CHA P IT R E D EUX IÈME
P R E SQ U ’I L E E T PROV INCE
DE CHANTOUNG
I . AUTONOMIE NATURELLE DU CHANTOUNG. Il II. RIVES ET MONTS
DU CHANTOUNG. Il III. LE TA CHAN OU TAÏ CHAN.M: IV. CLIMAT ET PRODUITS
DU CHANTOUNG. il ‘ V. LES HARITANTS DU CHANTOUNG. Il VI. VILLES ET
LIEUX REMARQUARLES. Il VII. KIAOTCHEOU : PROJETS I>'AVENIR.
LE Chantoung est, dans sa partie orientale,
une région géographique complètement dis-
/ tincte du reste de la Chine, ou, pour plus d’exac-
au to nom ie titude, qui en fut jadis séparée par une mer
n a tu r e l l e dont le temps a fait une terre.
d u Distinct aussi, par l’orientation politique,
cHANTOuîfG depuis des événements tout récents, le Chantoung
n’est présentement convoité ni par la
Russie, ni par la France, ni par l’Angleterre, mais par l’Allemagne.
Présentement, et peut-être pour de longues années : toutefois,
sans préjuger l’avenir, on peut penser que les Allemands
ont choisi leur part de Chine bien près de la part des Russes.
Or, ceux-ci, qui touchent et toucheront de plus en plus
la Chine par des provinces russes, peuplées de Russes parlant
russe, seront toujours plus forts, sur ce sol à eux con-
tigu, que les Allemands, séparés du Chantoung par toute la
masse du vieux monde.
Il ne paraît donc pas vraisemblable que l’Allemagne puisse
développer ici un « Neu Deutschland » jusqu’à son but naturel,
qui est l’acquisition du Hoang ho, de son riche bassin, de ses
l i v r e d e u x i è m e Presqu’île et Province de Chantoung.
« terres jaunes » qui valent mieux que les « terres noires » de
la Russie.
Le pays des « Monts Orientaux » — car tel est le sens des
mots Chan toung — se compose de deux massifs de montagnes
et de collines dont l’un s’avance au loin dans, les eaux,
entre de golfe de Petchili et la mer Jaune proprement dite;
tandis que l’autre, continuant le premier vers l’ouest, au delà
de la dépression de Kiaotcheou, s’élève au-dessus des bas-fonds
où les Chinois ont fait passer leur Grand Canal, à travers de
vastes plaines alluviales déposées dans une ancienne mer. De
ce côté, c’est-à-dire à l’Occident, le Hoang ho a promené son
cours pendant la série des âges, déposant ses argiles, tantôt
au nord, tantôt au sud de la presqu’île de Chafitoung.
Ces i Monts de l’Orient » furent donc une île, agglutinée
au continent chinois depuis des temps immémoriaux.
Par sa forme générale, la péninsule du Chantoung ressemble
essentiellement à celle de Liaotoung que les montagnes
de la Mandchourie projettent vis-à-vis d’elle, au nord, par
delà l’ouverture, l’entrée du golfe de Petchili, mais elle a de
plus grandes dimensions que la Chersonèse des Mandchoux
devenue brusquement russe, ou il ne s’en faut guère.
Ses côtes, reconnues pour la première fois par des navires
européens en 1793, lors de l’ambassade en Chine de l’Anglais
Macartney, sont découpées par d’innombrables baies, arrondissant
leurs courbes régulières de promontoire à promontoire.
Presque tous ces caps se terminent par des escarpements
abrupts, et cependant les eaux qui en baignent la base n’ont
aucune profondeur; des écueils, des îlots prolongent quelques
pointes jusqu’à une grande distance dans la mer; même une
sorte d’isthme en partie émergé réunit la côte septentrionale
du Chantoung à la pointe terminale de la péninsule de Mandchourie
par les îles de Miao tao et des bas-fonds. Le seuil le
plus bas, dans ces parages qui forment l’entrée du golfe de
Petchili, se trouve à 71 mètres de la surface et la profondeur
moyenne de la cavité est de 25 mètres seulement : lesalluvions
apportées incessamment par le Hoang ho expliquent cette
mince épaisseur liquide sur les fonds marins.
N’empêche que les barques chinoises, les jonques d’un
faible tirant d’eau peuvent pénétrer dans la plupart des criques
du littoral. Plus facilement encore les bateaux pouvaient
naguère contourner le Chantoung à l’ouest par la « rivière
des Transports », laquelle n’est autre que le Canal Impérial,
menant des bords du Yangtze kiang à ceux du Hoang ho et
longeant d’assez près la base du massif occidental du Chantoung
là où il s’abat sur l’immense plaine.