j Utre côté du fleuve se trouvait autrefois la cité considérable
de Koatcheou, où le gouvernement avait établi son
principal dépôt de sel sur les bords du Yangtze. Parfois dix-
huit cents jonques se pressaient dans la rade pour y prendre
leur chargement; mais les érosions du fleuve ont emporté peu
peu la ville, et maintenant il en reste seulement quelques
maisons.
A peu de distance au nord, sur les bords du Grand
Yangtcheou, place commerçante, passe pour contenir
360 000 habitants : c'est l’ancienne capitale du royaume de
ij’ <IB§f d’après quelques étymologistes, aurait donné son
nom au Yangtze kiang; c’est aussi la i grande et noble cité »
de Yanju, que Marco Polo, fraternellement accueilli par les
r?™™S ’. gouverna Pendant trois années; elle avait alors
4 oOO 000 âmes, nous dit la chronique.
Le port de Changhaï, le plus rapproché de
1 entrée du fleuve, est formé par le Hoang pou,
coulée qui s’y réunit à la coulée du Yousang ou
c h a ng h aï, Wousoung, et s’ouvre à 21 kilomètres en aval
soü tcheou. sur la rive droite de l’estuaire du Yangtze.
Changhaï, qui se traduit en français par « la
Haute Mer », est maintenant la plus commerçante des places
maritimes de l’Empire, et sous ce rapport deux villes seulement,
Hongkong et Bombay peuvent rivaliser avec elle dans
toute l Asie.
Pourtant, lorsque les Anglais firent choix de cette position,
en *°42, pour y établir leurs comptoirs, il semblait difficile
qu us pussent jamais réussir à faire de la ville du Hoang pou
une rivale de Canton ou d ’Amoï. Il est vrai que Changhaï, port
de la cite considérable de Soutcheou et de tout le riche district
environnant, avait déjà d ’importantes relations commerciales,
et de plus il avait le grand avantage géographique de commander
1 entrée du fleuve navigable qui traverse entièrement
^ ouest à l’est. Mais il fallait lutter contre les difficultés
du sol et du climat, consolider et exhausser les terrains,
les couper de canaux, assécher les mares, purifier l’air de ses
miasmes; en outre, il fallait nettoyer et baliser le chenal de
navigation, pour maintenir un libre accès aux navires arrivés
de la haute mer.
L assainissement du sol a été mené à bonne fin, du moins
autant qu il est possible de le faire dans une campagne aussi
humide; mais la partie la plus importante de la tâche, au point
de vue commercial, est loin d’ètre achevée. Une barre dangereuse
sépare l’estuaire et le Hoang pou ou fleuve des « Eaux
Jaunes », sur lequel est située Changhaï. Même dans les trente
dernières années, cet obstacle a grandi ; tous les ans des
bateaux s’envasent dans les bancs, les navires d’un fort tirant
évitent de remonter jusqu’à la ville. Il n’y a plus aujourd’hui
que 4 mètres et demi d’eau à marée basse sur la barre du
Hoang pou-Vousang. Si les négociants étrangers n’avaient
récemment imposé au gouvernement chinois d’entreprendre
tous les travaux nécessaires pour le curage de la passe, il eût
été à craindre que Changhaï ne restât tôt ou tard perdue dans
l’intérieur des terres, sur le bord d’une crique marécageuse.
Ce ne sera qu’un petit changement géologique de plus sur
un sol que se disputent les alluvions du Yangtze et les flots
de la mer. D’après les traditions chinoises, Changhaï avait été
bâtie au bord de l’Océan, dont elle se trouve actuellement
éloignée de 40 kilomètres. Le « vent jaune », c’est-à-dire le
courant atmosphérique du nord et du nord-ouest, chargé de la
poussière du désert, le créateur de la Terre jaune, souffle fréquemment
à Changhaï.
Le commerce des denrées locales enrichit les premiers
négociants européens établis à Changhaï, dont la prospérité
spéciale eut pour cause les désastres nationaux. La guerre des
Taïping fit refluer les fugitifs en multitudes sur les terrains
concédés aux étrangers. Lorsque la ville de Soutcheou fut
détruite, en 1860, Changhaï lui succéda comme grande cité de
la contrée ; on y voyait les maisons s’élever du sol comme par
enchantement. Mais, les rebelles ayant été repoussés de Changhaï
et de son district, puis exterminés, le reflux de la population
se fit vers l’intérieur, et d’un demi-million le nombre des
résidants chinois descendit à 65 000. Il est présentement de
450 000 à 500000 dont au-delà de la moitié dans l’enceinte des
concessions européennes.
« Le pli était pris », les habitudes commerciales aussi, et
déjà les lourds palais des négociants étrangers bordaient le
fleuve, au nord de la ville murée des Chinois, qui est une cité
assez sale, peu engageante, comprise dans une muraille de
près de 5 kilomètres de tour, précédée d’un fossé boueux, suivant
l’usage.
Aussi Changhaï ne tarda guère à devenir le port central
d’où les marchandises d’Europe sont réexpédiées vers les
autres marchés de l’Empire. La « concession » anglaise, dont
les habitants gèrent librement leurs intérêts, est la * colonie
modèle, la république du Hoang pou », Whampoa en anglais.