir un voeu, soit pour se mettre à
l’abri des vengeances, soit tout simplement pour ne plus payer
d’impôts et pour jouir des privilèges de toute espèce accordés
à la confrérie. •
Mais si les lamas, si haut placés au-dessus des lois, sont
dispensés de contribuer en quoi que ce soit aux dépenses
de l’État, la masse du peuple n’en est que plus opprimée,
et les impôts, répartis sur un nombre décroissant de familles,
sont devenus intolérables. C’est pourquoi, depuis plus de cent
ans la population corvéable a diminué de moitié, surtout par
l’émigration vers le Yunnan ; partout on rencontre des ruines
de maisons et de villages; certains districts sont même entièrement
dépeuplés et des plaines cultivées redeviennent forêts
ou pâturages.
Les Tibétains encore à demi sauvages qui vivent en tribus
dans les régions septentrionales des Alpes du Setchouen, sont
en général désignés sous le nom de Si-Fan ou « Fan Occidentaux
». . , ,
Vêtus de peaux ou de grosse laine, laissant tomber sur
leurs épaules leur épaisse chevelure en désordre, ces Si-Fan
paraissent affreux aux Chinois policés de la plaine, mais ils
sont moins redoutables qu’on ne le croirait, et 1 étranger qui
leur demande l’hospitalité es.t toujours bien accueilli. ^
Les voyageurs de la « Mission lyonnaise » en iont 1 éloge,
ils nous les représentent comme de beaux « gars », supérieurs
physiquement aux Chinois : apparence robuste; taille élevée;
« peau foncée, parfois presque noire; nez droit, fort, assez
long; yeux fendus transversalement (quelques-uns ont cepen