tcheou, à l’issue du Tsientang, rivière navigable, occupe en
même temps l’embouchure méridionale du Grand Canal, que
Ton croyait à tort avoir remplacé un ancien cours du Yangtze :
la boucbe du grand fleuve s’ouvrit ailleurs dans la mer à Test
du lac Tahou.
Un heureux climat, un sol des plus fertiles, ne pouvaient
manquer d’assurer à Hangtcheou une importance de premier
ordre. Elle fut la capitale de l’Empire méridional, quand la
dynastie nationale des Song fut chassée de la ville impériale de
Kaïfoung par les conquérants tartares. Après avoir été expulsée
de la Chine du nord, et du val du Hoang ho, il lui fallut abandonner
aussi le Yangtze kiang : c’est alors que Hangtcheou
devint résidence impériale pendant environ cent cinquante
années, jusqu’à sa conquête par ces mêmes Tartares, en 1275.
De cette époque elle garda pendant des siècles le nom de
Kingtze, sous lequel elle fut connue, au Moyen âge, des voyageurs
arabes et européens. Marco Polo parle de Kingtze
(Quinsay) en termes d ’admiration qu’aucune autre ville ne lui
avait inspirés. Dans ses voyages à travers l’Asie orientale, rien
ne l’étonna comme la « nobilissime cité, sans faille la plus
noble et la meilleure qui soit au monde » ; toutefois les détails
qu il donne sur cette capitale sont tels, qu’on peut s’expliquer
sans peine les railleries par lesquelles ses récits furent
accueillis en Europe.
D’après lui, elle aurait eu cent milles de tour, seize cent
mille maisons, trois mille bains, douze mille ponts de pierre
assez élevés pour laisser passer des flottes, et gardés chacun
par un poste de dix hommes ; les douze corporations ouvrières
auraient eu chacune douze mille maisons pour leurs industries.
Les autres voyageurs d’autrefois parlent de Quinsay en termes
à peine moins enthousiastes.
Oderic de Pordenone la dit aussi la » plus grande cité du
monde », Ibn Batouta raconte qu’il faut trois journées de
marche pour la traverser en entier. Même au xvu® siècle, alors
que Hangtcheou avait depuis longtemps perdu son rang de
capitale, Martinus Martini lui donnait encore cent milles italiens
de tour, même plus, en comptant les faubourgs, qui se
prolongent à d’énormes distances : on pouvait cheminer en
ligne droite dans la ville l’espace de 50 li, sans voir autre chose
que des maisons pressées les unes contre les autres.
Il est certain que la ville, encore très vaste, puisque son
enceinte a 20 kilomètres de tour, couvre une superficie beaucoup
moindre qu’autrefois ; au sud-ouest, des restes de murs
et de constructions marquent l’emplacement de ce qui fut un
palais impérial, et de tous les côtés se voient les ruines de
temples. Le grand lac que les auteurs du Moyen âge décrivent
comme enfermé dans la cité, est de nos jours en dehors de
l’enceinte; mais les constructions de toute espèce qui s’élèvent
sur les îles et les plages, pagodes, kiosques, tombeaux, tours,
maisons de plaisance, en font encore une dépendance de
l’agglomération urbaine. Ce Si hou ou « lac Occidental » n a
plus sa forme primitive. Sa nappe d’eau était jadis à peu près
circulaire, si ce n’est à l’ouest, où les vagues, poussées par le
vent de la mer, avaient fait surgir en travers du lac une levée
légèrement infléchie, que les hommes ont remaniée en faisant
la « chaussée des six ponts » ; une grande île a été aussi rattachée
à la terre ferme par des digues et des ponts de marbre;,:
chaque promontoire, chaque îlot s’est frangé de jetées. Ces
édifices de fantaisie, qui se reflètent dans l’eau avec les bosquets
environnants, appartiennent à la belle époque de 1 architecture
chinoise, et l’élégance de leurs formes, l’éclat de leurs
couleurs, la variété infinie qu’ils donnent au paysage font des
bords du Si hou une région célèbre.
« Ce lac, dit A. Vissière, a une réputation de beauté sans
égale dans l’Extrême-Orient. Célébré à l’envi par les poètes,
son renom a franchi les mers, et tel souverain asiatique, imbu
de culture chinoise, soucieux, à une époque de gloire et de
prospérité, d’embellir sa capitale, n’a pas manqué de prendre
d’abord modèle sur Hangtcheou. Il a voulu aussi imiter ce lac
qu’il savait entouré de montagnes, de palais, de temples, parcouru
sans cesse par des barques de plaisance et sur les bords
duquel un poète chinois a pu se demander si les chants et la
danse y cesseraient jamais. C’est ainsi que nous avons à Hanoi,
capitale du Tonkin,'notre ville française d’aujourd hui, un « lac
Occidental », un Si hou, — en annamite on dit O-tai, — ou les
empereurs d’Annam se plaisaient à voir le pendant du lac de
l’ancienne capitale des Song et que les bardes annamites ont,
à leur tour, exalté dans leur classique admiration. Le site est
resté et restera beau à Hangtcheou, mais l’implacable révolté
des * Rebelles à longs cheveux » y est passée comme un vent
de tempête, détruisant sur son passage la plus grande partie
de ce que la ville et ses environs devaient à la science, à 1 art
et à l’industrie des hommes. Ce sont donc, en réalité, les restes
d’un passé brillant qu’on vient ici visiter en pèlerinage, en
s’efforçant de reconstituer, à tout moment, ce qui avait lait
l’orgueil de la Chine et l’admiration des étrangers. »
La vue de ce lac enchanteur, l’horizon de la baie et de la
mer, le charme de la vie et la bienveillance des habitants, ont