marins ne peuvent trouver leur route qu’en sondant constamment
le fond. Les Chinois limitent strictement le nom de » mer
Jaune » aux eaux marines troublées par les alluvions fluviales-
les parages où l’eau reprend sa pureté deviennent pour eux là
* mer Noire ».
Les vastes plaines qui séparent le bas Hoang ho du Yangtze
sont arrosées par les eaux lentes du Hoaï, que l’on peut à peine
considérer comme un fleuve indépendant, malgré la longueur
de son cours et l’abondance de sa masse liquide; pendant la
succession des siècles, il n’a cessé d’errer à droite et à gauche
dans les campagnes à la recherche d’un lit définitif.
Souvent il ne fut qu’un simple affluent du Hoang ho,
parfois il se jeta dans le Yangtze ou se partagea entre les
deux fleuves; il apporte maintenant ses alluvions dans le
Hangtzô et en d’autres bassins lacustres, restes de l’ancien
golfe qui se prolongeait au nord en isolant les montagnes du
Chantoung et que les apports fluviaux, et peut-être aussi le
lent soulèvement du sol, ont séparés de la haute mer. L’écoulement
du Hangtzô, auquel on a laissé le nom de Hoaï, n’est
autre chose qu’un ancien lit du Hoang ho.
Le Canal Impérial ou Grand Canal, dont nous
r ont si souvent entretenu les voyageurs euroi
s péens, surtout ceux du xvm° siècle, est une des
c a n a l merveilles de l’industrie humaine, d’ailleurs bien
im p é r ia l moins extraordinaire qu’elle ne paraît au premier
abord.
Cette voie de navigation n’est pas comme le canal de Briare,
ou le canal du Midi, celui de Bourgogne ou celui du Centre, et
tant et tant d autres en Europe, une tranchée de versant à versant,
s’élevant par degrés successifs pour redescendre de la
même manière; ce n ’est qu’une série de lits fluviaux abandonnés,
de lacs, de marécages réunis les uns aux autres par
des coupures de peu d importance : le canal a gardé presque
partout l’aspect d’une rivière au lit tortueux et de largeur très
inégale.
Ainsi que le raconte Marco Polo, l’empereur Koublaï khan, à
la fin du xiii6 siècle, n’eut qu’à réunir rivière à rivière et marais
à marais pour en faire un fleuve navigable, le Yun ho ou
« rivière des Transports ». D’ailleurs, bien avant cette époque,
les bateliers convoyaient leurs denrées de la région du Yangtze
kiang dans celle du Peï ho, mais ils devaient décharger leurs
barques en beaucoup d’endroits et continuer péniblement le
transport à pied par-dessus les portages. Suivant les alternatives
des inondations et des étiages, la voie devait être
déplacée; jamais l’itinéraire à suivre entre le Yangtze kiang et
le nord de la Chine ne fut exactement le même.
Mais, quoique le canal fût indiqué d’avance par les lacs et
les coulées de rivières, et qu’il ait été de tout temps plus ou
moins utilisé, le travail dépensé pour l’entretien de cette voie
n’en est pas moins prodigieux : c’est par millions qu’il faut
compter les ouvriers qui se sont succédé sur les bords du Yun
ho pour construire les levées, draguer les vases, modérer le
courant par des écluses, déplacer le cours aux abords des lacs
exposés à la violence du vent. Il est probable qu’un canal régulier,
creusé régulièrement et d’une manière définitive, comme
les canaux d’Europe, aurait coûté beaucoup moins d’efforts,
sans compter les vies d’hommes consommées par le travail en
terre détrempée.
Les eaux des éclusées sont fournies en abondance par le
Hoang ho lui-même, par divers affluents, et par les rivières du
Chantoung, notamment par le Wan ho ou Tawan ho, qui se
divise en deux courants sur le seuil de partage : une partie de
ses eaux descend au nord vers le cours actuel du Hoang ho et le
golfe de Petchili; une autre partie, la plus abondante d’après
Williamson^ s’épanche au sud, dans la direction du Yangtze
kiang. Un temple érigé en l’honneur du t Roi des Dragons du
Partage » domine la rivé en ce lieu vénéré dont le feng-chbui
est particulièrement puissant.
Tel qu’il sortit des mains de ses créateurs et améliorateurs,
c’était une belle voie navigable large de 50 mètres et profonde.
Mais, comme on le sait, cette rivière des Transports ou » rivière
Porte-grains » a été fort négligée et s’est grandement dégradée,
surtout à partir de la révolte des Taï ping ; il y a des endroits où
elle n’a plus guère que quelques décimètres d’eau; il est même
impossible aujourd’hui à une barque de la parcourir en entier :
ici des alluvions ont rempli la tranchée, ailleurs les digues sè
sont effondrées, et l’eau s’est étalée en marécages; çà ét là le
canal n’est plus qu’une succession de mares. Grâce à la vapeur,
les approvisionnements de Peking et de la Chine du nord se
font désormais par mer, et la voie canalisée qui passe dans l’intérieur
des terres n’a plus la même valeur pour le commerce
général de la contrée. Mais elle a toujours une très grande
utilité pour le mouvement local des échanges, et Ton peut
espérer que dans un avenir1 prochain l’oeuvre de restauration,
déjà commencée du côté de Tientsin, permettra aux bateaux à