partie serait perdue. En agissant ainsi avec sagesse et économie,
l’on en dépensera peu et l’on obtiendra des moissons
abondantes, et les peuples seront heureux. Dans les provinces
du Nord, qui ne produisent pas de récoltes pendant l’hiver, le
surplus de l’engrais sera séché pour être mélangé avec de la
terre, et l’on en fera des briques que l’on transportera dans
les provinces du Sud. »
« 11 est impossible, on le voit, dit E. Simon, d’établir avec
plus de précision la loi du circulus que la Chine observe religieusement
depuis tant de siècles, et à laquelle, il ne faut pas
s’y tromper, elle doit de survivre à tan t de nations disparues
depuis quatre mille ans et de tenir en échec la puissance industrielle
et militaire de l’Europe. »
« Vraiment, dit à son tour Monnier, la sollicitude de l’agriculteur
se manifeste ici par des conceptions d’une ingéniosité
touchante, où la demande la plus humble affecte une forme
poétique. A chaque minute se détache, au bord du sentier, la
silhouette gracieuse d’un édicule que, de prime abord, on pourrait
prendre pour un petit oratoire à l’usage des pèlerins ou,
mieux encore, pour un pavillon de plaisance. Ces abris sont
tout simplement — comment dirai-je? — des chalets de nécessité,
construits par le propriétaire du champ contigu. C’est à
qui choisira l’architecture la plus coquette, l’ornementation la
plus tapageuse, dans l’espoir de capturer la clientèle ambulante.
La structure de ce petit local est plus soignée que celle des
habitations. On l’enjolive de banderoles, de panneaux portant,
en caractère d’enseigne, les inscriptions les plus engageantes
telles que : « Arrêtez-vous ici, l’ombre est douce! » ou bien
encore : * Prenez le frais sous mes bambous! » Cette façon
d’implorer les passants n’est point banale ; libre à l’Européen
de la trouver plaisante. »
Cette sorte de vénération intransigeante s’explique très
bien : l’engrais naturel est réellement indispensable aux Chinois
par la raison qu’ils n’en ont pas d’autres à leur disposition
ou très peu.
L’agriculture chinoise est, sous certains rapports, extrêmement
imparfaite. Le « fils de Han » élève fort peu de bétail ;
en dehors de son porc comestible, orgueil de toutes les chaumières,
il ne dispose guère d’animaux; il a très peu de boeufs,
très peu de chevaux; son animal domestique est le buffle; or un
buffle suffit au travail de trois hectares, sans fournir, de bien
loin, au fumage de ces trois hectares cultivés intensivement.
D'où il résulte qu’ici l’agriculture ne manque certes pas de
bras, mais de fumier.
Le Chinois n’a, pour ainsi dire, pas de prés dans son jardin
de cinquante millions d’hectares, de même pas de forêts sur
sa montagne et sa colline, sauf sur les coteaux où l’on cueille
la feuille de l’arbre à thé. Ces 500 000 kilomètres carrés ne
suffisent pas à son horticulture, à laquelle manquent d’ailleurs
des outils rationnels perfectionnés; il a donc imaginé,
non pas des jardins suspendus, mais des jardins flottants :
un peu de terre sur un radeau de bambous, autour d’une
maison également supportée par ce radeau, dans les eaux
d’une rivière ou d’un lac tel que le Pinghou.
Instruments agricoles imparfaits, disette de bois, indigence
de prairies, ces graves défauts étant compensés par un labeur
assidu, par une ingéniosité pratique toujours éveillée, et pour
tout dire d’un mot, par 1’ « amour » du sol nourricier, l’agriculteur
chinois n’en est pas moins réduit à une diète moins animale
que végétale, puisque les herbages manquant, il ne peut
tailler en grand dans la chair du boeuf et du mouton ; il a son
pore « familier », et son buffle travailleur; mais la chair du
buffle n’est pas bonne.
Reste à savoir si, le porc « universel » à part, il ne rachète
pas l’absence du bouilli, du rôti, de l’entrecôte par la nombreuse
volaille de la basse-cour et par le poisson des eaux qui
courent ou qui dorment.
Et si la culture, telle qu’il la pratique, très intensive, avec
de continuels repiquages, ne perdrait pas en valeur alimentaire
à être vouée à l’herbage, au détriment du jardinage.
Enfin, car il faut en venir là, est-il bien sûr que l’homme
ait intérêt à se gorger de viande? Et son estomac est-il ou
n’est-il pas celui d’un granivore et d’un frugivore plutôt que
d’un carnivore? La science ne peut pas dire encore qu’elle en
a souverainement décidé.
Le riz est la plante la plus importante de
n l’Empire; c’est celle qui subvient à l’alimenta-
p r in c ip a l e s tion de tous les habitants du centre et du midi :
cu l tu r e s , on évalue la superficie des rizières à un huitième
p a s de fo r ê t s , au moins de l’espace cultivé. Cette culture ne
p a s - .' pouvait manquer de s ’emparer de la Chine,
de p r a ir ie s ; puisque ce qu’elle exige avant tout c’est l’eau, et
l e r i z ; l e t h é , q u e le « Milieu » regorge d’eau; de plus, c’est
l 'opium. une culture facile n’exigeant pas les instruments
agricoles, ingénieux et sûrs, que ne possède pas
ici le paysan ; enfin elle a moins besoin de fumier que d’arro