Ces Chinois « typiques » ont le visage rond, les os maxillaires
élevés; la saillie des pommettes semble s’être développée
aux dépens des os propres du nez, qui sont larges et aplatis, de
manière à ramener vers le bas l’angle interne des paupières :
de là ces yeux obliques et petits, qui sont un des traits caractéristiques
des Chinois. Disons ici que, d’après Imbault Huart,
les « fils de Han » naissent avec un nez qui ne diffère pas de
l’européen ; mais « il faut souffrir pour être beau » : on comprime
donc, on presse, on écrase patiemment, des mois durant,
les os et cartilages tendres jusqu’à parfaite « beauté » de ce
trait principal du visage. « Quand elles ne sont pas surveillées
de près, les nourrices chinoises font la même chose aux
enfants des étrangers : aussi y a-t-il beaucoup de blancs nés
en Chine de parents européens ou américains, qui ont le
nez légèrement aplati. » Les cheveux, de même que les yeux
de Jean le « Chinois », sont toujours noirs, mais grossiers
et rudes; la barbe est rare, surtout parce qu’il est d’usage
de s’épiler jusqu’à l’âge de trente ans, et l’on entrevoit à
travers les poils le fond blanc, jaune ou brun de la peau,
suivant les climats. La forme générale du crâne est allongée,
principalement chez les citadins, tandis que les Mongols ont
d’ordinaire la tète beaucoup plus arrondie. La plupart des
Chinoises sont petites et menues; celles qui s’occupent aux
travaux les plus pénibles gardent la délicatesse de leurs formes.
Différentes à cet égard des femmes d’Europe surmenées de
travail, elles ne perdent ni la souplesse du corps ni la grâce
des allures; seulement leur teint se brunit par le soleil et le
grand air.
Déjà dans les anciens livres et dans les discours de Con-
fucius il est question des contrastes qu’offrent les traits physiques
et les caractères moraux entre les différentes populations
de la Chine : celles du nord seraient composées de braves ;
les hommes du midi auraient la sagesse et la prudence en partage;
ceux de l’est se distingueraient par la bienveillance et
l’humanité ; ceux de l’ouest se recommanderaient par les moeurs
fidèles et sincères.
Les voyageurs, observateurs, auteurs de ce temps-ci notent
également, de province à province, les différences qui les frappent
dans le type et le caractère des habitants.
Au-dessus des divergences locales, il paraît bien démontré
que les Chinois septentrionaux ont plus de calme, de douceur,
de politesse, de tenue, qu’ils font moins grise mine aux étrangers
; que les Chinois méridionaux, surtout les Cantonáis, remportent
en énergie, en audace, en rudesse, comme ils l’ont
toujours prouvé, comme ils le prouvent encore dans la guerre
PREMIER
et dans la paix qui, pour beaucoup d’entre eux, les pirates,
était ou est encore la guerre.
On s’accorde à donner la palme aux gens du Chantoung
pour la valeur physique et morale. Les hommes du Chantoung,
dit à peu près Archibald Colquhoun, dans sa China in transformation,
les hommes du Chantoung l’emportent sur le reste
des Chinois. La marine de l’Empire en tire ses meilleurs matelots,
et sur terre ils ont diversement montré leur prouesse
comme pionniers plus ou moins brigands et comme colons
dans le Liaotoung et la Mandchourie. A la subordination de
la Mandchourie la Russie ne gagne pas seulement des territoires
précieux, mais surtout le peuple guerrier, industrieux,
intelligent, assimilable des émigrés du Chantoung.
Quelles que soient toutes leurs vertus, et aussi leurs
défauts, il est et demeure donc certain que les Chinois des
diverses provinces contrastent nettement les uns avec les autres.
Ce qui fait le lien national, c’est la civilisation commune et non
la race, car les éléments aborigènes du peuple se sont mêlés
diversement avec des Tibétains, des Turcs, des Mongols, des
Mandchoux, des Barmans, des Malais, et de nombreuses peuplades
encore à demi sauvages, Si fan et Miaotze, qui n’ont pas
même de désignation ethnique.
Mais voici déjà quatre ou cinq dizaines de siècles que les
cultivateurs de toute origine vivant dans la vaste région naturelle
du Hoang ho et du Yangtze kiang ont les mêmes destinées
historiques, parlent les dialectes d’une même langue et
sont devenus une même nation. Peu à peu, par l’effet du temps,
maint contraste s’est effacé entre les races primitives. Mais
l’opposition subsiste encore avec une singulière vigueur dans
quelques provinces du midi, notamment dans le Fo’kien et le
Kouang toung : les habitants de ces pays forment, pour ainsi
dire, comme deux nations plus ou moins entremêlées suivant
la vallée ou la montagne.
Où naquit cette civilisation première qui,
jl; d’éléments nombreux, finit par constituer, d’une
o r ig in e part, la grande nation chinoise, tandis que,
d e s d’autre part, d’après maints anciens auteurs
c hino is dont Terreur est désormais démontrée, elle
aurait fourni à la race blanche même ses premiers
éléments de culture?
A cette question le Chinois peut répondre en toute vrai