reconnaît aussi que les apports du Peï ho et du San ho ou
Petang ho ont fait notablement avancer la ligne du littoral
dans cette mer peu profonde et rattaché à la côte d’anciennes
îles, buttes de lave dressées au-dessus de la mer avant la
période historique. Toute la plaine basse du Petchili est un
fond marin que les torrents, apportant les débris menuisés
des montagnes riveraines, ont graduellement comblé. Des
lacs, des marécages, occupent toujours une partie de la contrée,
et çà et là les eaux cheminent incertaines, ne trouvant pas
de pente suffisante pour s’écouler vers le golfe.
La province est assez bien limitée au nord et à l’ouest par
les escarpements des montagnes d’où descendent Liao ho et
Peï ho, et qui servent de contreforts à la masse des plateaux
mongols. Vus de la plaine les monts s’escarpent hardiment; ils
sont pour beaucoup dans la beauté des horizons de Peking, au
bout de la plaine immense.
En leur ensemble, ces arêtes du sol sont orientées dans
le sens du sud-ouest au nord-est, parallèlement à l’arête de la
péninsule du Liaotoung et aux montagnes du Chantoung ; les
rivières qui s’en échappent en suivent d’abord les hautes
vallées, puis, trouvant une fissure latérale, elles s’y engagent
brusquement pour entrer dans la plaine. A peine un sommet
dépasse-t-il la hauteur de 2 000 mètres dans les parties des
chaînes comprises entre les cluses du Peï ho et celle du Wen ho,
les deux rivières qui baignent la campagne de Peking. Mais au
sud du Wen ho les crêtes se redressent en sommets de
2 500 mètres et peut-être de 3 000 ; même, dans ce remous de
montagnes, le Siao Outaï Chan ou le * Petit mont des Cinq Pies »
atteint 3 494 mètres, mais il ne s’élève pas dans le Tchili, il
appartient au Chansi, à l’ouest et non loin de la province. Tout
au nord du territoire, aux frontières de la Mongolie, vers les
sources du Liao ho des Mandchoux et du Lan ho des Chinois,'
le Pa tcha Chan culmine à 1 800 mètres.
Ainsi le Petchili élève des monts qui vont de la hauteur
des Cévennes à celle des Pyrénées.
Au tronc du Peï ho, — Paï ho, Pe ho, -^ c ’est-à-
dire « fleuve du Nord », s’ajuste une vaste ramure
iii d’affluents et sous-affluents tellement étalée du
le nord au sud, dans les provinces de Tchili, et
p e i no surtout de Chansi, qu’il y a bien 650 à 700 kilomètres
entre les sources de ces rivières dont les
noms chinois se gravent aussi difficilement dans la mémoire
de ceux qui ne connaissent pas la langue, que facilement
dans l’esprit de ceux qui la connaissent.
C’est pourquoi, le fleuve du Nord étant court, 500 kilomètres
environ, il n’en rassemble pas moins les eaux de
142 400 kilomètres carrés, soit plus du quart de la France. On
évalue diversement sa portée à 219 ou 255 mètres par seconde,
et à 2 265 000 mètres cubes le volume des alluvions qu’il convoie
annuellement dans le golfe de Petchili. Le Peï ho, tout
entier petchilien, n’est ni la plus longue, ni la plus abondante
rivière du bassin — ce serait plutôt le Weï ho (750 kilomètres),
branche la plus méridionale, Séf- mais il passe dans la banlieue
orientale de la capitale de l’Empire, et c’est par lui que le
fameux canal Impérial s’approche de Peking, puis y arrive par
un embranchement : d’où la prééminenue que lui accorde la
nomenclature.
Nommé donc à tort Peï ho plutôt que Wen ho, il passe
devant Tientsin, digne du nom de fleuve à l’heure de la marée
haute seulement, et le reste du temps ornière boueuse où l’on
ne s’explique pas qu’il soit possible de faire évoluer un bateau ;
il coule dans une plaine vaguement cultivée où les champs
spongieux alternent avec de vastes étendues bossuées de tertres
funéraires» (Marcel Monnier).
Lui et les siens font le malheur de la grande et riche
plaine du Tchili. Il advient souventg.et parfois plusieurs
années de suite, que les campagnes de Tientsin et de tout le
centre de la province sont grâce à lui, grâce à eux. « malgrâce
», devrait-on dire plutôt, changés en un déplorable lac
de boue.
On a vu leur inondation commune recouvrir un espace
d’environ 15 000 kilomètres carrés d’une couche d’eau variant
d’un demi-mètre d’épaisseur à un mètre et demi ; les villes et
les villages, bâtis sur les buttes et sur les terres élevées, émergent
seuls de l’immense déluge. L’eau de crue qu’apportent
en amont de Tientsin toutes les rivières qui se rencontrent en
cet endroit, le Peï ho supérieur, le Wen ho, le Tsou ho, le
Houto ho, le Weï ho, ne trouve pas un écoulement assez
rapide par le cours inférieur du Peï ho, et s’étale au loin dans
les campagnes. Les récoltes sont détruites et les habitants du
pays condamnés à la famine; la navigation est compromise;
les berges fluviales s’écroulent; les lits changent de place; les
canaux deviennent des coulées incertaines. Ainsi le Weï ho,
qui formait jadis la partie septentrionale du Grand Canal,
entre Tientsin et le Yangtze, avait récemment cessé d’être
navigable.