viennent raviner les plateaux triasiques et les flancs des collines
déboisées, dégageant chaque année de nouveaux pointements
calcaires.... La température, sans être excessive, est cependant
pénible à supporter.... Les communications par terre sont alors
souvent interrompues et les transports ne s’effectuent plus que
sur les rivières, où les jonques, poussées à la gaffe, parviennent
à remonter très loin de la limite ordinaire de navigabilité....
Telle rivière monte de 23 mètres,... le fleuve Bleu jusqu’à 40....
En somme, climat beaucoup moins anémiant que celui du
Tonkin,... non sans paludisme, mais paludisme bénin, qui sévit
surtout dans les endroits encaissés, quelle que soit leur altitude
: une des localités les plus fiévreuses se trouve dans la
région de Li kiang, à plus de 3 500 mètres d’élévation.... Malgré
tout, l’âge sénile commence à quarante ans, et les indigènes
dépassent rarement la soixantaine. »
Tout le Yunnan n’est pas absolument désarbré : de vastes
forêts couvrent encore une partie de la région montagneuse
et l’on en retire des bois de construction, entre autres le
laurier nanmou, que l’on emploie pour les temples et les
palais, en raison de sa longue durée et de l’odeur pénétrante
qui s’en exhale.
Comme cultures, celles de la Chine méridionale, naturellement,
et en dépit de l’altitude du sol : avant tout le riz, à peu
près ubiquiste dans 1’ « Empire du Milieu » et qu’on plante
jusqu’à 2 500 mètres au-dessus des mers : même aux élévations
considérables, il croît à merveille, et peut donner jusqu’à
250 grains par an (à Tali fou, par exemple). Là où Ton ne
dispose pas de la profusion d’eau que réclame le riz, Ton plante
le maïs ; aux lieux infertiles on sème le sarrasin ; la pomme de
terre étend de plus en plus son domaine; l’opium surtout se
propage depuis la fin de l’insurrection musulmane. Malgré
les prétendues défenses du gouvernement, le Yunnan est devenu
la principale province de la Chine pour la venue du pavot, qui
s’est emparé d’un tiers au moins des champs voués à la culture.
Pas encore de vigne « civilisée », mais la vigne sauvage se
montre aux altitudes inférieures à 1 800 mètres, « surtout vers
1 200 » ; il y a pêchers, poiriers, pommiers et cerisiers en
abondance.
En résumé, dans le haut, les plantes de l’Europe; dans le
bas, les plantes du Tropique, * Dans les parties profondes des
vallées d’érosion la température reste élevée tout l’hiver et
permet la culture des plantes tropicales : ainsi, dans la boucle
du fleuve Bleu, Ton rencontre à 800 mètres d’altitude la même
végétation qu’à Saigon ». Comme animaux, le porc, et, au-dessus
de 2 200 mètres, des troupeaux de moutons, dont on utilise la
laine pour couvertures et tapis multicolores, mais dont on ne
mange pas la chair.
Mines, industries, agriculture, tout cela n’entrera vraiment
en pleine prospérité, dans l’ère « définitive », qu’après
instauration de voies de communication dignes de ce nom,
qu’usurpent en Yunnan des rivières peu commodes, de mauvais
chemins et d’horribles sentiers.
Non seulement cette province a besoin de routes et de
chemins de fer pour exporter ses minerais et ses denrées en
Chine et à l’étranger, mais en outre elle doit servir de chemin
de transit entre l’Inde et le bassin du Yangtze kiang. Les
fleuves qui divergent autour du Tibet oriental et du Yunnan,
le Brahmapoutra, l’Irraouaddi, le Salouen, le Mékong, le
fleuve Rouge, indiquent d’avance d’une manière générale la
direction de toutes les routes dont le centre naturel est sur le
plateau de Yunnan Sen. C’est par cette terrasse secondaire que
le plateau supérieur du Tibet peut être contourné à 1 orient et
que l’Asie centrale se rapprochera des bouches du Gange.
Entre les deux grands marchés, Calcutta et Hankoou, la ligne
droite qui passe par les cités du Yunnan permettra d éviter un
jour la circumnavigation de l’Indo-Chine et de la Chine méridionale
: la distance économisée par les voyageurs sera d’environ
6 000 kilomètres.
On ne saurait donc s’étonner des efforts qui ont été récemment
tentés pour établir par le Yunnan des relations commodes,
régulières entre la » Fleur du Milieu » d’une part,
l’Indo-Chine et l’Inde d’autre part.
Un article du traité de Tien tsin ayant reconnu aux étrangers
le droit de pénétrer dans l’intérieur de la Chine par tous
les points de la frontière ou du littoral, nombreux furent les
explorateurs qui profitèrent de cette clause en suivant les
traces des quelques missionnaires qui, sous le costume, chinois,
vivaient çà et là dans les « chrétientés » des frontières tibé-
taines.
Dès Tannée 1867, une mémorable expédition, la plus importante
qui se soit faite dans ces contrées, ouvrait les frontières
méridionales du Yunnan \ les Français Doudard de Lagrée,
Garnier, Delaporte, Joubert, Thorel entraient à Yunnan sen.
Depuis Marco Polo, c’est la première visite d’Européens qu’ait
reçue l’antique cité de Yachi.
En 1868, un « pionnier du commerce », l’Anglais Cooper,
partant des bords du Yangtze, essayait vainement de pénétrer
dans l’Assam par Batang et Tali fou; Tannée suivante, il ten