Parmi les centaines de villes qui se pressent
vi dans le Chañtoung, les cités les plus populeuses
v il l e s sont naturellement celles de la plaine alluviale
e t l ie u x de l’occident, celles qu’arrosent le Fleuve Jaune
r em a rq u a b l e s et ses affluents et que traverse la voie, naguère
navigable, du Yun ho ou « rivière des Transports
».
Ces villes-là paient pour leur richesse : elles sont très
exposées aux plus grands périls, du fait de la nature et par les
crimes de l’homme. Plusieurs d’entre elles ont été complètement
détruites lors des inondations, et leurs campagnes ont
été changées temporairement en marécages ; d’autres cités ont
été mises au pillage par les rebelles Taïping ou les brigands
Nienfeï, et la population dispersée a dû se réfugier dans les
villes murées ou dans les régions les moins accessibles des
montagnes.
Mais, après chaque désastre, les cités se repeuplent promptement
; bientôt les maisons d’argile ou de briques sont reconstruites,
les baraques sont replacées et la population commerçante
s’y presse de nouveau, en même temps que la campagne
renaît par le concours des paysans jardiniers. En Chine le
réservoir d’hommes est inépuisable, et les grands désastres se
réparent du jour au lendemain.
Tsinan, la capitale du Chañtoung, n’en est pas la cité la
plus peuplée; elle le cède en cela à Weï hien, à Tengtcheou,
peut-être à Tchoungkia keou. On lui attribue 200 000 âmes, ce
qui n’est guère pour une grande ville de Chine. Mais rien de
tout ceci n’est bien sûr, comme en tout ce qui concerne les
estimations de population du Grand Empire, et, comme nous le
dit Hesse Wartegg, les missionnaires de Tsinan, qui ont bien
étudié leur ville, la croiraient volontiers peuplée de quelque
500 000 habitants.
C’est la Chinangli de Marco Polo ; son nom veut dire : « Capitale
au midi du Tsi », d’après un fleuve Tsi dont le cours a été
confisqué par le Hoang ho. Elle a son site à 6 ou 7 kilomètres
de la rive droite du fleuve Jaune, à 37 mètres seulement d’altitude,
au pied septentrional des monts du Taï chañ, dans une
campagne d’extrême fécondité parsemée de cônes isolés d’une
centaine de mètres de hauteur qui furent des volcans. Elle doit
probablement son existence, et en tout cas, beaucoup de ses
agréments à des sources magnifiques, très révérées des gens
du lieu : l’une d’elles s’épanche en véritable petite rivière. Les
trois principales d’entre elles, origine du courant transparent
que trois monosyllabes chinois appellent « Fontaines aux violents
bouillonnements », jaillissent dans l’enceinte d’un temple,
où chaque année on les honore par une fête solennelle,
à l’époque du grand marché annuel, qui dure un mois.
Cette abondance de belle eau vive a fait de Tsinan une cité
semblable à Peking par la multitude des grands arbres qui
ornent parcs, cours et jardins. Quand, d’un lieu élevé, on
contemple de loin cette capitale, on dirait presque une forêt
dans une plaine parfois couverte des eaux irritées du Hoang
ho — car on a vu le puissant fleuve arriver jusqu’aux murs
de Tsinan, notamment en 1868 et en 1887.
La muraille entourant la ville proprement dite a 12 kilomètres
de tour; celle qui enserre à la fois ville et faubourgs,
triple ceinture de « remparts en terre avec fossés profonds »,
en a 42, six de plus que les 36 de l’enceinte parisienne. Mais une
bonne part de l’énorme surface ainsi limitée est pure campagne
avec cultures diverses et un charmant lac renommé pour ses
jolies rives, ses îles boisées, ses « maisons à thé ». La partie
urbaine est une des cités du « Milieu » les mieux tenues et les
plus régulièrement construites; c’est aussi Tune de celles qui
renferment le plus grand nombre d’habitants professant des
religions étrangères. Le nombre des mahométans s’y élèverait
à 10 000 d’après Williamson, à 20 000 d’après Fauvel, et
12 000 chrétiens catholiques se grouperaient dans la ville et
aux alentours. Une des principales industries de Tsinan est la
fabrication des soies, notamment d’une étoffe pour laquelle on
emploie les cocons d’un ver à soie sauvage se nourrissant des
feuilles du chêne. Les fausses pierres précieuses de Tsinan
sont aussi l’objet d’un grand commerce.
Le port de la capitale du Chañtoung sur le Hoang ho est
Lokao, à 550 kilomètres environ de l’embouchure. Le fleuve,
aux eaux d’un jaune brun ou d’un brun jaune, n’a par ici que
250 mètres de large, avec une vitesse de flot de 4 500 mètres
par heure; notablement appauvri depuis sa sortie des monts
par l’irrigation de la grande plaine, l’évaporation, les coulées
de droite et de gauche, il ne porte que des barques ; les jonques
ne le remontent que jusqu’à Tiemoun kouan, à une trentaine
de kilomètres seulement de l’embouchure.
La ville qui passe, à to rt ou à raison, pour la plus populeuse
du Chañtoung, Weï hien (250 000 habitants) n’a point titre
de capitale : c’est un simple hien ou »lieu de troisième ordre »,
mais elle occupe une situation très heureuse au milieu de la
plaine qui sépare les deux massifs montagneux de la province,
et se trouve en communication facile avec les deux rives, golfe
de Petchili au nord, baie de Kiaotcheou au sud.