dèrent à mourir à la place des criminels, et se récrièrent
contre l’injustice du refus qu’on leur opposa. Quand il s’agit
simplement de l’application du rotin, les remplaçants accourent
en foule. » En Chine, il y a une infinité de gens qui ne vivent
que de coups de bâton », a dit Louis Leconte.
On ne prête pas serment devant les tribunaux chinois :
seulement le témoin, se croisant les bras devant le mandarin
et le regardant bien en face, s’exprime ainsi : « Je prends toute
la responsabilité de la déposition que je vais faire : si je ne dis
pas toute la vérité, je serai coupable. » (P. D’Enjoy.j
Les juges n’ont pas le droit de prononcer la peine de mort
sans l’autorisation du Conseil suprême, « si ce n’est quand le
droit commun du pays est troublé par une insurrection ou par
une invasion étrangère », mais les punitions qu’ils ordonnent
en ces cas exceptionnels suffisent amplement à tuer ceux dont
ils veulent se défaire.
La Chine, où toutes les expériences sociales ont été déjà
faites, a connu aussi des temps où la peine de mort était
abolie. Un des souverains de la dynastie des Thang qui résidait
à Singan ayant envoyé près de trois cents condamnés à
mort pour aider les paysans des alentours à faire la moisson,
mais à la condition qu’ils reviendraient pour subir la sentence,
les vit tous apparaître au jour indiqué. Saisi d’admiration, il
leur fit grâce et décréta pour l’avenir l’abolition de la peine.
Toutes les condamnations à mort sont examinées par l’Empereur
et retardées jusqu’à l ’automne, époque de la décision
finale : il entoure les noms de ceux auxquels il fait grâce d’un
cercle du « pinceau vermillon » ; parfois il délègue ce droit
souverain de miséricorde à qui bon lui semble.
Dans les époques troublées, révolutions politiques, guerre
civile ou guerre étrangère, les gouverneurs de province sont
armés de tous les droits de baute et de basse justice; ils se
font suivre d’escouades de bourreaux occupés sans relâche à
leur oeuvre de sang. Lors de l’attaque de Canton par les
Anglais, en 1855, le vice-roi se vantait d’avoir fait périr en sept
mois 70 000 de ses sujets; parfois 800 individus étaient exécutés
en un jour.
Et qui saura jamais ce qu’ont saigné de vies les exécuteurs
des hautes oeuvres durant les effroyables révoltes des Taïping
et des Musulmans? Qu’on n’oublie pas que le nombre m in im um
des morts que causa la guerre des Taïping est de vingt m illions
et que d’aucuns l’ont estimé à cinquante millions!
Les juges des tribunaux chinois qui siègent dans les
« concessions » européennes, devenues le séjour de multitudes
« j a u n e s à Changhaï et dans les autres ports ouverts
au commerce international, sont assistés par des résidents
étrangers : de là le nom de « cours mixtes » sous lequel on
désigne ordinairement ces tribunaux. La torture n ’y est point
appliquée, ou du moins ne l’a jamais été en présence des juges
européens,, et les condamnés à la peine de la cangue, simple
assemblage de planches pesant de 2 à 4 kilogrammes, ne la
portent chaque jour que six ou sept heures et dans un endroit
abrité ; d ordinaire on leur permet même d’aller passer la nuit
dans leur demeure, c’est la cangue pour rire comparée à l’effroyable
supplice de la cangue réelle.
Dans la colonie de Victoria ou de Hongkong (mais, à vrai
dire, on est ici en Angleterre plus qu’en Chine), les magistrats
akoli pour les Chinois toutes les peines corporelles
effacées de leur propre code dans la mère-patrie.
Quant aux étrangers fixés dans les concessions, dans les
ports à traité, ils ne relèvent que de leurs consuls, en vertu du
privilège d » exterritorialité » ; mais le gouvernement chinois
se plaint que, forts de ce droit, ils se permettent d’ignorer et
de violer impunément les lois du pays. C’est même afin de
pouvoir reconquérir le droit de justice sur ces étrangers qu’il
a fait adoucir graduellement les pénalités infligées à ses
propres nationaux; mais il est probable qu’avant longtemps la
torture cessera d’être appliquée par les tribunaux chinois.
Le pouvoir des mandarins a beau être illi-
n mité en théorie puisqu’ils représentent l’Empe-
L E S reur> et que l’Empereur est le père omnipotent
l i b e r t é s de toute la famille; en pratique il leur faut tenir
m u n i c i p a l e s , compte de l’opinion publique. Ils sont trop peu
nombreux et ne disposent point d’armées assez
solidement organisées pour braver le mécontentement des
citoyens, surtout dans, le Fo'kien, où l’esprit de la population
est très indépendant. Comme ils ont l’esprit aiguisé, ils comprennent
très bien qu’il y a des moments où il faut se soumettre
ou se démettre.
Dans la plupart des dix-huit provinces, il est vrai, les
habitants, accoutumés à la soumission, « heureux de boire la
rosée de la bienveillance impériale », obéissent volontiers,
aussi longtemps que l’oppression ne leur paraît pas intolérable;
mais quand leur patience est mise à trop rude épreuve, ils se
révoltent, avec un ensemble tel que toute résistance du mandarin
devient impossible. Quand les proclamations sont affi