vastes connaissances pour plaire aux grands, et qui finit par
résider à la cour comme pensionnaire de l’empereur.
Les missionnaires jésuites, non moins intelligents et
souples que leurs prédécesseurs italiens, continuèrent leur
oeuvre; ils surent presque tous obtenir comme lui les bonnes
grâces du souverain, firent de nombreux prosélytes parmi les
hauts personnages de l’Empire et devinrent grands personnages
eux-mêmes. D’ailleurs, ils s’étaient bien gardés de condamner
d’une manière absolue les rites que les Chinois tenaient
pour sacrés, notamment ceux du culte des ancêtres ; ils admettaient
même les offrandes de fruits et de fleurs, les sacrifices
en l’honneur des mânes ; ils ne voyaient ou ne voulaient voir
dans ces cérémonies que des témoignages de respect filial.
Bien moins tolérants qu’eux, et plus strictement liés au
dogme catholique, furent les prédicateurs dominicains. Leurs
premiers missionnaires arrivèrent en Chine au milieu du
xvne siècle. Ils flétrirent ces rites comme idolâtres et, de même
que dans l’Amérique du Sud, la divergence d’idées, la rivalité
d’ambitions amenèrent l’hostilité déclarée entre ces deux ordres
religieux, qui, tour à tour, l’emportaient dans les conseils de
Rome.
En 1715, après une série d’enquêtes et de contre-enquêtes,
qui n’avait pas duré moins de soixante-dix années, une bulle
du pape Clément XI donna tort aux Jésuites et porta le coup
mortel à la christianisation de la Chine — à supposer que cette
christianisation fût une des possibilités de l’avenir. Mais déjà
Khanghi avait publié le « saint décret », dont le septième commandement
condamnait « toute secte étrangère », et son fils
Yong-tcheng avait ajouté à cet édit le commentaire suivant :
« Quant à la religion catholique, elle est contraire aux doctrines
correctes, et c’est uniquement parce que ses prêtres connaissent
les sciences que la cour les emploie, mais toutes ces fausses
doctrines qui trompent le peuple tombent sous le coup des
lois, et pour punir ces artifices, l’État a des châtiments prévus. »
La persécution fut efficace, et pendant plus d’un siècle, la
religion chrétienne disparut presque entièrement de l’empire,
jusqu’à l’intervention armée des puissances européennes.
Depuis cette époque, les néophytes chinois ont non seulement
à confesser la foi catholique, mais encore à renier les
usages traditionnels de leur pays. Aussi les conversions sont-
elles devenues relativement rares ; la plupart se font dans les
classes que la pauvreté dispense de la célébration des cérémonies
funéraires; en outre, des enfants recueillis par les
prêtres en temps de guerre ou de famine, ou bien achetés à
des parents misérables, sont élevés dans la pratique du culte
catholique; c’est ainsi que se recrutent les « chrétientés » de
l’Empire. « Avec cent francs donnés à nos baptiseurs, dit
l’évêque Perrocheau, nous pouvons régénérer au moins trois
ou quatre cents enfants, dont les deux tiers vont presque
aussitôt au ciel. »
En 1876, les missionnaires français, italiens, espagnols,
belges, étaient au nombre d’environ trois cents, et se faisaient
aider dans leur oeuvre par des centaines de prêtres et de catéchistes
indigènes. Ils évaluaient le nombre de leurs adhérents
à 400 000 ou 500 000 personnes, s’accroissant d’environ deux
mille chaque année.
En 1891, on admettait le chiffre de 525 000 chrétiens, sinon
600 000, prêchés et catéchisés par 530 missionnaires; et en 1900,
environ 700 000, groupés en 577 • chrétientés », avec 3 980 églises
ou chapelles et 2912 écoles.
Ces missionnaires appartiennent à des congrégations
diverses, françaises, italiennes, espagnoles, plus une congrégation
belge, et une congrégation allemande. On évalue qu’ils
étaient 900, assistés de quelques centaines de vicaires indigènes,
quand a sonné la fin du siècle, ou plutôt quand ont commencé
les troubles et massacres de la guerre dite des Boxeurs :
sur ces 900, les plus nombreux de beaucoup sont des Français.
Diplomatiquement, leur tutrice et protectrice générale est la
France, depuis les conventions faites avec le gouvernement chinois
en 1844 et en 1860, sous l’àgrément de la papauté; toutefois
l’Allemagne et l’Italie protègent directement leurs missionnaires
nationaux. Au début c’est le Portugal qui avait été
le * tuteur et protecteur ». Prennent part à l’évangélisation :
les Missions Étrangères de Paris, dont le champ de propagande
est, et de beaucoup, le plus vaste; les Lazaristes, les Jésuites
— c’est le lot de la France; les Franciscains, les Missions
Étrangères de Milan, les missionnaires de S. Pierre et S. Paul
de Rome, lot italien; les Augustins et les Dominicains, lot de
l’Espagne; les missionnaires de la congrégation de Scheut,
qui sont belges; les missionnaires du Collège de Steyl (dans
le Chantoung), qui sont allemands et relèvent maintenant de
l’Allemagne. En tout 36 vicariats e t 2 préfectures apostoliques.
Les missionnaires catholiques '-4;|les protestants aussi
ont été dès longtemps et sont toujours un brandon de discorde
entre la Chine et l’Europe malgré la simplicité naïve et la
bonté, l’esprit de justice et le dévouement de beaucoup d’entre
eux. L’influence qu’ils prennent dans les familles; les affaires
épineuses où les entraînent des convertis en qui ils ont toute