Au delà de Ninghin, au pied du plateau de la
ii Mongolie, le fleuve abandonne la Chine pour cette
h o ang ho Mongolie et, courant au nord-nord-est, ensuite
mongol à l’est, enfin au sud, il contourne le pays des
e t h o ang ho Ordos, où il pénètre après avoir tranché par des
m o y e n défilés les obstacles que lui oppose la chaîne
dite Ala chan. Des dunes de sable s’avancent
jusqu’au bord du courant par la brèche qui s’ouvre entre
l ’Ala chan et l’In chan, et des lacs salés emplissent les cavités
de la vallée dans le voisinage immédiat du fleuve.
11 y a tout lieu de croire qu’auparavant le Fleuve Jaune
s’étalait en un vaste lac dans le bassin qui sépare ces deux
chaînes de montagnes : en cet endroit de son cours, le
Hoang ho se ramifie en plusieurs bras qui changent de place
suivant les crues. Lors du voyage de Prjevalskiy en 1871, le
courant principal, celui du sud, avait une largeur moyenne
de 400 mètres; il était de formation récente, et des courants
latéraux serpentaient dans la plaine jusqu’à la base des montagnes
de l’in chan. Ces déplacements du cours ont probablement
donné lieu à cette légende, que le fleuve disparaît en
entier dans les sables en contournant la péninsule des Ordos,
puisqu’après un long cours souterrain, tout à coup il rejaillit,
au milieu des rochers.
En aval de cette région à demi lacustre qui témoigne de
l’existence d’un ancien barrage naturel, le Hoang ho tourne
brusquement vers l’est et vient se heurter aux montagnes de
gneiss qui forment au sud-est les degrés extérieurs du plateau
de la Mongolie. Le géologue Pumpelly croit avoir retrouvé les
traces d’un lit par lequel le Fleuve Jaune s’écoulait autrefois
en longeant la base du plateau mongol : de nombreux lacs
qui se suivent en colliers et qui communiquent les uns aux
autres p a r d’étroits défilés, indiqueraient le passage de l’ancien
courant, qui se déversait jadis dans la mer Jaune par le Peï ho.
Il n’y a pas 600 kilomètres des lieux où le Hoang ho atteint le
bout oriental de la presqu’île des Ordos jusqu’aux rivages de
la mer Jaune les plus rapprochés, et il y en a bien l 500, menus
détours non compris, par la route qu’a fini par suivre le fleuve,
quand il s’est décidé à se porter de l’est, route directe de
l’océan, vers le sud, qui l’écarte de la voie droite.
En effet, obstrué par ses propres alluvions, et par des
éboulis ou des épanchements de laves, le Hoang ho se porte
brusquement au midi, et il traverse deux chaînes de montagnes
parallèles, de manière à compléter le circuit de plus de
2 000 kilomètres de développement qu’il fait autour du pays
des Ordos et de la province de Chensi. C’est peut-être à la formation
de ce nouveau lit du Hoang ho que se rapporterait la
légende chinoise : i En ce temps Kingkoung combattait avec
Tchouantcheo pour l’empire du monde. Dans sa fureur, il
heurta de sa corne la montagne Putchiao, qui soutient lés
piliers du ciel, et les chaînes de la terre furent brisées. Les
cieux tombèrent au nord-ouest, et la terre se fendit largement
au sud-est. » D’après le témoignage des missionnaires catholiques
du siècle dernier, une espèce de poisson se rencontrerait
seulement près de Paoté, dans la partie du Hoang ho qui
sépare le Chensi du Chansi : la faune rappellerait ainsi l’ancien
isolement des deux moitiés du fleuve actuel.
Le Hoang ho reste fidèle à la direction du midi pendant
près de 700 kilomètres, 650 au moins, en droite ligne, entre le
Chensi à l’ouest et le Chansi à l’est, jusqu’à la rencontre de la
rivière Weï, qui limite d’une manière précise le cours moyen
du « Courant jaune ».
On peut dire à certains égards que le Hoang ho, malgré
l’abondance de ses eaux, est l’affluent du Weï, car cette rivière,
de même que la Saône s ’unissant au Rhône, est celle qui maintient
sa route primitive, et sa vallée, « berceau de la civilisation
chinoise », est un des sillons réguliers qui s’ouvrent
parallèlement aux arêtes dé la Chine centrale. D’ailleurs, le
Weï, le plus grand des tributaires du Fleuve Jaune, est plus
important que celui-ci pour la navigation : des milliers de
barques à fond plat en remontent le cours jusqu’à moitié
chemin de ce coude de Lantcheou où commence le détour du
Hoang ho vers la Mongolie. C’est un beau cours d’eau de
600 kilomètres à grandes lignes, d’ouest en est, sans les détours
secondaires et il a dans son bassin inférieur, à 10 kilomètres
de sa rive droite, la grande Singan, qui fut la capitale de
l’Empire et l’est redevenue pour un temps. Près de cette ville, il
n’a guère que 120 mètres de large, mais avec 50 de profondeur,
n’ayant pas encore mêlé à ses eaux, jaunes en vertu du loess,
les eaux du King, son maître affluent.
Ce « Rhône » et cette « Saône » de la Chine
du Hoang ho sont également chargés des boues
m qu’ils entraînent en rongeant les sols meubles
HOANG HO de leurs berges et les falaises abruptes de la
in f é r ie u r i terre jaune ».
L’eau trouble, opaque du Hoang ho est passée
en proverbe chez les Chinois : « Le fleuve Jaune, disent-ils,