Rien que dans le Koeïtcheou il y aurait une quarantaine de
peuplades Miao très inégales entre elles, dispersées dans des
hameaux, des villages de cent maisons ou plus, rarement de
deux cents.
On y rencontre des « Vieux Miao » et des « Barbares pur
sang », des « Miao noirs » et des « Miao blancs », des « Miao
verts », des « Miao couleur de pie (blanc et noir) », des « Miao
Fleuris », des « Miao aux habits fleuris », des * Miao aux cheveux
noués », des « Miao à gros turban », des « Miao au turban
de travers », des « Miao des Eaux occidentales », des c Miao
des Cavernes », des « Miao des hautes Montagnes », — les plus
longs de ces noms n’ayant que trois syllabes dans cette langue
chinoise où Tacite fatiguerait par sa longueur et sa redondance.
Un ouvrage chinois traduit par Bridgman cite quatre-
vingt-deux tribus de Miaotze ; à quelques-unes d’entre elles on
donne le nom de « Six cents familles », peut-être pour noter
l’état de dispersion où se trouve réduite aujourd’hui cette
nation, qui se divise, au point de vue politique chinois, en deux
grandes fractions : les « soumis » et les « insoumis ». Naturellement,
les soumis se mêlent graduellement à la race conquérante
des Chinois : on a vu des Miao passer les examens universitaires
et s’élever au rang des mandarins, tandis que d’autres,
quoique de descendance chinoise par leurs pères, vivent à
l’écart des civilisés.
Les Miao restés jusqu’à ce jour indépendants des employés
chinois et des moines bouddhistes ont dû se réfugier dans les
régions d’accès difficile. La plupart de ces « barbares pur
sang », très habiles constructeurs de maisons, non moins
qu’excellents tailleurs de pierre, ont bâti leurs villages fortifiés
sur des sommets, d’où ils peuvent surveiller la contrée,
mais, à l’exception d’une ou deux tribus, qui vivent de brigandage,
ils se bornent à la défense. Ils cultivent le maïs, le
sarrasin, ainsi qu’un peu de riz, dans les rares endroits favorables;
ils élèvent aussi des bestiaux et sont d’habiles chasseurs;
mais ils ne descendent point dans la plaine pour vendre
les peaux des animaux qu’ils ont tués, les bois de cerfs et les
poches à musc des chevrotins; ils attendent la visite des colporteurs
qui viennent trafiquer dans leurs villages, avec le
doux espoir, et même la certitude de « refaire » ces sauvages
i innocents ».
Très fiers, très sensibles à l’injustice, les Miao ne peuvent
subir l’oppression des mandarins et restent en état continuel
de révolte.
Mais ils n’ont point, comme les Mantze du Setchouen,
l’avantage de s’appuyer sur de vastes plateaux inhabités; leurs
montagnes sont entourées de tous les côtés par des colons
chinois, et le cercle d’investissement se resserre; des tribus
entières ont été exterminées. Pendant la récente période de la
guerre des Taïping et des insurrections mahométanes dans le
Yunnan, les généraux chinois ont lancé leurs armées sur le
territoire des Miaotze et détruit leurs villages : un grand
nombre de chefs, emmenés à Peking, ont été décapités sur les
places publiques, après avoir été soumis à ces tortures atroces
qui déparent si tristement le code pénal des Chinois.
Poursuivis à outrance jusque dans leurs acropoles les plus
hautes, dans leurs villages à maisons comme dans leurs
hameaux « à paillotes étroites, basses, très primitives », les
Miaotze sont naturellement accusés de tous les crimes par
leurs persécuteurs ; non seulement on les considère comme des
sauvages, mais on leur refuse presque jusqu’au nom d hommes :
ainsi les Yao du district de Lipo, au sud du Nan ling, passent
chez leurs voisins pour avoir de courtes queues, tout comme
les singes.
Sans doute, de nombreuses tribus, de nombreux clans de
Miaotze ont perdu leur civilisation et sont même partiellement
retombés dans la barbarie depuis qu’on les traque comme des
bêtes fauves ; en certains endroits ils n’habitent que des grottes
ou des huttes de branchages et doivent abandonner les pratiques
de l’agriculture; il en est qui vivent dans les fissures de
parois abruptes et qui ne peuvent atteindre leur gîte qu’au
moyen d’échelles de bambou appliquées sur le roc jusqu’à la
hauteur de 150 mètres. Cependant les annales chinoises et
même des récits modernes nous montrent des Miaotze connaissant
l’écriture et rédigeant des ouvrages en leur langue sur
des tablettes de bois ou sur des feuilles de palmier : cette
langue aurait des affinités visibles avec le siamois et avec 1 annamite,
tandis que celle des Lolo se rapprocherait de 1 idiome
barman.
Les Miaotze ont aussi la réputation d’être d’habiles tisserands
; leurs femmes savent fabriquer de belles étoffes de soie,
de lin, de coton et de laine, très recherchées des négociants de
Canton. ,
Bons musiciens, ils jouent d’une espèce de flûte plus
agréable que celle des Chinois et dansent en mesure aux sons
du tambour et de la guitare, en représentant avec beaucoup
d’expression des scènes tristes ou joyeuses; quelques-unes de
leurs danses ont aussi un caractère religieux. Leur grand vice,