des saillies reçoit même assez de neige pour être appelée Sioué
chan : c’est la Sierra Nevada du Chansi. Vers l ’extrémité nord-
orientale de cette chaîne neigeuse, qui porte différents noms,
se dressent plusieurs montagnes vénérées, et parmi elles un
massif très fréquenté des bouddhistes : l’Outaï.
L’Outaï chan ou « les Cinq pics, les Cinq piliers », atteint,
au plus élevé de ses sommets, 3491 mètres, un peu plus que la
Pyrénée suprême. A 275 kilomètres seulement en ligne droite
à l’ouest-sud-ouest de Peking, à 360 de la plage du golfe de
Petchili, ce mont domine de près la grande plaine de la Chine
septentrionale, et de très loin on le voit, superbe, drapé de
neiges cinq mois durant sur ses pentes moyennes, et pendant
dix à onze mois sur les cimes supérieures.
Montagne très agricole, très peuplée sur ses versants inférieurs,
avec belles prairies, beaux noyers, beaux conifères,
c’est en haut, sur ses terrasses, une sorte de « saint des saints »
où les pèlerins viennent faire leurs dévotions par des chemins
d’ascension, à cent, peut-être cent cinquante pagodes, chapelles,
sanctuaires ; et il y en avait jadis le double : les Chinois
disent trois cent soixante.
Chinois ou Mongols de la confession bouddhiste ont mis
leur espoir en cette montagne sacrée. D’après les Mongols, qui
y viennent en nombre éminent (l’Outaï chan s’élève à cinquante
lieues seulement de la Mongolie), ce sol vénérable est
le meilleur qui se puisse trouver pour une bonne sépulture
: ceux qui ont la faveur d’y être enterrés auront certainement
une heureuse transmigration, et les fleurs qui naissent
sur ces pentes, principalement sur le Pic du Sud ou Nanting,
la « Montagne Brodée », ont des vertus curatives particulières
bien connues des fidèles sans nombre qu’elles ont guéris.
Par les plus mauvais temps de froid comme de tempête,
des fanatiques font l’ascension de l’Outaï en s’infligeant les
plus rigoureuses pénitences,jusqu’à un cirquede 2000 mètres à
peu près d’altitude, où s’élèvent les cinq principaux sanctuaires,
« riches couvents sur une colline dont tous les flancs sont couverts
de maisonnettes et de jardins... Au sommet de cette colline
le plus grand, le plus riche de ces monastères appartient
aux lamas mongols ; au-dessous le « temple cuivré » est en
effet construit de plaques de cuivre; t son toit, ses balcons, ses
portes, ses statues sont également en cuivre » ; c’est une propriété
des lamas chinois.
Depuis quatre siècles, plus ou moins, qu e les empereurs
ont cessé de venir passer en été quelques semaines dans leur
palais de l’Outaï chan et d’accabler de leurs dons pieux les
moines qui y viventde leurs autels, les pèlerins ont notablement
diminué : sans doute aussi la foi baisse.
Du haut des moutiers bouddhistes de l’Outaï on aperçoit
au nord la cime aplatie du Heng chan, l’un des « gardiens » de
l’Empire chinois. Les sacrifices traditionnels y sont encore
offerts, mais les « enfants de Han » n’ont pas la ferveur de
leurs sujets nomades, les Mongols, et leur sanctuaire n’est pas
aussi fréquenté, tant s’en faut, que ceux de la Montagne des
Cinq piliers.