Ainsi, au versant opposé du Foungtiao chan, dans la plaine
même du Hoang ho, des marais salants s’étendent au bord du
fleuve. La t terre jaune » des berges est imprégnée de sel. Les
habitants lavent cette terre et font évaporer l’eau de lavage
dans les compartiments de marais disposés exactement comme
ceux du littoral de la mer : la concentration et la cristallisation
du sel s’achèvent au moyen du feu.
En aval de Toung kouan, les villes et les
iv villages se succèdent sur les deux bords du
dans Hoang ho en une chaîne continue; les hommes
le se pressent en multitudes dans cette fertile vallée
uonan et dans les campagnes qu’arrosent ses affluents :
c’est la partie de la Chine qui porte spécialement
le nom de « Fleur du Milieu ».
On est ici dans la province de Honan, ce qui signifie le
« Sud du fleuve ».
Le Honan a pour bornes : au nord, le Chansi, dont il est
d’abord divisé par le cours du Hoang ho; au nord-est, le
Petchili; à l’est, le Chantoung et le Nganhoëi; au sud, le
Houpé; à l’ouest, le Chensi. On lui attribue 176 000 kilomètres
carrés, un tout petit peu moins que le tiers de la France, et
22100 000 habitants, contre les 29 069 000 du recensement
de 1842.
Si ces deux nombres sont exacts, le « Sud du fleuve »
entretient 125 personnes au kilomètre carré, et il en entretenait
165 il y a soixante années : cinq ou six provinces de Chine sont
plus densément peuplées, mais c’est bien plus que la moyenne
de l’Empire, estimée provisoirement à une personne par
hectare.
C’est que le Honan est un très riche pays, surtout en son
orient; car, son occident, bien plus rude, se hérisse de monts
moyens (rarement 2000 mètres) qui sont la < fin finale » de la
chaîne du Kouenlun, tandis que l’orient appartient à la grande
plaine chinoise, et que le nord, parcouru pendant près de
500 kilomètres par le Hoang ho, fait partie de la proverbiale
» terre jaune ».
Il n’appartient pas entièrement au bassin du fleuve Jaune
(comme aussi le Kansou et le Chansi) ; quelque peu de son territoire
méridional a sa pente vers le Yangtze. Mais il faut
considérer que ses rivières orientales, qui s’arrêtent maintenant
au canal Impérial ou vont se verser dans le Hoaï ho,
aboutissent en réalité au Hoang ho, quand celui-ci, labourant
tout devant lui, se creuse un lit à sa taille, non plus vers le
nord de la grande protubérance du Chantoung, mais vers le
midi, aux approches du bas Yangtze kiang.
Ce < jardin de la Chine » a tous les privilèges d’une heureuse
contrée, la fécondité du sol, les pluies, les rivières bien coulantes,
la douceur du climat, une race pullulante aimant le
travail des champs; et sans être aussi riche en son sous-sol
que, par exemple, le Chansi et le Yunnan, on y constate un
peu' partout, dans la région montagneuse, la présence de
mines diverses, spécialement d’un excellent charbon bitumineux
dont le chemin de fer de Peking à Hankoou ne tardera
vraisemblablement pas à faciliter la vente. Le Honan, lui
aussi, est suivant toutes probabilités, une province de « Minas
Geraes ».
Historiquement, le Honan, prolongement normal, vers
l’est, de la vallée si notablement historique du Weï ho, fut le
lieu où se jouèrent longtemps les destinées de la Chine, alors
que le Grand empire jaune était encore en formation.
Les plus anciens souvenirs de la « race aux cheveux
noirs » rappellent ce pays central, route de l’ouest à l’est, au
long de son Hoang ho, en même temps que du nord au sud
par les plaines opulentes qui se déroulent, chemin facile, du
Hoang ho au Yangtze kiang.
C’est ici, dans ces larges campagnes, qu’on se battit si
longtemps pour la domination, armées impériales contre
armées de princes féodaux.
Dans ce temps-là la Chine du Sud n’étant pas encore
subordonnée, on appela cette région centrale le Tchounghouati,
ou « le Pays fleuri du Milieu », le Tchoung koué, c’est-à-dire « le
Royaume du Milieu » ; et c’est ce dernier nom qui est resté dans
l’usage courant pour désigner l’ensemble de l’Empire. Honan,
Chansi méridional, Chensi des rives du Weï, c’est en Chine
comme une Ile de France. Et le Honan en particulier jouit toujours
d’un très grand renom social historique, artistique, et
littéraire.
La capitale du Honan, Kaïfoung fou, est universellement
connue dans le pays avoisinant sous son ancien nom de Pien-
leang. ■
Elle s’est établie à 600 kilomètres en ligne droite au sud-
sud-ouest de Peking, à 16 kilomètres de la rive droite du
Hoang ho, dans la région où le fleuve crève si calamiteusement
ses levées, près du futur chemin de fer de Peking à Canton,
lequel est plus que projeté; quelques années le verront sans doute