Chine, mais aussi dans les pays de civilisation chinoise, notamment
en Corée.
La commune chinoise se maintint pendant plus de vingt
générations, sous le régime de la féodalité; mais vers le milieu
du ive siècle de l’ère ancienne, un nouveau changement, qu’annonçaient
de longue date des phénomènes avant-coureurs, s’accomplit
et prit force de loi. La population étant devenue très
inégale, les divers groupes de huit familles se trouvaient très
diversement partagés : tandis que les uns ne pouvaient plus
subsister sur leurs étroits domaines, d’autres possédaient de
vastes terrains entourés d’espaces vagues qu’ils pouvaient également
utiliser.
L’ancien équilibre social ayant perdu toute stabilité, la
« corruption des moeurs » en amena la chute : il fut permis à
chaque agriculteur de s’établir sur une terre vacante partout
où cela lui conviendrait, d’y placer les bornes de son domaine
sans se soucier des limites communales.
La commune finit par se dissoudre en même temps que
disparaissait le régime féodal, et chacun des paysans de l ’ancienne
communauté devint propriétaire, avec droit de vente et
de transmission par don ou par héritage; la propriété privée
s’établit à la place de la propriété collective. La transformation
que des économistes prédisent à la Russie dans un avenir prochain,
s’est donc accomplie, il y a plus de deux mille ans déjà,
dans l’empire du Milieu.
Mais les conséquences de cette dissolution du groupe communal
ne se firent pas attendre : tous ceux que le commerce,;
l ’industrie, la faveur du souverain ou d’autres circonstances
favorables avaient enrichis, se firent acquéreurs de la terre aux
dépens des cultivateurs; la grande propriété se constitua, et
peu à peu les paysans dépossédés, finirent par devenir pour
la plupart les esclaves des riches. Les plus heureux furent ceux
qui continuèrent de cultiver comme métayers les champs de
leurs aïeux.
De fréquentes insurrections s’allumèrent; la misère devint
générale, l’État lui-même s’appauvrit, et c’est à grand peine
que se faisait la rentrée des impôts.
Une lutte de tous les instants s’engagea dès lors entre les
partisans du nouveau régime et ceux de la propriété commune.
Pendant plus de mille années, l’histoire politique de l’Empire
se confond avec celle de la tenure des terres ; suivant les alternatives
des révolutions locales et les vicissitudes des dynasties,
qui tantôt voulaient plaire au peuple, tantôt s’appuyer sur les
grands, les droits du cultivateur et les privilèges de la propriété
domaniale l’emportèrent tour à tour, et fréquemment
des transactions intervinrent entre les partis en lutte.
C’est ainsi qu’en la neuvième année de l’ère chrétienne, le
ministre Wangmang, devenu maître du trône, proclama que
désormais la terre serait propriété impériale : « Nul sujet ne
peut en détenir plus d’un tsin — environ 6 hectares, — et ne
peut commander à plus de huit esclaves mâles. La vente du sol
est défendue, afin que chacun puisse garder ce qui lui donne
le pain. Tous les excédents de terre qui se trouvent dans les
mains d’un seul font retour à la couronne et sont distribués
aux communes en proportion de leurs besoins. Quiconque
doute de la sagesse de ces mesures sera banni ; quiconque s’y
oppose sera tué! »
On obéit en effet à la volonté de l’empereur, « loi suprême »,
mais peu d’années après, les grands avaient repris possession
de leurs domaines. Encore une fois la restauration de 1 ancienne
propriété communale avait échoué. « You et Chun lui-
même, disait un philosophe contemporain, ne parviendraient
pas à la rétablir. Tout change, les fleuves déplacent leur cours,
et ce que le temps efface disparaît à jamais. »
Après divers événements qui entraînèrent à leur suite des
révolutions intestines et des changements de dynastie, les
socialistes de la Chine, abandonnant l’idée de la propriété
communale, telle qu’elle avait existé jadis, tentèrent 1 application
d’un système nouveau; et peut-être jamais dans l’histoire
du monde, pareille révolution ne fut inaugurée par des gouvernants,
pour la transformation radicale de la société tout
entière.
Devenu, vers le milieu du xie siècle, l’ami, le conseiller
écouté, le ministre de l’empereur Tchentsoung, Wangantche
mit hardiment la main à la destruction de l’ancien ordre
social; en 1069, il fit paraître un décret abolissant toute propriété
personnelle; l’État devenait maître unique et se chargeait
de répartir également les produits du sol entre les tra vailleurs
; la richesse et la pauvreté étaient supprimées l’une et
l’autre, puisqu’on assurait à tous le travail et la nourriture et
que nul ne pouvait s’emparer du sol; les industries étaient
placées sous la direction, de l’État, et les capitalistes devaient
faire remise de leurs capitaux au gouvernement dans l’espace
de cinq années. .
Malgré l’opposition des mandarins et des anciens feuda-
taires, Wangantche réussit à maintenir pacifiquement le communisme
d’État pendant quinze années. Mais il suffit d un